(Ottawa) Le gouvernement fédéral est prêt à sévir contre les établissements postsecondaires douteux qui recrutent des étudiants étrangers si les provinces ne sont pas à la hauteur de la tâche, a prévenu vendredi le ministre de l’Immigration, Marc Miller.

M. Miller a tenu ces propos alors qu’il annonçait de nouvelles règles pour lutter contre la fraude et les « mauvais acteurs » dans le programme des étudiants étrangers, à la suite d’une enquête menée cet été sur une centaine de cas impliquant de fausses lettres d’acceptation.

Les provinces sont responsables de l’accréditation des écoles qui peuvent accepter des étudiants étrangers, qui comprennent à la fois les universités et les collèges publics, ainsi que les établissements privés.

Au cours de ses derniers mois à son poste, l’ancien ministre de l’Immigration, Sean Fraser, a fait part de ses inquiétudes quant au nombre de collèges privés situés dans des centres commerciaux et d’autres lieux qui dépendent des frais de scolarité des étudiants étrangers, mais qui, dans certains cas, offrent une maigre panoplie de cours en retour.

Plusieurs groupes de défense des droits des immigrants, dont Migrant Workers Alliance for Change, ont mis en lumière des cas d’exploitation d’étudiants par certaines de ces institutions.

M. Miller a dit vendredi que le programme scolaire international a créé un écosystème « truffé d’incitations perverses » qui est très lucratif pour les établissements et pour les provinces qui ont sous financé leurs écoles postsecondaires.

« Le gouvernement fédéral se manifeste et ouvre les bras à nos partenaires provinciaux et territoriaux pour s’assurer que nous faisons tous notre travail correctement », a déclaré le ministre Miller lors d’une conférence de presse au Sheraton College de Brampton, en Ontario.

« Si ce travail ne peut être réalisé, le gouvernement fédéral est prêt à le faire. »

Le ministère de l’Immigration a recensé 800 000 permis d’études actifs à la fin de 2022, soit une augmentation de 170 % au cours de la dernière décennie.

« Ce que nous constatons dans l’écosystème est celui d’une recherche de gains à court terme, sans se soucier des difficultés à long terme. Et nous devons inverser cette tendance. Mais cela prendra du temps », a-t-il soutenu.

L’Ontario, en particulier, a des « défis » en matière d’accréditation des intuitions postsecondaires, mais ce n’est pas le seul enjeu. M. Miller n’a pas précisé quels sont ces autres défis.

Le ministère des Collèges et Universités de l’Ontario n’a pas répondu à des questions spécifiques, mais a déclaré dans un communiqué que le gouvernement provincial « demandera à nouveau une réunion avec le nouveau ministre fédéral pour discuter des changements prévus une fois qu’ils auront été communiqués au ministère ».

Sarom Rho, une organisatrice de Migrant Workers Alliance for Change, a affirmé que les « collèges clandestins » sont parfois associés à des institutions publiques. Toutefois, même ceux-là peuvent constituer une exploitation, a-t-elle dit.

Elle a déclaré qu’elle travaillait avec un groupe d’étudiants qui ont payé leurs frais de scolarité d’avance à l’une de ces institutions, mais qui se sont vu demander plus d’argent quelques semaines seulement avant le début des inscriptions aux cours.

« L’école a dit : “ Eh bien, si vous n’avez pas d’argent, vous pouvez rentrer chez vous, en gagner et revenir ” », a raconté Mme Rho vendredi.

Elle a dit que le gouvernement fédéral doit se charger de l’accréditation des collèges et des universités qui acceptent les étudiants étrangers.

« Ils sont conscients du caractère inférieur aux normes de ces établissements, de ces collèges privés insolites », a-t-elle déclaré.

Vendredi également, M. Miller a annoncé de nouvelles règles concernant la compétence du gouvernement fédéral pour lutter contre la fraude et les « mauvais acteurs » dans le programme des étudiants étrangers.

Son ministère prévoit mettre en place un système pour reconnaître les écoles postsecondaires qui ont des normes plus élevées en matière de services, de soutien et de résultats pour les étudiants internationaux, à temps pour le prochain semestre d’automne.

Les normes pourraient inclure un accès adéquat au logement, aux services de santé mentale et un ratio plus faible d’étudiants étrangers par rapport aux étudiants canadiens, a indiqué M. Miller, bien que les critères n’aient pas été finalisés.

Les détails sur la manière dont les écoles et institutions reconnues bénéficieront exactement du nouveau système seront publiés ultérieurement, a déclaré le ministre. À titre d’exemple, il a affirmé que les candidats à ces écoles seraient prioritaires lorsqu’il s’agirait de traiter leur permis d’études.

« Notre objectif ici est de punir les mauvais acteurs pour nous assurer qu’ils soient tenus responsables de leurs actes, et de récompenser les bons acteurs qui fournissent des résultats adéquats pour la réussite des étudiants étrangers », a expliqué le ministre.

Les détails de ce système seront importants, a précisé Mme Rho, d’autant plus que les étudiants ont souvent peur de s’exprimer en raison de leur statut précaire au Canada.

Le ministère cherche également à lutter contre la fraude en vérifiant les lettres d’acceptation des étudiants internationaux provenant des collèges et universités.

Cette vérification supplémentaire est une réaction à un stratagème qui remonte à 2017, selon lequel des agents d’immigration émettaient de fausses lettres d’acceptation pour faire venir des étudiants étrangers au Canada.

En juin, le ministère a mis en place un groupe de travail chargé d’enquêter sur les cas associés à ce phénomène. Sur les 103 cas examinés jusqu’ici, environ 40 % des étudiants semblaient avoir participé au stratagème, tandis que les autres en étaient victimes.

Le groupe de travail enquête toujours sur 182 autres cas.

« L’utilisation de lettres d’acceptation frauduleuses a été une préoccupation majeure pour mon ministère cette année et continue de constituer une menace sérieuse à l’intégrité de notre programme » des étudiants étrangers du Canada, a déclaré M. Miller, ajoutant que les étudiants étrangers ne sont pas à blâmer.

Les nouvelles règles constituent une évolution bienvenue pour l’Association nationale des collèges de carrière, a affirmé vendredi son président-directeur général par voie de communiqué.

« Nous sommes heureux de l’occasion de travailler avec le gouvernement fédéral pour améliorer notre système d’étudiants étrangers en instaurant une plus grande confiance et une plus grande sécurité, en soutenant les communautés canadiennes et en veillant à ce que les programmes d’immigration du Canada soient centrés sur les étudiants », a affirmé le PDG Michael Sangster.