Les élèves du secondaire des Îles-de-la-Madeleine ont obtenu des résultats pour le moins surprenants aux derniers examens ministériels, tant en français qu’en mathématiques. La somme de plusieurs facteurs qui, mis ensemble, ont bien servi les élèves.

« Qu’est-ce qu’il y a dans leurs gènes pour qu’ils obtiennent de tels résultats ? » Lancée par une spécialiste du français, la boutade exprime bien la surprise qu’ont eue plusieurs en voyant que 95,5 % des élèves des Îles-de-la-Madeleine avaient réussi l’épreuve ministérielle de français en 5e secondaire l’an dernier.

Alors que la majorité des centres de services scolaires du Québec ont vu le taux de réussite des élèves diminuer à cet examen, aux Îles-de-la-Madeleine, il a augmenté.

Comment expliquer un tel succès ? D’entrée de jeu, la directrice générale du centre de services scolaire des Îles rappelle que le nombre d’élèves en 5e secondaire est peu élevé.

« On a des petits groupes, environ une soixantaine d’élèves. Donc un élève vaut plus que 1 %. À la baisse ou à la hausse, nos taux [de réussite] sont très volatils. Si on était médiocres, ça paraîtrait très rapidement aussi », dit Brigitte Aucoin.

La Polyvalente des Îles-de-la-Madeleine compte cette année 424 élèves.

PHOTO FOURNIE PAR NATHAËL OUELLET-MIOUSSE

Le professeur de français Nathaël Ouellet-Miousse

« Comme on a moins de jeunes, c’est peut-être plus facile d’aller voir les cas problématiques », abonde Nathaël Ouellet-Miousse, professeur de français au secondaire. « Je les compte sur les doigts de ma main : je peux dire : “Toi, toi et toi, je veux que vous veniez en récupération et qu’on travaille les conjugaisons de verbe” », dit-il.

L’enseignant insiste sur un point : on ne peut pas comparer les résultats des Îles-de-la-Madeleine à ceux de Montréal, par exemple, où on accueille beaucoup d’élèves issus de l’immigration.

On a un bassin d’élèves qui ont été élevés dans la langue française. Ça joue certainement sur le pourcentage de réussite.

Nathaël Ouellet-Miousse, professeur de français au secondaire

Autre facteur qui a pu contribuer à ce succès : les écoles n’ont pas été fermées très longtemps aux Îles en raison de la COVID-19. « On était comme dans une bulle », illustre Mme Aucoin.

Les écoles des Îles, dit-elle aussi, travaillent « beaucoup » l’écriture et la lecture au primaire. L’idée : aller « au-delà du programme, pour qu’à la fin de chaque cycle, [les] élèves deviennent des lecteurs de haut niveau », poursuit Brigitte Aucoin.

Le professeur de français Nathaël Ouellet-Miousse dit lui aussi que ce n’est pas sa seule classe de 5e secondaire qui fait la différence. « Ça part du préscolaire, avec des habitudes en lecture et en littératie », explique-t-il.

L’appel du large

Le taux de diplomation au CSS des Îles-de-la-Madeleine se situe à près de 85 %, dit sa directrice générale. « Ce n’est pas anecdotique, c’est une tendance, mais on vise le 90 %. Chaque point de pourcentage qu’on va chercher est plus difficile rendu là », dit Brigitte Aucoin.

Ces taux sont « remarquables pour une région côtière », dit Denis Richard, responsable des programmes à la Fondation Madeli-Aide pour l’éducation, un organisme qui distribue des bourses de persévérance scolaire.

« L’attrait de la pêche est très fort », dit M. Richard, qui observe que la formation est importante dans ce domaine.

« Je suis ingénieur en électronique et ils ont plus d’ordinateurs dans leurs bateaux que moi dans mon bureau ! Je pense que les gens sont de plus en plus conscientisés à ça », poursuit Denis Richard.

Quand la saison de la pêche s’ouvre, certains élèves ont l’appel du large, observe Nathaël Ouellet-Miousse.

J’en ai, des jeunes au mois d’avril qui me disent : “Je vais faire la pêche et je ne reviens pas.” Je leur dis : “Non, tu vas revenir faire l’examen, ton oncle ou ton père vont trouver quelqu’un d’autre cette journée-là.”

Nathaël Ouellet-Miousse, professeur de français au secondaire

S’il se réjouit des bons résultats de ses élèves, M. Ouellet-Miousse dit que rien n’est acquis. « Cette année, va-t-on avoir 75 % de taux de réussite, ou encore 95 % ? C’est difficile à dire. On est une communauté tissée serré, ces résultats nous ont fait plaisir, mais on les prend avec modestie », dit l’enseignant.

Qu’on nous rassure : ils réussissent bien en français et en mathématiques, mais pour le reste, les adolescents des Îles sont bien comme les autres ?

Nathaël Ouellet-Miousse rit.

« Oui, ils sont comme les autres. Ils n’aiment pas particulièrement le français et mon cheval de bataille, c’est de le rendre intéressant. Je veux qu’ils comprennent que je suis capable de mener la barque à bon port s’ils font un minimum d’effort », conclut Nathaël Ouellet-Miousse.

En savoir plus
  • 95,5 %
    En 2022, taux de réussite des élèves des Îles-de-la-Madeleine à l’examen de français de 5e secondaire
    Source : Ministère de l’Éducation
  • 88,0 %
    En 2022, taux de réussite des élèves des Îles-de-la-Madeleine à l’examen de mathématiques de 4e secondaire
    Source : Ministère de l’Éducation