Ça y est. Après des semaines de grèves pour certains, et de vacances pour tous, c’est le grand retour à l’école au Québec. Une rentrée sous le signe de l’ajustement… et sans téléphones cellulaires !

C’est une rentrée hors norme qui débute – par une journée pédagogique pour la plupart – dans les écoles primaires et secondaires du Québec, ce lundi. Dès mardi, des milliers d’élèves reprendront le chemin des classes. Certains pour la première fois depuis la fin de novembre. D’autres, sans un seul jour manqué du mois de décembre.

« On reprend le rythme, le temps pour le travail et le temps pour avoir une pause. On retrouve un équilibre », résume Nathalie Trépanier, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Montréal.

Comme plusieurs, celle qui se spécialise en adaptation scolaire et en orthopédagogie s’inquiète du déséquilibre de ce retour en classe.

C’est une rentrée très inégale : il y a des élèves qui ont manqué énormément de temps de classe et d’autres, presque pas.

Nathalie Trépanier, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Montréal

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, présentera mardi son plan de rattrapage pour les élèves qui ont manqué 24 jours d’école en raison de la grève. Pour Mme Trépanier, les ajustements au calendrier scolaire pourraient accentuer encore les inégalités. Ce serait notamment le cas si le calendrier scolaire était allongé, ou si le temps pour dîner était raccourci, par exemple.

À son sens, la priorité doit aller aux élèves qui ont des examens du Ministère à passer prochainement. « C’est à eux qu’il faut faire attention. Les autres vont pouvoir se rattraper », estime la spécialiste.

Les cellulaires désormais interdits

Autre nouveauté de cette rentrée : l’interdiction, depuis le 31 décembre, du téléphone cellulaire dans les classes.

Un autre ajustement qui va varier d’une école à l’autre, et même d’une classe à l’autre, relève Stéphane Villeneuve, expert en intégration du numérique en milieu scolaire et professeur à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

« Il va déjà y avoir l’ajustement du calendrier, de toute la matière qui a été manquée et qui va devoir être reprise. Et là, on en ajoute une petite couche pour l’interdiction des cellulaires. Parce que dans certaines écoles, il y a déjà des règles définies, mais dans d’autres, moins », observe-t-il.

À son sens, cette interdiction est légitime et pourrait même être encore plus étendue, par exemple en obligeant les élèves à laisser leurs cellulaires dans leurs casiers.

On sait que de se concentrer sur une seule tâche est beaucoup plus favorable pour l’apprentissage. Donc, de recevoir un texto [par exemple], que le téléphone vibre dans sa poche, ça devient automatiquement du multitâche.

Stéphane Villeneuve, expert en intégration du numérique en milieu scolaire

N’empêche, les jours de grève n’ont pas nécessairement permis de préparer cette transition. « ​​Ça n’a probablement pas aidé à mettre en place des règles claires, donc ce sont des choses qui vont se développer au fur et à mesure, croit-il. Mais de façon générale, il faut que les règles soient claires et strictes. »

Si la transition est brutale, certains élèves plus dépendants à leur téléphone pourraient vivre des difficultés, rappelle aussi le spécialiste. « Ce serait bien d’offrir du soutien pour les élèves qui sont anxieux de ne pas avoir le téléphone avec eux, par des ateliers ou des activités, relève-t-il. Surtout dans les écoles où c’était plus laxiste. Et éventuellement, les jeunes vont s’habituer. »

Une utilité en classe

Nathalie Trépanier, elle, considère que l’utilisation du cellulaire en classe est un faux problème et que l’interdiction ministérielle est l’équivalent « d’utiliser un bazooka pour tuer une mouche ».

La présence des téléphones portables à l’école relève plutôt de la gestion de classe, selon elle. « Le cellulaire, comme l’ordinateur, peut être un bon outil d’apprentissage, affirme-t-elle. Ça dépend de l’usage et de l’objectif pédagogique. »

Je me demande comment le Ministère va faire pour vérifier qu’il n’y a pas de cellulaires dans les classes.

Nathalie Trépanier, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Montréal

En Ontario, les syndicats d’enseignants déplorent justement que l’interdiction imposée par la province en 2019 ne soit pas respectée et que les cellulaires soient régulièrement présents dans les salles de classe, indiquait La Presse Canadienne à la fin de décembre.

Le monde scolaire ne peut en effet pas faire abstraction de cette technologie, reconnaît aussi M. Villeneuve. « Il ne faut pas nécessairement oublier le cellulaire – quelquefois, c’est bien d’y avoir accès. L’école doit être en lien avec la réalité, avec tout ce qui concerne l’hygiène numérique. On doit parler de comment bien utiliser la technologie, le temps d’écran », ajoute-t-il.

Dans tous les cas, rentrée facile ou difficile, la majorité des élèves seront heureux de retrouver leur routine, leur classe, leurs camarades et leurs enseignants, estiment les deux chercheurs.

« L’école est un lieu sécurisant, souligne Mme Trépanier. Après, comment ça va se passer en classe, ça va dépendre [de beaucoup de facteurs]. »