Plus de 25 000 demandeurs d’asile, arrivés au Québec par le chemin Roxham, sont en attente d’un document qui leur permettra d’avoir un permis de travail. Ils risquent d’attendre longtemps. Pour nombre d’entre eux, la date du rendez-vous pour obtenir ce document est fixée en 2025.

« Actuellement, nous avons un inventaire de 25 351 demandeurs d’asile qui sont en attente de leur entrevue de recevabilité », affirme Rebecca Purdy, porte-parole principale de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), en réponse aux questions de La Presse.

Si sa demande est jugée recevable au terme de cette entrevue, le demandeur d’asile recevra le Document du demandeur d’asile (DDA), aussi appelé « papier brun » dans le jargon de l’immigration. Et ce n’est qu’après avoir obtenu ce « papier brun » qu’il peut se procurer un permis de travail.

En attendant, certains se retrouvent à vivre sans pouvoir travailler, avec une aide sociale insuffisante, des difficultés pour se loger, ou encore en étant forcés d’accepter de travailler au noir avec les risques d’abus que cela peut impliquer.

Voici les étapes du parcours du combattant imposé à ces nouveaux venus.

À leur arrivée au Québec par le chemin Roxham, les demandeurs d’asile sont dirigés vers le Centre de traitement régional, à Saint-Bernard-de-Lacolle. Ce site dispose de 540 places de séjour temporaire. C’est là que les agents de l’ASFC font l’évaluation de l’admissibilité.

Il s’agit d’une vérification d’identité, des antécédents criminels et de l’état de santé. Le processus dure de quelques heures à un maximum de deux jours, et il est absolument obligatoire.

Les cas simples

À la suite de cette première étape, l’Agence évalue la recevabilité de la demande, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Si cette demande est recevable, le DDA (ou « papier brun ») est délivré.

Avant la pandémie, les migrants pouvaient souvent obtenir ce document au poste-frontière. Mais depuis, avec l’afflux des migrants, le système s’est embourbé.

Certains demandeurs, dont le cas est simple et clair, peuvent néanmoins avoir accès à un traitement rapide. « Depuis le 1er novembre 2022, l’ASFC a mis à l’essai un nouveau modèle de traitement des demandes d’asile qui permet de déterminer l’admissibilité et la recevabilité des demandes au point d’entrée pour les demandeurs considérés à faible risque », explique la porte-parole Maria Ladouceur.

L’objectif de ce processus est d’éviter d’ajouter encore d’autres demandes à l’inventaire des demandes en attente de l’étape de la recevabilité et de permettre aux demandeurs d’accéder à diverses prestations sociales et être éligibles à demander un permis de travail.

Maria Ladouceur, porte-parole de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)

Avec ce « fast track », les candidats doivent remplir leur demande sur le portail d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) dans un délai de moins de 45 jours. Une fois l’examen médical fait et la décision de recevabilité rendue, les permis de travail sont automatiquement délivrés.

Les cas complexes

Mais le processus long, c’est-à-dire l’obligation d’avoir un rendez-vous avec un agent des services frontaliers pour évaluer la recevabilité, « s’avère nécessaire dans la majorité des cas », précise Mme Ladouceur.

Et ça peut prendre du temps.

« Considérant la complexité de certains cas et les volumes actuels, les entrevues sont ajournées et le volet recevabilité est reporté à une date ultérieure, et ce délai peut à l’occasion atteindre deux ans », explique-t-elle.

Entre-temps, les demandeurs d’asile seront hébergés dans des hôtels gérés par le gouvernement du Québec et le fédéral. Ils auront droit à une allocation d’aide sociale au bout de quelques semaines et devront alors se débrouiller pour le logement.

Heureusement, il est possible de devancer le rendez-vous. Pour ce faire, le migrant doit remplir les formulaires de sa demande d’asile en ligne et demander un nouveau rendez-vous.

Le hic, c’est que certaines personnes ne savent pas ou n’ont pas compris qu’elles pouvaient avoir accès à ce système plus rapide. Certaines ne parlent ni français ni anglais, n’ont pas les aptitudes pour remplir de longs formulaires en ligne ou n’ont pas accès à l’internet.

« C’est tellement long, remplir les formulaires. Ça ne gruge pas juste la patience, fait savoir MDanielle Arpin, qui œuvre dans le milieu depuis 38 ans. Tu ne peux pas en remplir trois dans une journée. Alors, si une ONG reçoit 50 demandes dans une journée, c’est impossible de sortir les 50 dossiers. »

« Actuellement, on réussit à devancer des dossiers qui avaient des dates en septembre, souligne-t-elle. Mais c’est sûr que si des gens ne remplissent pas bien les documents ou les remplissent en retard, le rendez-vous n’est pas devancé. »

L’évaluation de recevabilité

Il est important de préciser que ce rendez-vous pour l’évaluation de recevabilité n’a pas pour but d’accorder l’asile à un migrant, mais seulement de savoir si celui-ci aura le droit de faire une demande pour obtenir cet asile.

Cette étape est le plus souvent une formalité. La très grande majorité des demandes, plus de 90 %, seront jugées recevables.

Les demandes rejetées sont celles provenant de migrants qui ont commis des crimes à l’étranger, qui ont été accusés de violation de droits de la personne ou qui ont revendiqué le statut de réfugié aux États-Unis.

Une fois le DDA obtenu, les demandeurs d’asile peuvent faire une demande de permis de travail et le recevoir dans des délais courts.

Quant à la dernière étape, la demande d’asile proprement dite, les dossiers seront envoyés à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, où ils seront examinés par un commissaire, qui rendra une décision. Les délais pour les audiences sont, en moyenne, de deux ans. Et le taux de succès, en fin de compte, est d’environ 50 %.

Plus longtemps sur l’aide sociale

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Arthur Durieux, cofondateur du Pont

Arthur Durieux a cofondé en 2017 Le Pont, qui héberge et accompagne des demandeurs d’asile, à Montréal. La capacité d’accueil du centre est de 20 à 25 personnes et la durée du séjour est de deux mois, maximum. « Presque tout le monde que je reçois depuis un an n’a pas eu son entrevue de recevabilité ou va l’avoir dans plusieurs mois, dit-il. Ce sont des gens qui ne peuvent pas travailler, qui n’ont pas le droit de travailler. Donc, qui restent plus longtemps sur l’aide sociale. »