Face à une baisse marquée de la réussite à l’examen ministériel de français en cinquième secondaire, Bernard Drainville consultera au cours des prochains mois des experts, des conseillers pédagogiques et des enseignants pour renouveler le programme de français au primaire et au secondaire d’ici la rentrée 2025. Déjà, le ministre de l’Éducation lance une idée : il aimerait effectuer des exercices d’écriture chaque jour en classe. Un retour en force des dictées ?

État de la situation 

Bernard Drainville s’inquiète que les élèves finissent le secondaire sans maîtriser le français. Au cours des dernières années, les résultats à l’épreuve ministérielle de français en cinquième secondaire ont chuté de 10 points de pourcentage, le taux de réussite passant de 78,9 % en 2019 (avant la pandémie de COVID-19) à 68,8 % en 2022 pour les écoles publiques et privées combinées.

Cet examen ministériel, que chaque élève doit réussir afin d’obtenir son diplôme d’études secondaires (DES), est évalué selon cinq critères. M. Drainville détaille là où les élèves ont connu le plus difficultés en 2022 :

  • Écrire en fonction du thème imposé : 97 % de réussite 
  • Cohérence du texte : 98,5 % de réussite 
  • Utilisation d’un vocabulaire approprié : 89 % de réussite
  • Construction des phrases et ponctuation : 76 % de réussite 
  • Orthographe et grammaire : 48 % de réussite 

« Il faut vraiment redresser la barre », affirme-t-il.

Écrire chaque jour, « et il faut que ça soit le fun ! »

Bernard Drainville lance une idée au jeu : et si les enfants écrivaient chaque jour, dans le cadre de leur cours d’enseignement du français, comme le proposent les profs réunis au sein de l’Association québécoise des professeur.e.s de français (AQPF) ? L’exercice pourrait prendre plusieurs formes, comme certaines variantes de la dictée, mais ne se limiterait pas à un cadre aussi rigide. L’objectif est d’écrire pour maîtriser les rouages de la langue française.

Cette idée, le ministre de l’Éducation la soumet à ses équipes au ministère, qui réuniront prochainement des experts, des enseignants et des conseillers pédagogiques pour réviser le programme d’enseignement du français au primaire et au secondaire d’ici la rentrée 2025. L’identité des experts choisis n’est pas encore dévoilée.

« Faut travailler ça et il faut que ça soit le fun ! », s’exclame M. Drainville. Selon lui, la réalité des jeunes du début des années 2000 n’est plus la même que celle d’aujourd’hui. « Il faut se renouveler », dit le ministre.

Un peu plus haut, un peu plus loin 

Quel taux de réussite est-il convenable pour l’épreuve ministérielle de la cinquième secondaire ? Bernard Drainville ne tombe pas dans le piège de cibler un chiffre.

« Le plus haut possible. Dans une première étape, revenir au chiffre de près de 80 %, ça serait une bonne première étape. Mais moi, je ne me contenterai pas de 80 %. Idéalement, il faudrait que tous les élèves passent leur épreuve ministérielle de français. C’est ça qu’on souhaite. On souhaite que tout le monde passe », dit-il.

Cette année, le ministère de l’Éducation compilera les erreurs les plus fréquemment commises lors de l’examen pour les communiquer aux enseignants. Québec veut cibler où les élèves semblent s’égarer en grammaire et en orthographe.

Faudrait-il simplifier, par ailleurs, les règles qui encadrent l’accord des participes passés ? Ce grand débat, qui a soulevé les passions récemment dans le cadre d’un reportage de La Presse, ne se sera pas tranché au Québec sans que d’autres pays de la francophonie emboîtent le pas, affirme M. Drainville.

Ajouter des conseillers pédagogiques 

Le ministre de l’Éducation promet également d’ajouter des conseillers pédagogiques en français dans tous les centres de services scolaires. Bernard Drainville ne détaille pas combien de ces conseillers seraient ajoutés dans chaque région. En ce moment, le gouvernement peine à trouver des enseignants qualifiés pour enseigner dans les classes. Des postes ouverts au cours des dernières années n’ont pas toujours pas été pourvus.

« C’est un immense défi, […] et le message qu’on envoie aujourd’hui, c’est que l’enseignement et l’apprentissage du français est une priorité pour notre société. On ne peut pas se permettre de regarder les résultats dégringoler. »

Le ministre de l’Éducation souhaite par ailleurs que le français fasse l’objet d’un suivi de la part de tous les enseignants dans les écoles, y compris à l’extérieur des cours de langue. Il veut également intégrer au programme l’obligation pour les enseignants de présenter des œuvres littéraires, télévisuelles ou cinématographiques québécoises aux élèves afin d’incarner le français dans la culture d’ici.

Un immense chantier salué par les profs

Un « vent de fraîcheur », mais une tâche colossale. Les enseignants accueillent avec enthousiasme la révision du programme d’enseignement du français, mais préviennent déjà le ministre Bernard Drainville qu’il a devant lui un immense chantier pour que sa réforme soit en vigueur dès la rentrée 2025.

La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) souhaite que le gouvernement accorde un temps minimum prescrit pour l’enseignement du français, afin que les écoles qui ont des programmes pédagogiques particuliers ne pigent plus dans ces heures d’enseignement au profit des autres matières. La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) salue les consultations menées par Québec et souhaite que le gouvernement se donne tout le temps nécessaire pour ses consultations, alors que 11 niveaux scolaires différents seront touchés par la révision du programme.

L’Association québécoise des professeur.e.s de français (AQPF) estime que le ministre devrait revoir à la baisse le nombre d’étapes dans une année scolaire, pour les faire passer de trois à deux. Cela éviterait que les enfants soient placés en situation d’évaluation trop rapidement ou que trop de temps soit accordé à la préparation aux examens, plutôt qu’à l’enseignement.