(Québec) François Legault appuie sans réserve son ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, qui veut se donner le pouvoir de dégommer les directeurs généraux des centres de services scolaires qui prennent des décisions qui déplaisent au gouvernement. Ceux qui s’y opposent sont « résistants au changement », accuse Québec.

« Quand les résultats ne sont pas là, il faut avoir le pouvoir de changer les personnes qui prennent les décisions localement », a défendu le premier ministre jeudi, alors que La Presse rapportait les craintes généralisées du milieu scolaire face aux nouveaux pouvoirs que veut s’arroger M. Drainville.

Dans sa réforme en éducation, un deuxième grand chantier sur la gouvernance en trois ans pour le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ), Bernard Drainville se donne le pouvoir de nommer ou de destituer les directeurs généraux. Le ministre a assuré qu’il s’agissait d’un pouvoir d’exception. Il défend ce choix ces jours-ci dans le cadre des auditions publiques sur le projet de loi 23.

« On veut rendre le réseau de l’éducation plus efficace. […]. Ça vient compléter ce que Jean-François [Roberge] avait fait en abolissant les commissions scolaires. Et il faut penser aux élèves. C’est sûr qu’on est en négociation avec les syndicats d’enseignants », a complété M. Legault.

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Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville

Selon Bernard Drainville, « c’est normal » que le gouvernement montre la porte aux gestionnaires qui n’atteignent pas des résultats conformes à ses priorités. « Nous allons résister à la résistance au changement, c’est pas compliqué ! », a-t-il dit.

« C’est sûr que gros changements égale grosses résistances, mais il ne faut pas se laisser arrêter. Il faut absolument aller de l’avant avec ces changements parce qu’on [va] améliorer de beaucoup les conditions qui vont nous permettre d’obtenir de meilleurs résultats dans les salles de classe », a promis le ministre.

Sur Twitter, l’attaché de presse du premier ministre a affirmé que les groupes qui critiquent les pouvoirs additionnels que le ministre Drainville veut obtenir, ce qui inclut les comités de parents, les directions scolaires et les syndicats d’enseignants, forment « les forces de l’inertie et [de] la résistance au changement ».

Pour sa part, la Fédération des centres de services scolaires du Québec a tenu à rappeler au gouvernement qu’une « décision impopulaire n’est pas nécessairement une mauvaise décision ». Elle s’inquiète que le ministre, avec ses nouveaux pouvoirs, intervienne alors qu’il est influencé « par des situations médiatisées ou par des demandes de groupes d’intérêts ».

« Un tel pouvoir doit s’exercer avec une grande prudence et parcimonie et ne doit pas être un levier pour satisfaire l’opinion publique ou des groupes de pression, auquel cas, une telle intervention pourrait aller à l’encontre de l’intérêt commun », a dit la fédération.

Un bulletin rempli d’échecs

En matinée, la porte-parole du Parti libéral en éducation, Marwah Rizqy, a livré une charge à fond de train contre le ministre de l’Éducation. Elle lui a accordé la note de « E », pour échec, dans une variété de dossiers.

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La députée libérale Marwah Rizqy

Violence dans les écoles, vétusté des écoles, maternelles 4 ans, 30 000 enseignants non légalement qualifiés, interruptions de services : Mme Rizqy a présenté ses doléances sur une pancarte affichant la photo de M. Drainville, alors qu’il était émotif au moment où le gouvernement a mis fin au projet de troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis.

« Je ne veux pas infantiliser le ministre de l’Éducation. Moi, je veux vraiment qu’il comprenne qu’en ce moment, ce n’est pas vraiment d’une deuxième réforme en éducation qu’on a besoin. Il faut arrêter l’hémorragie », a dit Mme Rizqy.

La porte-parole de Québec solidaire en éducation, Ruba Ghazal, accuse pour sa part la CAQ d’être obsédée par la centralisation du pouvoir.

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La députée solidaire Ruba Ghazal

« Les profs, les parents, même les directions, personne n’a demandé une réforme de structure, mais la CAQ est obsédée par la réforme de structure [et] centraliser le pouvoir », a-t-elle déploré.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, juge pour sa part que le projet de loi 23 du ministre Drainville vise « plus ou moins dans les bons sujets » pour retenir les enseignants qualifiés dans les écoles.

Le projet de loi 23, en bref

  • Le projet de loi 23, une fois adopté, permettra au ministre Bernard Drainville de nommer et de destituer les directeurs généraux des centres de services scolaires.
  • Québec crée un Institut national d’excellence en éducation, qui aura pour mandat de guider le réseau scolaire vers des pratiques pédagogiques appuyées par la science.
  • Le gouvernement modifie largement le mandat du Conseil supérieur de l’éducation afin qu’il se concentre exclusivement sur l’enseignement supérieur.
  • M. Drainville donne des leviers à son ministère pour collecter des données dans les écoles afin de constituer un tableau de bord chiffré sur l’état du réseau.
  • Le milieu de l’éducation est inquiet des nouveaux pouvoirs que veut s’arroger le ministre.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse