Constatant la réponse exceptionnelle des agriculteurs, Québec bonifiera de 15 millions son programme de rétribution financière pour les producteurs qui adoptent de meilleures pratiques environnementales à la ferme.

Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, profitera de son passage à la COP15, lundi matin, pour en faire l’annonce, a appris La Presse.

L’approche consistant à récompenser financièrement les bons élèves est la pierre d’assise du Plan d’agriculture durable (PAD) 2020-2030.

« Payer pour des services environnementaux », particulièrement ceux qui améliorent la santé des sols, la qualité de l’eau et la pollinisation, est aussi l’une des propositions qui se retrouvent dans le texte débattu à la Conférence de l’ONU sur la biodiversité qui se déroule à Montréal depuis bientôt une semaine.

Grâce au financement additionnel de Québec, près d’un millier d’entreprises agricoles québécoises pourront, à compter de février 2023, s’ajouter aux 1837 fermes déjà inscrites au programme, le premier du genre au Canada.

Les entreprises qui adoptent des pratiques agroenvironnementales favorables à la biodiversité comme des bandes riveraines élargies ou des haies brise-vent peuvent aller chercher jusqu’à 50 000 $ sur trois ans. L’utilisation de semences non traitées aux insecticides, la réduction de l’usage des herbicides et la plantation de cultures de couverture en hiver sont aussi des pratiques admissibles.

Nouveauté : un cursus de formation continue en agroenvironnement sera offert au début de l’an prochain. Une trentaine de cours seront offerts en collaboration avec l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec et d’autres maisons d’enseignement. Selon le nombre d’heures de cours suivies, les agriculteurs qui souhaitent parfaire leurs connaissances pourront toucher jusqu’à 1500 $.

Pour ce deuxième tour de roue, les entreprises les plus novatrices et avancées se verront accorder une reconnaissance accrue.

Réduire les pesticides

Le Plan d’agriculture durable 2020-2030 vise à faire chuter de 15 % le volume de pesticides vendus à l’échelle de la province et de 40 % l’indice qui chiffre les risques théoriques des pesticides sur la santé et l’environnement.

À terme, Québec vise à réduire de 15 % la concentration totale en phosphore dans les cours d’eau de la province et de 15 % les apports de matières fertilisantes azotées sur les superficies en culture.

Initialement, le PAD visait à consacrer la somme de 70 millions sur cinq ans pour rétribuer financièrement les producteurs qui adoptent des pratiques agroenvironnementales qui vont au-delà des exigences réglementaires en place.

Or, dès la première journée du dépôt des candidatures, en mars 2022, la limite du nombre de dossiers avait été atteinte dès 16 h. Jusqu’à présent, 56 millions ont été alloués à cette première cohorte.

Avec ce financement additionnel de 15 millions, la deuxième cohorte aura accès à une enveloppe de 29 millions jusqu’en 2027.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le Plan d’agriculture durable 2020-2030 vise à réduire de 15 % le volume de pesticides vendus au Québec.

Éventuellement, une troisième cohorte pourra s’ajouter au programme puisqu’en campagne électorale, le premier ministre François Legault a promis d’injecter une somme additionnelle de 50 millions dans le programme.

Au total, ce sont donc 135 millions de dollars qui seront sur la table pour rétribuer les meilleures pratiques agroenvironnementales des agriculteurs québécois.

Réduire les GES

Récemment, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a fait l’exercice de chiffrer l’impact de son PAD sur les émissions agricoles de gaz à effet de serre (GES).

Selon son calcul, le potentiel de réduction de GES des deux premières cohortes du PAD serait de 0,4 mégatonne (Mt) à 0,5 Mt en CO2 équivalent (eCO2) pour la période de 2021 à 2025.

Cela équivaut aux émissions de 125 000 voitures de taille moyenne qui parcourent 20 000 km ou environ 2000 vols Montréal-Paris avec 300 passagers.

Le gouvernement fédéral a récemment proposé que le prochain cadre stratégique en agriculture contienne une cible collective de réduction des émissions de GES de l’ordre de 3 à 5 Mt eCO2 d’ici 2028. Selon Environnement et Changement climatique Canada, le secteur agricole a émis environ 59 Mt eCO2 en 2018, dont 13 % provenaient du Québec.

Au Québec, le MAPAQ évalue que l’ensemble de ses programmes qui subventionnent des mesures vertes dans le secteur agricole (incluant le programme de rétribution) permettrait de réduire approximativement de 1,43 Mt à 2,21 Mt eCO2 les émissions sur une période pouvant aller jusqu’en 2030, ce qui est plus que le poids relatif du Québec au sein du Canada.

En préparation à la COP15

  • Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a rencontré le 18 novembre neuf experts en agriculture de l’Université McGill pour parfaire ses connaissances sur les systèmes de production durable.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a rencontré le 18 novembre neuf experts en agriculture de l’Université McGill pour parfaire ses connaissances sur les systèmes de production durable.

  • Le ministre a aussi entendu les suggestions des étudiants de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement ainsi que des élèves du niveau collégial.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le ministre a aussi entendu les suggestions des étudiants de la faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement ainsi que des élèves du niveau collégial.

  • Le ministre et son cabinet ont aussi visité la ferme laitière expérimentale du campus avec la doyenne Anja Geitmann.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le ministre et son cabinet ont aussi visité la ferme laitière expérimentale du campus avec la doyenne Anja Geitmann.

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Le ministre Lamontagne fera une allocution lundi matin lors du 7e Sommet des gouvernements infranationaux et des villes, un « évènement officiel parallèle » de la COP15 et dont le gouvernement du Québec est le commanditaire principal. Aux côtés d’une dizaine de dignitaires, le ministre Lamontagne prendra la parole lors d’un panel qui soulignera l’importance de faire des administrations locales des ambassadeurs du nouveau cadre mondial sur la diversité biologique, qui doit être adopté à l’issue de la COP15. Pour s’y préparer et pour s’informer sur les avancées dans la recherche en agroenvironnement, il a réalisé, mi-novembre, une tournée auprès d’experts universitaires des universités McGill et Laval.

« Il faut qu’on travaille dans la bonne direction », a-t-il déclaré à La Presse lors de son passage au campus Macdonald de l’Université McGill. « Par exemple, en agroenvironnement, s’il y a 10 avenues qu’on peut explorer, dans un contexte de ressources limitées, quelles sont celles qu’on est mieux de privilégier ? […] Où est-ce que c’est mieux de pointer et de mettre nos efforts ? Où veut-on amener nos agriculteurs et agricultrices ? » Lors de son deuxième mandat, le ministre Lamontagne souhaite faire de l’« autonomie alimentaire durable » sa grande priorité.

Le système alimentaire au menu de la COP15

Pesticides et engrais

Les 196 pays signataires de la Convention sur la diversité biologique débattent d’une proposition visant à établir la première cible mondiale de réduction des pesticides. La cible 7 propose de réduire de moitié ou des deux tiers l’usage des pesticides d’ici 2030. Le texte propose aussi de réduire d’au moins de moitié l’excès de fertilisants perdus dans l’environnement.

Gaspillage alimentaire

La cible 16 du texte débattu à la COP15 concerne les choix de consommation durables. Les délégués débattent de l’idée d’inclure dans le texte final l’objectif de réduire de moitié l’empreinte mondiale des régimes alimentaires et de réduire de moitié le gaspillage alimentaire mondial par habitant « afin que tous les peuples puissent vivre bien en harmonie avec la terre mère ».

Subventions nuisibles

La cible 18 propose d’éliminer les subventions gouvernementales nuisibles à la biodiversité à hauteur de 500 milliards US à l’échelle de la planète, en particulier celles destinées aux secteurs de l’agriculture et des pêches pour les rediriger vers des projets qui respectent la nature. Le texte propose d’ailleurs de prioriser l’implication des peuples autochtones et locaux dans cette démarche.

Agriculture durable

La mission de la COP15 est de définir un cadre mondial pour la restauration de la nature d’ici 2030. L’ébauche de la cible 10 propose aux pays membres de veiller à ce que toutes les zones d’agriculture, d’aquaculture, de pêche et de sylviculture soient gérées de manière durable, contribuant ainsi à la productivité et à la résilience de ces systèmes de production.