C’était un plan attendu et il a été accueilli avec soulagement : Québec a prévu 300 millions de dollars pour aider les élèves qui ont manqué de nombreux jours d’école en raison des grèves. La réussite des jeunes est maintenant entre les mains de ceux qui les connaissent le plus, ont salué syndicats, parents et directions.

Au terme des grèves dans le secteur public, tous n’ont pas manqué le même nombre de jours d’école, et tous ne recommencent pas à égalité. C’est pourquoi le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, ne fera pas « du mur à mur » dans son plan de rattrapage, a-t-il déclaré d’emblée en point de presse à Montréal, mardi.

Ce sont les besoins des élèves qui vont nous guider et ce sont les équipes-écoles qui sont les mieux placées pour évaluer les besoins de nos élèves.

Bernard Drainville, ministre de l’Éducation

C’est ce qui a été retenu et salué, bien que les syndicats d’enseignants aient aussi dit accueillir ce plan avec « prudence » et « quelques questionnements ».

« […] Il ne faudra pas considérer un plan de rattrapage des dernières semaines comme un plan de rattrapage des dernières années. Les besoins ont toujours été élevés pour offrir des services aux élèves », a observé la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

« J’avais envie d’applaudir », a dit pour sa part Sylvana Côté, professeure de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, qui avait appelé la veille à un plan « musclé » pour les élèves en difficulté.

« Les inégalités entre les enfants qui vont bien et moins bien augmentent quand on ferme les écoles », souligne Mme Côté, dont les recherches ont porté sur le sujet. Le plan du ministre est « en plein dans le mille », ajoute-t-elle, puisque c’est au cœur des écoles qu’on sait le mieux qui a besoin de soutien supplémentaire.

Sur mesure

Le plan de 300 millions – de l’argent neuf, a-t-on précisé – se déclinera en plusieurs étapes. Les deux prochaines semaines de classe serviront à identifier les élèves qui auront besoin d’aide supplémentaire. Les membres du personnel appelés à donner ces activités de rattrapage pourront le faire sur une base volontaire.

« La rémunération suivra en conséquence », a précisé M. Drainville, qui dit avoir bon espoir que les profs et le personnel professionnel seront au rendez-vous.

Les parents dont les enfants ont été identifiés pour ces mesures de rattrapage seront contactés, puis, dès le 29 janvier, les écoles commenceront à donner du tutorat aux élèves.

Ces heures de rattrapage pourront avoir lieu après les cours, le midi ou pendant la semaine de relâche, a précisé le ministre de l’Éducation.

Le tutorat est « la seule mesure qui a montré des effets de taille moyenne à importante », dit à cet égard Sylvana Côté, qui juge qu’il est « très prometteur » de le proposer aux élèves lors de journées d’école habituelles.

Québec a calculé qu’environ 500 000 élèves pourraient devoir bénéficier d’aide supplémentaire. Le budget sera versé aux centres de services scolaires, qui le distribueront dans les écoles, mais il est déjà prévu qu’une plus grande part du budget soit allouée aux écoles où les élèves ont subi une grève d’un mois.

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), dont les profs ont été en grève générale illimitée, a d’ailleurs appelé ses membres à « profiter de l’occasion pour identifier tous les besoins de leurs élèves, jeunes et adultes, et à ne pas se censurer dans le cadre de cet exercice en fonction des sommes disponibles ».

Le plan de rattrapage de Québec se poursuivra cet été, d’une autre manière : les élèves de 4et 5secondaire qui auront échoué à un examen ministériel auront droit à des cours d’été gratuits.

Les examens de fin d’année reportés

Québec revoit aussi la pondération des épreuves ministérielles. « On revient à la pondération de la pandémie », a expliqué Bernard Drainville.

Au primaire, les examens de juin compteront pour 10 % de la note finale, plutôt que 20 %. Au secondaire, ces examens compteront pour 20 % plutôt que 50 % et ils porteront uniquement sur les savoirs essentiels.

« On veut s’assurer que les élèves qui ont subi un mois de grève ne seront pas pénalisés par rapport à d’autres », a expliqué M. Drainville.

Ces examens seront aussi reportés de quelques jours pour permettre aux élèves de recevoir le maximum d’enseignements. Les nouvelles dates seront bientôt annoncées, mais il est déjà entendu que l’année scolaire se terminera à la même date que d’habitude.

Quant à ce que les élèves apprendront d’ici la fin de l’année scolaire, ça ne change pas : les profs devront enseigner le programme régulier, et non pas un programme allégé, comme cela a été le cas pendant la pandémie.

Ils ont dit

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

– Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement

Quoique ce plan de rattrapage permettra d’implanter des mesures ponctuelles nécessaires pour aider les élèves en difficulté à rattraper certains retards, cet exercice devrait être récurrent et devrait pouvoir s’appliquer l’an prochain si les besoins se font sentir au-delà de l’année scolaire actuelle.

Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

– Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement

Nous devons garder à l’esprit, dans cette opération de rattrapage, que le personnel aussi sera en mode accéléré et prendra les bouchées doubles. Le plan de rattrapage ne doit pas représenter, encore une fois, une surcharge de travail ne reposant que sur les épaules du personnel enseignant. Il doit plutôt être un signal qu’on peut, ensemble, trouver des solutions.

Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire

L’allongement de la deuxième étape et le report du bulletin, le retour à la pondération utilisée durant la pandémie, le maintien des savoirs globaux durant l’année et les savoirs essentiels pour les épreuves des niveaux secondaires IV et V, sont autant de mesures qui permettront de bien accompagner les élèves en fonction de leurs besoins de rattrapage.

Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec

J’invite les parents à travailler de concert avec l’école pour s’assurer que les élèves reçoivent le soutien dont ils ont besoin. Nous avons tous un rôle à jouer dans la réussite des élèves, que ce soit en encourageant nos enfants à persévérer ou en participant activement aux communications avec le personnel scolaire.

Mélanie Laviolette, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec

Dans un système fragile où le manque de ressources est courant, il nous apparaît raisonnable et réaliste de donner l’occasion aux équipes-écoles, qui sont plus près de leurs élèves, de cibler les efforts de rattrapage vers ceux qui sont déjà vulnérables ou qui développeraient des difficultés.

Sylvain Martel, porte-parole du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec

Un plan de rattrapage en plusieurs étapes

Janvier

Cette semaine et la suivante, les écoles devront déterminer quels élèves pourraient avoir besoin de rattrapage scolaire. Le personnel qui souhaite faire des heures supplémentaires pour aider ces jeunes devra aussi se manifester. « La rémunération suivra en conséquence », a précisé le ministre. La semaine du 22 janvier, les parents d’élèves qui ont besoin d’aide seront contactés. Les activités de rattrapage commenceront le lundi suivant, le 29 janvier.

Février

Les activités se poursuivront jusqu’à la fin de l’année scolaire. Du tutorat sera offert en petit groupe ou sur une base individuelle, tout comme des activités pour les élèves handicapés. Québec offrira aussi du soutien accru à l’apprentissage du français pour les élèves immigrants qui fréquentent des classes d’accueil.

Mars

La semaine de relâche n’est pas annulée, mais si les enseignants d’une école jugent nécessaire de donner du tutorat pendant cette semaine de congé, ils pourront le faire. Le deuxième bulletin de l’année scolaire est aussi reporté : il devra être livré au plus tard le 28 mars. « Cette mesure a pour but de maximiser le temps d’enseignement, de favoriser le rattrapage des apprentissages et de permettre une souplesse aux établissements scolaires », indique Québec.

Avril-mai

L’année scolaire se déroule selon le programme habituel pour tous. « C’est vrai pour toutes les matières, à tous les niveaux », a précisé Bernard Drainville. Québec a aussi réservé 42 millions de dollars pour soutenir des organismes communautaires qui œuvrent dans les écoles et les communautés.

Juin

Les épreuves ministérielles de fin d’année sont repoussées « de deux à sept jours pour maximiser le temps d’enseignement », a précisé le ministre. Aucun examen n’aura lieu après le 21 juin, a-t-il statué. La pondération de ces épreuves est revue à la baisse. Au primaire, ces examens compteront pour 10 % de la note finale, plutôt que 20 %. Au secondaire, ils compteront pour 20 % plutôt que 50 % et porteront uniquement sur les savoirs essentiels.

Juillet-août

Parmi les sommes investies par Québec, 36,6 millions sont dégagés pour que les cours d’été soient gratuits pour les élèves de 4et 5secondaire qui auraient échoué dans une matière qui fait l’objet d’une épreuve ministérielle. Ces cours sont habituellement payants.