La « liste rouge » des espèces menacées s’allonge et différents groupes de scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme sur le déclin de la vie marine, vendredi à la COP15 de Montréal. Après la surpêche, le braconnage et la pollution, les océans font maintenant face à une autre menace : l’exploitation minière des fonds marins.

La « liste rouge » des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) est une sorte de « baromètre » de la vie sur Terre et vendredi, lors de la présentation de la mise à jour de cette liste à Montréal, les scientifiques de l’UICN n’avaient que de très mauvaises nouvelles à annoncer.

« Nous assistons, et je suis une scientifique, je ne dis pas cela avec légèreté, nous assistons à la décimation de la vie marine », a indiqué la directrice de la biodiversité de l’UICN lors d’une conférence à la COP15.

Selon Jane Smart et son équipe, la vie marine fait face à une « tempête parfaite » d’activités humaines qui incluent « les méthodes de pêche non durables, le braconnage et les groupes criminels, la pollution, les changements climatiques et les maladies ».

La liste rouge de l’UICN indique que 10 % des 17 903 espèces marines évaluées sont désormais menacées d’extinction.

On retrouve notamment l’ormeau dans cette liste, qui vit dans différentes régions du Canada.

La chair de ce coquillage « fait partie des fruits de mer les plus dispendieux du monde », mais en raison de la surpêche, « 20 des 54 espèces mondiales d’ormeaux sont aujourd’hui menacées d’extinction ».

Le Dr Bruno Oberle, directeur général de l’UICN, demande aux dirigeants du monde d’effectuer « de profonds changements dans nos systèmes économiques ou nous risquons de perdre les avantages cruciaux que les océans nous procurent ».

Pour que la déclaration finale de la COP15 soit à la hauteur, les pays ne peuvent pas se contenter de protéger les espèces qui vivent sur 30 % de la planète, selon la Dre Jane Smart, directrice de Centre scientifique et de données de l’UICN.

L’un des objectifs phares de la COP15 à Montréal est de protéger au moins 30 % des terres et des océans de la planète d’ici 2030, « mais on doit protéger les espèces partout », a indiqué la Dre Smart.

« On demande aux délégués d’avoir des cibles et des buts ambitieux pour protéger les espèces », ce qui implique, selon elle, « de protéger les écosystèmes et la diversité génétique de la planète ».

Protéger ce que l’on ne connaît pas

Si on veut protéger la diversité génétique de la planète, encore faut-il la connaître. Pour figurer sur la liste rouge, une espèce doit avoir un nom et les scientifiques doivent avoir amassé des informations sur sa distribution et son cycle biologique. Cependant, la plupart des espèces qui vivent dans les océans ne sont pas encore identifiées, comme l’a expliqué la professeure d’océanographie Anna Metaxas, qui fait partie de l’organisation « Deep-Ocean Stewardship Initiative ».

« Chaque fois que nous collectons des espèces dans l’océan profond, on s’aperçoit que 90 % d’entre elles demeurent inconnues », a indiqué la professeure à l’Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse.

L’organisation dont elle fait partie, composée de spécialistes provenant de plusieurs universités du monde, estime que 28 000 espèces animales d’eaux profondes ont été nommées et qu’environ 2,2 millions d’autres espèces marines sont inconnues des scientifiques.

Lors d’une conférence qui a eu lieu à la COP15 vendredi, l’organisation a exhorté les décideurs politiques mondiaux à soutenir de nouvelles recherches « nécessaires de toute urgence » pour combler ce manque critique de connaissances.

Avec l’intensification d’activités comme la surpêche et l’extraction de pétrole dans les eaux profondes, « nous allons perdre des espèces que nous ne connaissons pas et dont on ignore le rôle » dans l’équilibre de la biodiversité.

L’océan profond, situé à 200 mètres de la surface, est, selon les scientifiques du Deep-Ocean Stewardship Initiative (DOSI), le plus grand habitat du monde et couvre plus de la moitié de la surface de la Terre. Il est essentiel à la régulation du climat mondial, car il garde en réserve le dioxyde de carbone et la chaleur et maintient la biodiversité.

Exploiter des mines dans les océans

En raison de la présence de minéraux utiles dans la fabrication de batteries de véhicules électriques, l’exploitation minière de l’océan profond suscite de l’intérêt de la part de pays et d’entreprises, ce qui inquiète les scientifiques du DOSI.

« La conservation des espèces d’eau profonde trouvées dans des zones situées au-delà des juridictions nationales est particulièrement difficile », a expliqué Anna Metaxas en ajoutant « qu’il n’existe pas encore de cadre international pour guider la mise en œuvre des mesures de conservation ».

Dans les eaux internationales, c’est l’Autorité internationale des fonds marins, dont fait partie le Canada, qui est chargée d’établir des règles pour l’exploitation minière.

À l’heure actuelle, des entreprises font de l’exploration minière dans le fond des océans, mais il n’y a pas encore d’exploitation, car le code minier des océans n’est pas encore adopté.

En l’absence d’informations rigoureuses sur les espèces vivant dans les fonds marins et sur leurs rôles dans la biodiversité, certains pays, dont la France, ont demandé un moratoire sur l’exploitation minière des océans.

Mais d’autres, comme le Nauru, sont prêts à exploiter les profondeurs des mers, et pour y arriver, le petit État insulaire d’Océanie compte sur une entreprise canadienne.

En juin 2021, l’entreprise minière The Metals Company (TMC), établie à Vancouver, et le Nauru ont averti l’Autorité internationale des fonds marins qu’ils avaient l’intention d’exploiter des mines dans le plancher de l’océan Pacifique en 2023.