À mesure que les humains réchauffent la planète, l’Arctique, autrefois insensible et gelé, devient plus humide et plus orageux, avec des changements dans son climat et ses saisons qui obligent les communautés locales, la faune et les écosystèmes à s’adapter, ont indiqué mardi des scientifiques dans une évaluation annuelle de la région.

Même si l’année 2022 n’a été que la sixième en importance en matière de chaleur enregistrée dans l’Arctique, les chercheurs ont constaté de nombreux nouveaux signes de l’évolution de la région.

Une vague de chaleur en septembre au Groenland, par exemple, a provoqué la plus forte fonte de la calotte glaciaire de l’île pour cette période de l’année en plus de quatre décennies de surveillance continue par satellite. En 2021, une vague de chaleur en août avait provoqué une pluie au sommet de la calotte glaciaire pour la première fois.

« Les connaissances sur la région circumpolaire sont plus que jamais pertinentes dans la conversation sur le réchauffement de notre planète », a affirmé Richard Spinrad, administrateur de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis. « Nous voyons les impacts des changements climatiques se produire d’abord dans les régions polaires. »

Les températures dans le cercle arctique ont augmenté beaucoup plus rapidement que celles du reste de la planète, transformant le climat de la région en un climat qui se définit moins par la glace de mer, la neige et le pergélisol et davantage par l’eau libre, la pluie et les paysages verts.

Au cours des quatre dernières décennies, la région s’est réchauffée quatre fois plus vite que la moyenne mondiale, et non deux ou trois fois comme on l’a souvent dit, ont déclaré cette année des scientifiques finlandais. Selon eux, certaines parties de l’Arctique se réchauffent jusqu’à sept fois plus vite que la moyenne mondiale.

Les communautés arctiques au front

Près de 150 experts de 11 pays ont compilé l’évaluation des conditions arctiques de cette année, le bulletin de l’Arctique, que la NOAA produit depuis 2006. Le bulletin de cette année a été publié mardi à Chicago lors d’une conférence de l’American Geophysical Union, la société des scientifiques de la Terre, de l’atmosphère et des océans.

PHOTO SAUL LOEB, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Photo des environs de Kangerlussuaq, au Groenland, prise en mai 2021

Selon les scientifiques, le réchauffement de la surface de la Terre fait augmenter le niveau des mers dans le monde entier, modifie la façon dont la chaleur et l’eau circulent dans les océans et pourrait même influencer les phénomènes météorologiques extrêmes comme les vagues de chaleur et les tempêtes de pluie. Mais les communautés arctiques sont les premières à en ressentir les effets.

« Nos maisons, nos moyens de subsistance et notre sécurité physique sont menacés par la fonte rapide des glaces, le dégel du pergélisol, l’augmentation de la chaleur, les incendies de forêt et d’autres changements », a souligné Jackie Qatalina Schaeffer, auteure d’un chapitre du bulletin consacré aux communautés locales, qui est directrice des initiatives climatiques pour l’Alaska Native Tribal Health Consortium et Inupiaq de Kotzebue, en Alaska.

Entre octobre et septembre 2021, les températures de l’air au-dessus des terres arctiques ont été au sixième rang des plus chaudes depuis 1900, indique le bulletin, en précisant que les sept années les plus chaudes ont été les sept dernières.

La hausse des températures a favorisé la croissance des plantes, des arbustes et des herbes dans certaines parties de la toundra arctique, et l’année 2022 a vu des niveaux de végétation verte qui étaient au quatrième rang des plus élevés depuis 2000, notamment dans l’archipel arctique canadien, le nord du Québec et le centre de la Sibérie.

Trois facteurs principaux pourraient être à l’origine de l’augmentation des précipitations dans différentes parties de l’Arctique, a expliqué John Walsh, scientifique au Centre international de recherche sur l’Arctique de l’Université de l’Alaska de Fairbanks, et l’un des auteurs du bulletin. Premièrement, l’air plus chaud peut contenir plus d’humidité. Ensuite, lorsque la glace de mer recule, les tempêtes peuvent aspirer davantage d’eau libre dans l’océan.

Selon l’évaluation, les indicateurs de la glace de mer ont rebondi cette année après un quasi-recul en 2021, mais ils sont toujours inférieurs aux moyennes à long terme. Chaque année, c’est en mars que la glace est la plus étendue et en septembre qu’elle est la plus basse. Cette année, à ces deux moments, les niveaux de glace étaient parmi les plus bas depuis que les satellites effectuent des mesures fiables.

Le troisième facteur est que les tempêtes passent au-dessus d’eaux plus chaudes avant d’atteindre l’Arctique, ce qui les alimente en énergie, a expliqué M. Walsh.

Les restes du typhon Merbok ont traversé des eaux exceptionnellement chaudes dans le Pacifique Nord en septembre avant de frapper les communautés sur plus de 1600 km (1000 mi) de côtes de l’Alaska.

La calotte glaciaire du Groenland a perdu de la glace au cours des 25 dernières années, et cette année n’a pas été différente. Mais ce qui a frappé les scientifiques, c’est l’extraordinaire explosion de la fonte en septembre, le genre d’évènement qu’on observe normalement au milieu de l’été.

Au début de septembre, un système de haute pression a apporté de l’air chaud et humide qui a fait grimper les températures dans certaines parties du Groenland jusqu’à 36 degrés Fahrenheit au-dessus de la normale pour cette période de l’année. Selon le rapport, plus d’un tiers de la calotte glaciaire a fondu. Plus tard dans le mois, les restes de l’ouragan Fiona ont traversé l’île et ont provoqué une nouvelle fonte sur 15 % de la calotte glaciaire.

Lisez la version originale sur le site du New York Times (en anglais)
En savoir plus
  • 4 °C
    La semaine, le mercure a atteint 4 °C dans la communauté d’Utqiagvik, dans le nord de l’Alaska, battant ainsi des records de chaleur en hiver.
    source : The New York Times
    3e
    Les niveaux de précipitations ont augmenté de manière significative dans l’Arctique depuis le milieu du XXe siècle. Cette année a été au troisième rang des plus humides de la région depuis 1950.
    source : bulletin de l’Arctique, NOAA