Les exigences sont en baisse pour travailler dans certains services de garde scolaire : non seulement il n’est plus nécessaire d’avoir été formé pour l’emploi, mais il n’est même plus requis d’avoir un minimum d’expérience avec les enfants. Un diplôme de 5e secondaire suffit.

C’est le cas au centre de services scolaire de Montréal, qui a en effet affiché une « nouveauté » dans ses offres d’emploi récemment, une « mesure temporaire pour pallier la pénurie de personnel », lit-on. Avec un seul diplôme de 5secondaire, on peut être embauché au service de garde d’une école.

Après la pandémie, les exigences à l’embauche ont diminué « à cause de la pénurie », observe en effet la présidente de l’Association québécoise de la garde scolaire.

« Oui, il y en a qui demandent un 4secondaire seulement, ou pas d’expérience. C’est vraiment à géométrie variable », explique Réjeanne Brodeur, qui ajoute que chaque centre de services « fait ce qu’il veut ».

Les directions d’école confirment elles aussi que trouver du personnel dans les services de garde de la province est ardu. On devient donc moins difficile.

Il y a actuellement 450 éducatrices à trouver, note le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), qui s’appuie sur les plus récents chiffres du ministère de l’Éducation.

« Ça fait qu’on doit trouver des gens qui n’ont peut-être pas [la formation requise], mais aussi couper des heures, changer l’horaire, diminuer le nombre de groupes. Il y a des écoles où les plus vieux n’ont pas accès au service de garde. On manque de monde », dit Nicolas Prévost.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’école La Mennais, dans le quartier Petite-Patrie, à Montréal

En conséquence, des responsables de services de garde prennent parfois eux-mêmes les choses en main. Récemment, l’école La Mennais, dans le quartier montréalais de la Petite-Patrie, a sollicité l’aide des parents pour tenter de trouver quelqu’un pour s’occuper d’une jeune élève handicapée le soir après l’école.

Au centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), on répond qu’on a « les mêmes défis » qu’ailleurs en matière de pénurie de personnel dans les services de garde. « Malgré cette difficulté, le service aux élèves et aux parents est maintenu », écrit son porte-parole Alain Perron.

Quant à l’appel lancé par l’école La Mennais, il précise que la jeune élève fréquente une école spécialisée qui n’offre pas le service de garde et que pour « rendre service aux parents, la fillette pouvait bénéficier du service de garde ».

Certains centres de services de la province ont toujours les mêmes exigences en matière de compétences demandées aux éducatrices en service de garde. Il faut ainsi être titulaire d’un diplôme de 5année du secondaire, mais aussi avoir une attestation d’études professionnelles en service de garde. Un cours de secourisme est aussi demandé.

Président de la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ), Éric Pronovost constate lui aussi que c’est « très aléatoire » d’un CSS à l’autre.

Mais « oui, de plus en plus, on fait appel à des éducatrices et éducateurs non qualifiés », constate-t-il.

Il faut se rappeler que le gouvernement Legault a demandé à des retraités, des grands-papas et grands-mamans, de venir travailler en service de garde. Ça a ouvert une certaine porte aux gens qui ne sont pas assez qualifiés.

Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire

Il estime que la pénurie de main-d’œuvre pourra se régler en augmentant les heures des éducatrices, dont les journées sont souvent composées de quarts de travail le matin, le midi et en fin de journée.

Rendre le poste attirant

Québec a bien mis sur pied un projet pilote d’« aides à la classe », qui non seulement permet aux enseignantes d’avoir un adulte dans leur classe pour les aider, mais dont l’objectif avoué est de donner plus d’heures de travail aux éducatrices.

À terme, le gouvernement souhaite qu’il y ait 4000 de ces « aides à la classe » dans les écoles de la province.

Est-ce que ça pourrait aider à rendre le travail d’éducatrice en service de garde plus attirant ? À la FQDE, on voit un autre problème poindre à l’horizon.

On a eu beaucoup d’éducatrices qui ont apprécié ce travail d’aide à l’enseignant. Elles l’ont tellement aimé qu’elles abandonnent leur emploi d’éducatrice.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Au lieu d’avoir, par exemple, cinq heures de travail coupées en plusieurs quarts dans une journée, les éducatrices devenues aides à la classe peuvent faire des quarts de travail de cinq heures consécutives.

« En pensant trouver une solution, on va créer un autre problème », dit M. Prévost, qui ajoute avoir averti le ministère de l’Éducation que les deux emplois doivent être liés.

En attendant, doit-on s’inquiéter pour la qualité des services offerts aux élèves ? « Les enfants ne sont pas en danger. Il faut aimer les enfants pour être avec 20 enfants autour de nous », dit Réjeanne Brodeur de l’Association québécoise de la garde scolaire.

En savoir plus
  • 22 000
    Nombre d’éducatrices travaillant dans les services de garde des écoles du Québec (2019-2020)
    Source : Association québécoise de la garde scolaire