L’Université du Québec à Montréal (UQAM) est en perte de vitesse. Tentant de remettre les gaz, son nouveau recteur, Stéphane Pallage, prend le bâton de pèlerin pour doter l’université d’un programme d’ostéopathie et de facultés de pharmacie, de sciences infirmières et de médecine. Aussi parmi ses priorités : créer enfin un nouveau pavillon pour les arts.

« D’ici cinq ans et même dans les deux prochaines années, on va créer une faculté des sciences de la santé à l’UQAM », a déclaré en entrevue M. Pallage, ajoutant que c’est là l’une de ses grandes priorités.

Il a déjà eu ou aura des entretiens avec la direction du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et des ministres du gouvernement Legault.

Créer une faculté de médecine, c’est ambitieux, mais le recteur est optimiste d’y arriver. Ce sera la dernière pierre qu’il souhaite mettre à l’édifice, les programmes d’ostéopathie, de pharmacie et de sciences infirmières ayant le plus de chances d’être créés d’abord, avance-t-il.

M. Pallage souligne qu’il est d’ailleurs parvenu à mettre sur pied une faculté de médecine à la toute jeune Université du Luxembourg au cours de son mandat de recteur.

En tout respect pour le Luxembourg, la marche n’est-elle pas plus haute au Québec, où les pions sont déjà très en place, avec des universités clairement affiliées à de gros hôpitaux ? Il répond qu’au contraire, c’est parfaitement à la portée de l’UQAM, qui compte de nombreuses sommités en biomédecine, en recherche sur le cancer, les maladies orphelines, la virologie, la conception de médicaments, etc.

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L’Université du Québec à Montréal, située dans le Quartier latin

Aussi dans les priorités du recteur : bâtir un pavillon pour la faculté des arts (de la scène) sur l’édicule du métro Saint-Laurent, au centre-ville. « Le projet existe depuis un certain nombre d’années. L’UQAM souhaiterait aller de l’avant avec ce projet », dit-il.

De façon générale, M. Pallage s’attaque à redorer le fleuron de l’UQAM.

Des années difficiles pour l’UQAM

En quatre ans, le nombre d’inscriptions à ses programmes courts – les certificats, essentiellement – a chuté de 34 %. Au baccalauréat, pour la même période, la baisse a été de 7 %.

Au total, M. Pallage souligne que l’université a perdu 5000 étudiants depuis cinq ans (elle en compte 35 000 aujourd’hui).

Des étudiants « choisissent de ne pas venir chez nous alors qu’ils l’auraient fait il y a dix ans. On a du travail à faire pour faire revenir la population québécoise francophone à l’UQAM et aussi attirer des étudiants de la francophonie et de partout dans le monde ».

Il attribue la chose au marché du travail florissant qui amène quantité de jeunes à accepter des emplois plutôt qu’à poursuivre leurs études, de même qu’au financement gouvernemental des universités « qui [les] rend moins attractif que Concordia ».

L’UQAM manque d’argent « pour rendre le campus plus sexy ».

M. Pallage insiste au fil de l’entrevue sur le rôle que joue l’UQAM dans le fait français à Montréal. Que contrairement à HEC Montréal, l’UQAM « n’offre pas de programmes en anglais à Montréal » et que jamais il n’osera aller dans cette direction.

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Stéphane Pallage, nouveau recteur de l’UQAM

L’UQAM a cette mission d’être francophone, mais cette mission, elle a un coût. On se prive ainsi de revenus vraiment très importants.

Stéphane Pallage, nouveau recteur de l’UQAM

On lui soumet aussi l’effet de la concurrence féroce entre universités. (L’Université de Sherbrooke a une antenne à Longueuil, l’Université du Québec à Trois-Rivières donne des cours à Québec où se trouve l’Université Laval, etc.)

M. Pallage répond qu’il y a de fait « dédoublements », des « aberrations » et évoque ce bâtiment de HEC Montréal qui a été construit avec « des fonds publics » à un jet de pierre de l’UQAM, en offrant « des formations essentiellement privées ».

Et d’ajouter avec un sourire : « Je suis économiste de formation, donc un économiste va vous dire que la concurrence, c’est bon ! […] C’est une réponse très théorique. Dans les faits, on a tous des missions différentes. »

Et ces missions distinctes, plaide-t-il, doivent être prises en considération par le gouvernement dans les règles de financement. À l’heure actuelle, plaide M. Pallage, ces règles désavantagent l’UQAM qui, en offrant exclusivement des cours en français, peut attirer un nombre plus limité d’étudiants étrangers.

Autre difficulté pour l’UQAM : l’état du Quartier latin. « Après cinq ans d’absence [le temps de sa parenthèse luxembourgeoise], je vois des différences notoires, beaucoup de lieux abandonnés, de magasins et de commerces fermés, de restaurants qui ont sans doute mal vécu la COVID », fait remarquer M. Pallage, en relevant aussi que l’UQAM peut, avec ses professeurs, aider à trouver des pistes en matière d’itinérance.

En comptant le personnel, M. Pallage fait observer que l’UQAM à elle seule rassemble 40 000 personnes. « Le seul fait de revenir en présentiel, c’est quelque chose qui va aider énormément le quartier. »

Qui est Stéphane Pallage ?

  • Il a été professeur à l’École des sciences de la gestion de 1995 à 2017 et il en a été le doyen de 2013 à 2017.
  • Il a été recteur de l’Université du Luxembourg de 2018 à 2022.
  • Nommé à la tête de l’UQAM en avril, il commence un mandat de cinq ans.