« Je sais qu’il y en a qui ont vraiment peur, qui étaient réticents de revenir après la grève, on l’était tous », avoue Venusia Infantino, qui fréquente l’école secondaire Pierre-Dupuy. Parfois anxieux, heureux ou soulagés, des milliers d’élèves ont repris le chemin de l’école mardi.

La rentrée des élèves s’effectuait mardi après une journée pédagogique la veille pour plusieurs écoles. Pour Alexia Trudel, ce fut une rentrée « anxiogène » après 22 jours de grève et deux semaines de vacances des Fêtes. « Ce matin, je me suis réveillée et j’ai pleuré », raconte l’élève de l’école secondaire Pierre-Dupuy. Alexia Trudel et Venusia Infantino sont toutefois heureuses d’avoir repris leurs cours.

« On avait peur de comment allaient réagir les profs aujourd’hui, si ça allait être extrême et qu’il faut travailler, ou s’ils allaient être plus compréhensifs », explique Venusia Infantino. Attrapées lors de leur pause du midi, les deux amies ont eu droit pour l’instant à des enseignants enthousiastes et indulgents, disent-elles.

« Les profs ne vont pas faire exprès pour nous faire couler, ils vont soit apporter de l’aide ou diminuer la charge », croit Kylian Nonoglou, qui fréquente l’école secondaire Pierre-Dupuy. Selon lui, il va quand même rester un écart entre les élèves du public et ceux du privé. « J’ai un peu peur des devoirs, mais je fais confiance aux profs qu’ils vont s’arranger pour faire ça bien », dit son camarade de classe Mathieu Loiselle. Pour Mohammed Kabba, c’est vers des activités de récupération qu’il va se tourner pour rattraper la matière perdue.

De nombreux experts s’inquiètent de voir les disparités entre élèves se creuser au Québec. Les élèves vulnérables pourraient avoir plus de difficultés à rattraper leur retard, surtout ceux qui ont manqué presque un mois d’école. Seule la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a déclenché une grève illimitée, ce qui a provoqué la fermeture de 800 écoles pendant 22 jours. D’autres établissements, dont les employés sont membres du Front commun, ont été fermés pendant 11 jours. Dans les écoles privées, les élèves n’ont pas été privés de cours.

Pour plusieurs adolescents rencontrés mardi, c’est le retour à la routine qui suscite des craintes. « J’ai considéré ça comme une pause, comme des vacances », dit Moustapha Fall. L’élève de 4e secondaire de l’école Pierre-Dupuy a profité de la grève pour faire quelques nuits blanches, jouer à des jeux et être sur son téléphone. « On a pris un beat différent, explique Alexia Trudel. Je m’occupais de mes sœurs le matin et la nuit, je faisais les trucs que je voulais. »

Soulagement pour les parents

À l’école primaire Saint-Clément, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, la frénésie gagnait les élèves et les parents qui reprenaient leur routine habituelle après la grève.

« On est contents que ça reprenne, surtout au niveau des apprentissages, explique Marilou Patenaude, dont la fille Amandine Rémillard et le fils Dimitri fréquentent l’école primaire. On ne fait pas la job que font les enseignants. » La mère n’était pas trop inquiète du rattrapage en vue ; elle a pu faire de la lecture et remplir des cahiers d’exercices avec ses enfants presque chaque jour. Sa fille Amandine s’impatientait quant à elle de retrouver ses amis et, surtout, sa professeure.

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Pour Roxanne Lord, c’est un soulagement de voir sa fille Danaë retourner sur les bancs d’école. La mère de famille pourra retourner au travail après s’en être absentée pour la durée de la grève. Mais Danaë était plutôt réticente à retourner en classe.

Marion, Aya et Yanka, qui sont en 6e année, redoutent le chemin à faire avant leur entrée au secondaire ; certaines écoles secondaires exigent certaines notes de passage. « On va travailler plus pour entrer dans une école secondaire », dit Yanka. « Déjà qu’il y a eu la COVID, il fallait reprendre par rapport à ça », indique avec lassitude Aya. « On ne savait pas que ça allait durer aussi longtemps ! », s’exclame pour sa part Marion.

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À l’école primaire Saint-Clément, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, la frénésie gagnait les élèves et les parents qui reprenaient leur routine habituelle après 22 jours de grève et deux semaines de vacances des Fêtes.

« Les mathématiques, le français, toutes les classes qui sont plus dures, leurs résultats vont baisser un peu », croit Jimmy Paquette-Plouffe, qui a reconduit ses trois filles à l’école primaire. Il a bien aimé passer du temps avec elles, dit-il, mais il croit qu’elles ont déjà oublié plusieurs leçons apprises avant la grève.

David Pennors, dont les deux enfants, Milan et Yuna, vont à l’école Saint-Clément, dit avoir vécu la grève relativement bien. « Il y a une entraide qui s’est faite entre parents, mais les enfants avaient hâte de recommencer », relate-t-il. Il a une pensée spéciale pour les parents qui ont des enfants qui éprouvent des difficultés scolaires. Il croit que le retard sera difficile à rattraper pour eux.

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C’était jour de rentrée pour les enfants de David Pennors, Milan et Yuna

À l’école secondaire Chomedey-De Maisonneuve, aussi dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, les adolescents étaient peu pressés de rentrer à l’école mardi matin. Aryane Grenier-Richard, en 3e secondaire, avoue qu’il s’est ennuyé durant la grève, qui s’est échelonnée aussi pour eux sur plusieurs semaines. Mais il est mitigé par rapport à cette rentrée hors norme.

Raynald Duquette s’alarme du temps passé par son fils, qui est en 1re secondaire, à jouer à des jeux vidéo durant la grève. « On prenait des moments pour faire des exercices, mais il a vraiment augmenté son temps sur sa Xbox », explique-t-il. Il espère que l’école offrira le soutien nécessaire à son fils, qui avait des difficultés scolaires avant son entrée au secondaire, pour réussir l’année. Il dit être prêt à tout pour l’épauler afin de rattraper la matière.

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a présenté mardi matin son plan de rattrapage, qui prévoit 300 millions de dollars pour venir en aide aux élèves en ajoutant du tutorat pour ceux qui ont des besoins particuliers.