Plus du tiers des travailleurs disent en avoir été victimes, physiquement ou psychologiquement, ces six derniers mois.

Le personnel de soutien des écoles du Québec rapporte dans une forte proportion qu’il subit de la violence de la part des élèves, tant psychologique que physique. Il y a une « banalisation » de la violence, déplore un technicien en éducation spécialisée.

Ce qu’il faut savoir

• Les données concernant la violence vécue par le personnel de soutien sont issues d’un récent sondage mené par la Fédération des employées et employés des services publics.

• La violence psychologique subie par le personnel de soutien serait encore plus répandue que ne le montre le sondage.

• Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé à la fin du mois de mars qu’il préparait une stratégie nationale pour lutter contre la violence dans les écoles.

Alexandre (nom fictif) travaille dans une grande école secondaire de Montréal. Depuis le début de l’année scolaire, relate-t-il, des élèves ont fait à plus d’une reprise des menaces de mort à l’égard du personnel de l’école sur les réseaux sociaux.

« Un élève a été arrêté avec une machette la semaine dernière. L’année passée, on a trouvé une arme à plomb dans le vestiaire des garçons », illustre le technicien en éducation spécialisée qui craint des représailles s’il témoigne sous son vrai nom.

Il n’est pas le seul à vivre de la violence dans son milieu de travail. Quatre travailleurs sur dix disent avoir subi de la violence psychologique de la part des élèves au cours des six derniers mois, et 35 % disent avoir subi de la violence physique, révèle un récent sondage mené par la Fédération des employées et employés des services publics (FEESP-CSN).

Parmi ses membres figurent notamment des secrétaires d’école, éducatrices en service de garde, surveillants d’élèves et techniciens en éducation spécialisée.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Annie Charland, présidente de la Fédération des employées et employés des services publics

« On a de plus en plus de violence dans nos écoles. Surtout en adaptation scolaire, en service de garde. La violence est extrême », dit Annie Charland, présidente de la FEESP.

La violence verbale « banalisée »

La violence psychologique subie par le personnel doit être encore plus répandue que ne le montre le sondage, estime pour sa part Michel Picard, président de l’Association professionnelle du personnel administratif (APPA).

Les gens savent ce qu’est la violence physique, quand ils se font mordre ou griffer, par exemple. Mais la violence verbale est banalisée. Quand ça arrive de temps en temps, on ne le nomme pas.

Michel Picard, président de l’Association professionnelle du personnel administratif

Dans les commentaires recueillis en marge du sondage mené par la FEESP, une éducatrice en service de garde écrit que lorsqu’elle doit « remplir un rapport d’acte de violence face à un enfant qui [frappe ou insulte], il n’y a rien de fait de la part de la direction ».

« On se fait répondre : “C’est quoi l’élément déclencheur ?” Ça s’arrête là », écrit-elle.

Peu de soutien

Fin mars, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, s’est dit « extrêmement inquiet » face à la violence dans les écoles.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville

« Nous sommes en train de préparer une stratégie pour lutter contre la violence, a-t-il affirmé. J’ai demandé à mes équipes de me revenir le plus rapidement possible avec cette stratégie », a-t-il déclaré.

Des policiers sont déjà présents dans certaines écoles, a-t-il ajouté.

C’est vrai, dit le technicien en éducation spécialisée qui a parlé à La Presse. « On a des policiers communautaires à l’école, mais je pense qu’ils ont une vingtaine d’écoles à desservir. On n’a pas beaucoup de soutien, eux aussi sont très surchargés », dit Alexandre.

Un personnel épuisé psychologiquement

Le sondage mené par le syndicat montre également que le personnel est épuisé psychologiquement. « Je n’ai jamais eu autant de gens qui partent. On a des gens avec 25, 30 ans [d’expérience] qui s’en vont », explique Annie Charland.

Dans les commentaires du sondage, une secrétaire de Montréal note qu’à son école, on a ajouté « quatre nouvelles classes d’accueil dans les derniers mois » qui lui demandent beaucoup plus de temps que les classes ordinaires.

« Je ne peux pas faire mon travail habituel avec tout ça. Je me fais constamment déranger », écrit-elle.

De récents chiffres obtenus par La Presse ont montré que le taux d’absentéisme du personnel des centres de services scolaires du Québec pour cause de maladie a bondi de 29 % en 2021-2022 par rapport à 2014-2015.

Or, ceux qui « tombent au combat » laissent derrière des gens déjà surchargés qui se retrouvent à en avoir plus sur les épaules. « Ça devient un cercle vicieux », dit Mme Charland.

Pour le seul centre de services scolaire de Montréal, 63 % des répondants ont jugé que leur travail est « épuisant émotionnellement ». Plus de quatre personnes sur dix ont songé à quitter leur emploi dans les six derniers mois.