D’importantes sources d’émission de gaz à effet de serre (GES), dont les bouches d’égout et les vieux sites d’enfouissement, « passent sous le radar » de la Ville de Montréal, s’inquiète une étude de l’Université McGill. Environ 2130 tonnes de méthane ne seraient pas mesurées annuellement par la municipalité.

D’après le rapport piloté par la professeure Mary Kang, du département de génie civil de l’Université McGill, Montréal exclut dans ses rapports sur les gaz à effet de serre deux puissants émetteurs de méthane : les vieux sites d’enfouissement et les bouches d’égout.

Les émissions annuelles de méthane produites à Montréal à partir de ces trois sources sont significatives. En 2020, elles « totalisaient 2130 tonnes », affirme l’équipe de recherche, qui a réalisé plus de 600 prélèvements durant toute une année dans différents secteurs de Montréal. Les émissions annuelles de méthane provenant des sites d’enfouissement historiques « étaient de 901 tonnes, ce qui est le plus élevé parmi les trois types de sources que nous avons mesurés », note-t-on également.

D’ailleurs, ces 901 tonnes de méthane par an « placent les sites d’enfouissement historiques au deuxième rang des sources de méthane à Montréal, précédés uniquement par les émissions de déchets solides municipaux », insistent les chercheurs dans leur rapport.

« Notre but, c’est de mettre en lumière qu’il y a plusieurs sources de production de méthane qui ne sont pas connues, et sur lesquelles on ne travaille pas nécessairement », a expliqué à La Presse le chercheur postdoctoral Sébastien Ars, qui a participé à l’étude. « On a des objectifs pour réduire nos émissions, mais si on ne les prend pas tous en compte, c’est un peu contre-productif », juge-t-il.

25 fois plus nocif

M. Ars rappelle d’ailleurs que le méthane « est un gaz avec un pouvoir de réchauffement 25 fois plus important que le CO». « Autrement dit, une molécule de méthane a le même pouvoir de réchauffement que 25 molécules de CO2. À court terme, c’est donc plus important de réduire les émissions de méthane pour atteindre ses buts de zéro émission et vraiment lutter contre les changements climatiques », lance-t-il.

Son groupe de recherche craint d’ailleurs que le manque de surveillance des sources de méthane rende plus « difficile » la cible de l’administration Plante d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La Ville vise aussi une réduction de 55 % des émissions de GES d’ici 2030.

Dans l’étude, on apprend notamment que « 25 % des émetteurs de méthane sont contenus dans le centre-ville de Montréal, entre Ville-Marie et le Plateau Mont-Royal ». Dans ce secteur, on retrouve environ 800 plaques d’égout au kilomètre carré, le taux le plus élevé dans la métropole.

Au total, les chercheurs estiment qu’approximativement « 155 000 plaques d’égout restantes ne sont pas comptabilisées » par la Ville de Montréal, ce qui met selon eux en évidence « l’importance de la collecte d’informations sur les différentes sources de méthane pour la mise en place de stratégies d’atténuation adaptées à chaque situation ».

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante, on assure déployer des efforts « sans précédent pour que Montréal devienne carboneutre, que ce soit par nos efforts dans les différentes filières de la mobilité ou encore la carboneutralité de l’ensemble des bâtiments du territoire d’ici 2040 ».

« Les gaz à effet de serre issus de l’enfouissement sont déjà comptabilisés dans l’inventaire de la Ville. […] Bien que certains chiffres mis de l’avant dans l’étude ne sont pas actuellement inclus dans l’inventaire des GES émis par la Ville, on estime qu’ils représentent une source marginale d’environ 0,3 %. Néanmoins, nous prendrons le temps d’analyser cette étude et d’évaluer si des bonifications peuvent être apportées à la méthodologie utilisée », affirme l’attachée de presse Catherine Cadotte.

Rôle crucial des villes

L’étude estime également que les villes sont responsables « d’environ 20 % des émissions mondiales de méthane causées par l’activité humaine » à l’heure actuelle. Ces municipalités, dit Mary Kang, « sont bien placées pour réduire les émissions de méthane parce qu’elles font face à moins de difficultés politiques que les plus grands organes comme les provinces, les États, les territoires et les pays ».

Trop souvent, « les rapports sur les gaz à effet de serre municipaux sous-estiment les émissions et ont tendance à être basés uniquement sur quelques mesures mises en place ailleurs, ce qui complique l’élaboration de stratégies d’atténuation applicables concrètement », explique-t-elle au passage.

James Williams, doctorant qui fait aussi partie des auteurs de l’étude, affirme quant à lui que « les vieux sites d’enfouissement ont le plus grand potentiel de réduction du volume des émissions de méthane ». La complexité, souligne-t-il néanmoins, est que ces sites « entraînent les coûts d’atténuation les plus onéreux, à moins qu’on se concentre seulement sur les sites d’enfouissement dont les émissions sont les plus élevées ».

« En ce qui concerne les émissions provenant de fuites de gaz naturel, si nous priorisons la réparation de compteurs industriels à fortes émissions, nous pourrons réduire grandement les coûts d’atténuation et les émissions. La même chose ne s’applique pas aux compteurs résidentiels : en priorisant ces derniers, nous n’obtiendrons que de petites réductions à un coût accru », conclut-il.