Les portions de terrain au-dessus desquelles passent les fils d’Hydro-Québec recèlent un potentiel écologique méconnu. Des organismes environnementaux et des municipalités ont entrepris de les valoriser, avec l’appui d’Hydro.

Une quinzaine de poteaux électriques, une école primaire et un McDonald’s à proximité : l’étroite bande de terrain près des rues Bégin et de Laval, à Drummondville, n’a rien d’attrayant.

« Présentement, c’est vraiment laid, il n’y a rien », résume Patricia Gagnon, biologiste chargée de projets au Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ).

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Patricia Gagnon et Andréanne Blais, du Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ)

Plus pour longtemps.

« Il va y avoir des îlots fleuris, de beaux bosquets d’arbustes, des nichoirs à oiseaux. Et dans les phases subséquentes, du mobilier et une piste cyclable. On veut que les citoyens puissent accéder au site et en profiter ! »

Le terrain est une emprise d’Hydro, une bande qui passe sous les lignes électriques. Large d’une trentaine de mètres, elle serpente sur près d’un kilomètre vers la rivière Saint-François. Le CRECQ veut en faire une « emprise vivante ».

IMAGE FOURNIE PAR LE CONSEIL RÉGIONAL DE L’ENVIRONNEMENT DU CENTRE-DU-QUÉBEC (CRECQ)

Emplacement de la future emprise vivante de Drummondville, illustré dans le plan directeur commandé par le Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ) à la firme Rousseau Lefebvre

La première phase du projet, d’une longueur de 344 mètres, débutera l’été prochain avec la plantation de vivaces (dont l’asclépiade, pour attirer les papillons monarques) et d’arbustes indigènes (incluant des bosquets de bleuets et de framboises), ainsi que l’installation de nichoirs. Les phases suivantes, étalées sur quelques années, prévoient la restauration d’un petit milieu humide surmonté d’une passerelle, l’ajout de bancs et l’aménagement d’une piste cyclable reliée au réseau municipal.

À point

Pour la Ville de Drummondville, qui s’est dotée d’un plan de conservation des milieux naturels l’an dernier, ce projet tombe à point. « Ça nous permet de nous réapproprier l’emprise. On veut augmenter la biodiversité à l’intérieur de ce corridor », explique le directeur du service de l’environnement, Roger Leblanc. La Ville signera un bail avec Hydro, qui possède le terrain. Le fournisseur d’électricité souhaite voir fleurir davantage de projets du genre.

On va faire des outils pour encourager et accompagner les municipalités à faire des aménagements parce qu’elles aussi ont des objectifs de biodiversité. On connaît les aménagements fauniques qui fonctionnent, on les a testés dans certains projets.

Véronique Michaud, biologiste et conseillère en expertise environnementale chez Hydro-Québec

Au poste Bout-de-l’Île, dans l’est de l’île de Montréal, où Hydro est propriétaire du terrain, on a notamment installé des abris pour les couleuvres. « On a trouvé une très belle couleuvre tachetée, elle était impressionnante », s’enthousiasme Mme Michaud.

L’aspect le plus visible des projets en emprises, c’est la gestion différenciée – réduire et moduler la fréquence des coupes pour laisser pousser la végétation, ce qui permet notamment d’attirer les pollinisateurs. C’est pourquoi on plante aussi des panneaux explicatifs.

PHOTO FOURNIE PAR HYDRO-QUÉBEC

Une affiche dans la ville de Brossard

« Il ne faut pas se le cacher, la gestion différenciée peut parfois donner l’impression d’une friche laissée à l’abandon. On ne veut pas avoir cette image-là. On veut que ce soit structuré, qu’on voie l’intention et les bienfaits », souligne Mme Michaud. Ou, comme l’affiche la Ville de Brossard dans son corridor de biodiversité : « Ici, le gazon est long pour de bonnes raisons ! ».

Maximum 2,5 mètres

Le retour à la nature doit cependant respecter certaines contraintes. Les espèces d’arbres retenues doivent avoir une hauteur maximale de 2,5 mètres à maturité, et pousser à bonne distance des poteaux et pylônes. « On a besoin de garder une zone dégagée pour entretenir ces lignes et pouvoir intervenir en cas de panne ou de problème », explique Jonatan Belle-Isle, également biologiste et conseiller en expertise environnementale. Seules les herbacées, naturellement présentes ou semées, sont permises dans le périmètre immédiat de ces installations. Les pancartes et le mobilier urbain doivent aussi être faits de matériaux qui ne sont pas conducteurs, ce qui exclut le métal.

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La Ville de Drummondville veut augmenter la biodiversité.

Les aménagements doivent donc être approuvés par Hydro-Québec, qu’elle soit propriétaire ou locataire du terrain. Le distributeur d’électricité offre toutefois soutien et accompagnement aux municipalités et aux organisations désireuses d’accroître la biodiversité dans ses emprises. Un guide et des fiches techniques pour leur faciliter la tâche sont aussi prévus pour le printemps prochain.

« On est à établir des indicateurs pour avoir un objectif en matière de superficie, de nombre de municipalités, etc. Et on vise à les cartographier », précise M. Belle-Isle.

Dans le Centre-du-Québec, le Conseil régional de l’environnement a déjà ciblé neuf autres emprises, sur des terrains loués par Hydro en milieux agricoles et forestiers. « Elles sont dans des milieux plus naturels, donc ce peut être simplement des ajouts ponctuels, comme des nichoirs ou des aménagements pour la tortue serpentine », indique Patricia Gagnon.

L’emprise vivante de Drummondville, elle, jouera un rôle de vitrine. « Étant donné qu’elle est en pleine ville, on veut montrer aux gens ce que sont la biodiversité, les pollinisateurs, les milieux humides, parler de la connectivité. On veut faire un beau projet ! »

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  • 170 000 hectares
    Surface totale occupée par les emprises d’Hydro-Québec. Plus de 80 % de cette superficie est boisée, et près des deux tiers se trouvent sur des terres publiques.
    Source : Hydro-Québec