Les promoteurs du compostage des corps humains vantent une façon plus écologique de retourner à la terre. Cette pratique n’est pour l’instant pas permise au Québec, mais des consultations ont lieu en ce sens.

Le compostage des corps, aussi appelé « humusation » ou « réduction organique naturelle », semble gagner des adeptes ces dernières années alors qu’au moins cinq États américains ont légalisé la procédure. Washington a été le premier État à agir en 2020, et le gouverneur de la Californie a signé un projet de loi pour ce faire en septembre de cette année.

Entre-temps, l’Oregon, le Colorado et le Vermont ont adopté des lois semblables. D’autres font actuellement leur chemin à travers le processus législatif d’autres États comme l’Illinois ou New York.

Le procédé varie selon l’entreprise qui l’offre. Return Home, dans l’État de Washington, parle d’un processus qui « transforme en douceur le corps humain en un sol vivifiant à l’aide de luzerne, de paille, de sciure de bois et de temps », dans une capsule fabriquée à cette fin. Après deux mois, quelque 1150 litres de sol sont rendus aux proches du défunt ou étendus dans un boisé entretenu par l’entreprise.

« Nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir bénéficier de l’humusation », affirme Francis Busigny, l’un des instigateurs d’une pétition lancée en 2014 pour légaliser la procédure en Belgique. Pour lui, le compostage de son corps représente « la certitude de contribuer, positivement, à la poursuite de la vie sur notre magnifique planète, dans les meilleures conditions », et il dénonce le manque de progrès en ce sens en Europe.

PHOTO GRANT HINDSLEY, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Ce tas de terre fait office de monument funéraire pour des restes humains enterrés à Snohomish, dans l’État de Washington.

Pas prévu par la loi au Québec

Au Québec, la Loi sur les activités funéraires et son règlement d’application « sont muets sur la disposition des dépouilles humaines par compostage », indique Marjorie Larouche, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Les deux modes de disposition prévus, soit l’inhumation et la crémation, ont des définitions qui excluent le compostage.

« Au sens de la Loi, la crémation est un service de disposition de cadavres par le feu ou par tout autre procédé chimique ou physique », alors que « le compostage est un procédé biologique », explique-t-elle. Pour ce qui est de l’inhumation, la réglementation prévoit que le cadavre « doit être déposé dans un cercueil de manière à empêcher les écoulements et à permettre une manipulation sécuritaire », dit-elle. « Il ne serait donc pas permis de simplement inhumer la dépouille dans la terre sans la déposer au préalable dans un cercueil. »

« La dépouille d’un défunt doit être réfrigérée, être inhumée ou recevoir une thanatopraxie. Elle ne peut pas être laissée à la température ambiante » pour se décomposer, ajoute France Denis, porte-parole de la Fédération des coopératives funéraires du Québec (FCFQ).

Elle dit que les coopératives de la Fédération, qui occupent près de 20 % du marché, n’ont actuellement « pas de demande » pour ces services. « On peut penser que si l’humusation était offerte, elle entraînerait de l’intérêt auprès de la population, ajoute-t-elle cependant. Nous suivons avec intérêt l’évolution de cette pratique. »

La crémation, source importante de GES

Les promoteurs du compostage soulignent que la crémation entraîne des émissions importantes de gaz à effet de serre (GES), tandis que l’enterrement traditionnel occupe beaucoup d’espace en plus d’avoir recours à des matériaux qui ne se dégradent pas facilement.

Mme Larouche, du MSSS, indique que des « consultations sont en cours afin d’évaluer si le compostage humain pourrait être éventuellement permis au Québec ». Elles visent notamment à vérifier si cette façon de faire implique des risques pour la santé publique ou des enjeux éthiques. Le MSSS a reçu deux demandes de citoyens à ce sujet en 2022 et une autre d’une entreprise non spécifiée, mais Mme Larouche n’a pas offert d’échéancier en vue d’une éventuelle légalisation.

En attendant, des entreprises américaines offrent le service aux proches de Canadiens qui le souhaitent. « Return Home peut désormais accepter les corps dans notre établissement basé à Seattle depuis le Canada » et retourner au nord de la frontière le terreau qui en résulte, a-t-on annoncé en janvier.

Des « enterrements verts » certifiés par la Green Burial Society of Canada (GBSC) sont aussi possibles en Ontario, en Colombie-Britannique, en Alberta et en Nouvelle-Écosse. Il s’agit alors simplement de mettre le corps en terre, sans embaumement, dans un linceul ou un cercueil biodégradable.

S’il n’y a pas de cimetière certifié pour l’enterrement vert au Québec, des entreprises telles qu’Alfred Dallaire Memoria offrent des options comme des cercueils ou des urnes écologiques et des expositions sans embaumement.

La FCFQ fait également des efforts pour réduire son empreinte environnementale, notamment en plantant des arbres et en choisissant des fournisseurs dont les produits « répondent à des critères de développement durable », dit Mme Denis. « Nous avons un comité de développement durable qui travaille sur le sujet depuis une quinzaine d’années. »

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