(Québec) Bernard Drainville veut obtenir « un portrait plus précis » du phénomène de la violence qui prend de l’ampleur dans les écoles. Au cours des prochains mois, les directions scolaires consigneront les évènements violents et empreints d’intimidation qui se déroulent dans leurs établissements. Ces informations seront ensuite fournies à Québec, qui compilera les données.

Le ministre de l’Éducation a présenté vendredi son plan de prévention de la violence et de l’intimidation en milieu scolaire. Promis en mars dernier, cette nouvelle stratégie gouvernementale inclut des mesures se chiffrant à 30 millions sur cinq ans. Il ne s’agit toutefois pas d’argent frais, ces sommes ayant déjà été réservées au budget.

« On me parle beaucoup d’anxiété, d’impatience, d’attitudes qui sont parfois agressives. On me parle d’intimidation, on me parle de violence entre les élèves, mais [aussi] de violence envers le personnel scolaire. […] On doit mieux prévenir cette violence. On doit mieux la gérer quand elle se produit », a dit M. Drainville.

Le plan du ministre se décline en quatre axes : documenter la violence dans les écoles, former les élèves et le personnel scolaire, sensibiliser et soutenir les équipes-écoles face à ce phénomène qui prend de l’ampleur.

Dans un premier temps, Québec bonifie l’enseignement obligatoire qui sera transmis aux élèves concernant la violence et la santé mentale. Le ministre prévoit entre sept et neuf heures d’enseignement sur ces sujets par année pour les élèves du primaire et du secondaire. Une directive ministérielle, qui précisera cet ajout, sera transmise au réseau dans les prochains mois. Les enseignants et le personnel scolaire seront également formés sur « les actions préventives et les interventions les plus efficaces » qui peuvent être déployées.

En collaboration avec le ministère de la Sécurité publique, différents programmes seront également bonifiés, notamment la ligne d’écoute et de soutien « Renfort », créée en juin dernier par la Ville de Montréal, qui permet au personnel scolaire et à des proches d’enfants présentant des comportements violents d’obtenir du soutien concernant la violence armée. Le programme de prévention de la délinquance par le sport, les arts et la culture, qui vise à offrir des activités aux jeunes pouvant sombrer dans la délinquance et les gangs de rue, sera également augmenté.

« Le plan prévoit aussi l’embauche d’une ressource professionnelle par centre de services scolaire ou par commission scolaire ainsi que dans le réseau privé. Cette ressource sera responsable de la coordination des actions découlant du plan et travaillera à la fois en prévention de la violence et en promotion de la santé mentale et du bien-être », précise-t-on à Québec. Un protocole d’urgence en cas d’évènements violents majeurs sera également implanté dans chaque école.

Des plans qui ont été tablettés

Malgré l’adoption d’une loi en 2012 sous les libéraux qui oblige chaque école à se doter d’un plan de lutte contre la violence et l’intimidation, Québec peine à mesurer l’ampleur du phénomène dans son réseau, a déploré vendredi M. Drainville.

« En 2012, c’était une avancée, c’est indéniable. Maintenant, ce qu’on réalise, c’est que le plan de lutte contre la violence et l’intimidation que chaque école doit avoir suite à l’adoption de cette loi, dans certains cas, il a accumulé beaucoup de poussière. Les écoles s’en sont donné un [plan], ils ont été poussés dans le tiroir et ils dorment dans le tiroir depuis un certain temps », a-t-il ajouté.

Le ministère enverra dans les prochains mois aux établissements scolaires un modèle pour les épauler dans l’élaboration et la mise à jour de leurs plans. L’objectif est de mettre en place des mesures structurées dans le réseau et de collecter les données de façon uniforme. Pour l’instant, selon les derniers rapports annuels de 45 des 72 centres de services scolaires de la province qui ont comptabilisé les actes de violence, 92 % des écoles ont noté moins de 10 évènements sur une année.

« Ça se peut, mais je trouve ça improbable », a noté M. Drainville.

Un phénomène en hausse

Au cours des dernières années, la violence dans les écoles a pris de l’ampleur dans les écoles. Plus tôt ce mois-ci, quatre jeunes hommes ont été arrêtés en Montérégie alors qu’une vidéo circulait sur l’internet montrant un adolescent à genoux devant ses agresseurs se faire asséner au moins trois coups de poing au visage. Aussi sur la Rive-Sud de Montréal, une altercation impliquant 100 élèves sur les terrains d’une école a forcé l’intervention des policiers au début du mois d’octobre.

La violence contre le personnel scolaire prend également de l’ampleur. Selon des données obtenues par La Presse auprès de la CNESST, le nombre de lésions liées à de la violence à l’égard d’enseignants a augmenté de 64 % entre 2018 et 2022.

À Québec, le sujet de la violence dans les écoles a plusieurs fois été soulevé au cours de la dernière année au Parlement. « D’est en ouest, ça se passe. Quelque chose est arrivé : il y a un avant et un après pandémie », affirmait déjà en juin la députée libérale Marwah Rizqy, qui appelle le gouvernement à faire de la prévention de la violence une « cause nationale ».

« La vaste majorité de nos écoles sont sécuritaires. […] Je ne nie pas le phénomène de la violence, [mais] je pense qu’il faut être très prudent pour ne pas instaurer un climat de peur chez nos jeunes qui fréquentent nos écoles tous les jours », a affirmé vendredi le ministre Drainville.