Parmi les 2000 spiritueux vendus à la Société des alcools du Québec (SAQ), une vingtaine de produits seulement sont certifiés bios. Contrairement aux vignerons, les distillateurs voient peu d’avantages à certifier leur alcool. Ils mettent tout de même en place une panoplie d’initiatives écoresponsables pour que leur boisson soit plus verte.

Bénédicte Hardy est à la tête de la maison de cognac homonyme. Dans le grand éventail de produits de l’entreprise, un seul cognac est certifié bio. Et il est un des rares de la région.

Ce n’est pas étonnant : sur les 88 000 hectares de vignes plantées à Cognac, à peine 1 % sont certifiés biologiques. Il est donc difficile, et plus cher, pour les distillateurs d’acheter la matière première pour élaborer des cognacs bios.

« À Cognac, les vignerons veulent produire beaucoup de vin pour le distiller, raconte Mme Hardy. Ils ne veulent pas s’embêter avec le bio. D’abord parce que ça implique des coûts et du travail supplémentaires, ensuite parce que les récoltes sont moins importantes en bio. »

Tendance

Ce n’est pas qu’à Cognac que les spiritueux bios sont rares. L’expert Alexandre Vingtier observe la même tendance pour les whiskies, les vodkas ou les gins, et ce, partout dans le monde.

Le processus de distillation élimine toute trace de pesticides qui pourrait se retrouver dans l’alcool, assure M. Vingtier. Puisque l’achat de matière première certifiée bio, comme les céréales ou le vin, est plus onéreux, les producteurs ne voient pas la plus-value.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Saga, le premier gin certifié bio au Québec

Alexandre Vingtier ajoute aussi que les coûts liés à la certification biologique dissuadent de nombreuses entreprises, surtout si elles exportent. Car l’absence d’accords internationaux encadrant le bio impose aux entreprises d’obtenir, et de payer, une nouvelle certification dans chaque marché où elles exportent.

« Il faut vraiment que le producteur voie une manière de se distinguer ou qu’il ait un engagement sincère et profond », observe-t-il.

Cet engagement sincère, c’est ce qui motive Marcel Mailhot. L’agriculteur est à la tête de la distillerie Grand dérangement, située à Saint-Jacques dans Lanaudière. Il a été le premier à commercialiser son gin bio à la SAQ. La certification biologique était une avenue naturelle pour l’entreprise, puisque les céréales utilisées dans la production du gin et de la vodka sont cultivées selon les règles de l’agriculture biologique.

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Marcel Mailhot, agriculteur à la tête de la distillerie Grand dérangement

Il est vrai qu’avec la distillation, l’alcool ne peut pas contenir de produits chimiques, mais c’est tout le principe en aval. On a fait attention à nos terres agricoles en n’utilisant rien de chimique. Cela a un impact quand on boit l’alcool.

Marcel Mailhot, agriculteur à la tête de la distillerie Grand dérangement

Des initiatives pour des spiritueux plus verts

Sur les quatre-vingts distilleries en activité, seules trois commercialisent des spiritueux bios à la SAQ. Geneviève Laforest, de l’Union québécoise des microdistilleries, constate toutefois que les entreprises sont nombreuses à adopter des principes d’économie circulaire ou à élaborer des spiritueux avec des ingrédients récupérés.

La distillerie Comont a appliqué le concept d’économie circulaire et d’écoresponsabilité encore plus loin. L’entreprise de Bedford s’est associée à Arctic Gardens, au Groupe St-Hubert et à Nutrifrance afin de produire la première vodka neutre en carbone au Canada. Pour ce faire, elle a utilisé quatre tonnes de légumes déclassés, de retailles de pâte à tarte ainsi que des résidus de pâte à biscuits fournis par ses partenaires pour produire sa vodka. Le spiritueux devrait être libéré sous peu à la SAQ.

Plusieurs distilleries québécoises proposent également des rabais aux clients qui rapportent les bouteilles au domaine afin qu’elles soient nettoyées et réutilisées. Cette initiative risque cependant de prendre fin avec la mise en place de la consigne à la SAQ, considère Geneviève Laforest.

Quatre spiritueux écolos

Des patates imparfaites pour une vodka

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Ubald Route 363 Patate

Dans le comté de Portneuf, tout près de Québec, la famille Dolbec est connue depuis 50 ans pour ses patates. Dans le village de Saint-Ubalde, ses champs s’étendent à perte de vue. Sur les 4000 hectares de pommes de terre cultivées, environ de 5 % à 8 % n’ont pas la qualité requise pour se retrouver dans l’assiette, explique la directrice, Josée Petitclerc. Certains des légumes abîmés sont vendus pour la transformation en patates fraîches prêtes à cuire ou la fabrication de farine, tandis que d’autres servent à nourrir le bétail. Depuis deux ans, la famille a trouvé un autre débouché à ses patates imparfaites : l’alcool ! Juste à côté de l’usine de transformation de pommes de terre, elle a fondé la distillerie Ubald. Dans des installations à la fine pointe de la technologie, on y produit une gamme de gins et de la vodka. Cette dernière possède une texture onctueuse et épicée.

Ubald Route 363 Patate, 49,75 $

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Cueillette sauvage pour gin d’été

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Distillerie du Fjord Km12 Concombre

Établie au pied des monts Valin au Saguenay, la Distillerie du Fjord ne va pas très loin pour récolter les aromates qui parfument son fameux gin km12. Le poivre des dunes et le myrique baumier sont cueillis à la main dans la forêt à proximité de la distillerie. Pour encourager l’économie locale et durable, la famille Bouchard utilise également les concombres « moches » des Serres Toundra, au Lac-Saint-Jean, pour créer son gin au concombre. L’an dernier, trois tonnes de concombres ont permis de produire la boisson. Le mariage des parfums résineux de la forêt boréale et des notes herbacées du concombre est audacieux, mais réussi. Le gin est très rafraîchissant et il permet de servir le parfait gin tonique.

Distillerie du Fjord Km12 Concombre, 47,00 $

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Prêt à remuer en matières recyclées

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Aupale Seltzer Pamplemousse

Tout dans les prêts-à-boire de l’entreprise Aupale a été pensé pour réduire l’empreinte carbone. Que ce soit la bouteille de verre, l’emballage de carton ou encore l’aluminium du bouchon, tout provient de matières recyclées. Dans la bouteille, l’entreprise récupère également des fruits rejetés pour la vente afin d’aromatiser ses seltzers. C’est le cas de son prêt-à-boire au pamplemousse. Cette boisson à base d’eau pétillante et de vodka n’est pas filtrée. Il faut donc la remuer avant de l’ouvrir. On découvre alors des saveurs de pamplemousse frais, très peu sucré ni amer. Avec 7 % d’alcool et moins de 2 grammes de sucre par portion, c’est encore meilleur.

Aupale Seltzer Pamplemousse, 16,80 $ (4 x 250 ml) 

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Liqueur bio

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Birster Camerise

Bien qu’il y ait peu de rhums certifiés biologiques, l’expert Alexandre Vingtier assure que les producteurs de canne à sucre utilisent en général peu de produits chimiques en raison du coût élevé de ces matières. C’est d’ailleurs avec de l’alcool de canne à sucre certifié biologique que les frères Birster produisent leurs spiritueux bios au Québec. La canne à sucre confère une texture soyeuse très agréable à leurs alcools. Établie à Val-des-Sources, l’entreprise commercialise depuis peu une liqueur à base de camerise. Les fruits bios sont récoltés à quelques kilomètres de la distillerie par la coopérative Cultur’Innov, puis ils sont macérés dans l’alcool. De couleur rouge rubis, cette liqueur peut remplacer celle de cassis dans les cocktails. L’amertume de la camerise et l’ajout de myrique baumier créent un goût complexe et moins sucré.

Bister Camerise, 32,75 $

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