La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, demande aux dirigeants des universités québécoises de ne pas tolérer, « sous aucune condition », la censure dans les milieux scolaires. Elle réclame que l’inclusion et le souci de plus grande représentativité de la diversité n’empiètent pas sur la « compétence égale ».

« Sous aucune condition nous ne devrions tolérer la censure dans les milieux académiques. La censure inhibe la pensée, et la réflexion sous l’emprise de la peur entrave la poursuite de l’excellence qui est au cœur de la mission universitaire. Nous ne saurions sacrifier la liberté académique au nom de certaines luttes spécifiques, au risque d’y perdre les deux en bout de ligne », écrit la nouvelle ministre, dans une lettre envoyée lundi aux recteurs, qui se veut une « mise au point » suivant des évènements récents.

Pour la ministre, les démarches visant à diversifier les établissements d’enseignement sont « légitimes et nécessaires », mais elles « ne doivent en aucun cas entraîner quelque forme que ce soit de discrimination ou d’injustice ». Elle soutient que les exigences Équité, Diversité et Inclusion (EDI) des programmes de Chaires de recherche du Canada, déterminées par Ottawa, « viennent plutôt restreindre certains droits et réduire la primauté des notions de compétence et d’excellence ».

Le printemps dernier, l’Université Laval s’était notamment retrouvée au cœur d’une controverse à la suite de l’affichage d’un poste au sein de sa Chaire de recherche du Canada en biologie, dans lequel il était précisé que seuls les femmes, les Autochtones, les personnes en situation de handicap ou appartenant à une minorité visible seraient considérés.

En Ontario, l’Université d’Ottawa, où la chargée de cours Verushka Lieutenant-Duval avait été suspendue après avoir prononcé en classe le « mot qui commence par un N », a aussi créé cinq postes réservés aux candidats racisés ou autochtones en 2021-2022. Le but était alors de « remédier à la sous-représentation de certains groupes au sein du corps professoral ».

Une motion, des demandes

En décembre dernier, durant la courte session parlementaire à l’Assemblée nationale ayant suivi les élections d’octobre, Mme Déry avait déposé une motion demandant aux élus québécois « d’exprimer [leur] préoccupation face à l’exclusion de certains candidats de l’obtention des chaires de recherche du Canada sur la base de critères qui ne sont pas liés à la compétence ». La motion avait été adoptée à l’unanimité.

Sur Twitter, mardi, la ministre a confirmé avoir demandé au Scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, de « revoir sa grille d’évaluation dans l’attribution des Fonds de recherche du Québec, afin que les critères EDI ne soient pas impérativement prédominants, mais plutôt complémentaires ».

« Le contraire mettrait en danger l’excellence, la recherche de la vérité et la liberté académique », insiste Pascale Déry, ajoutant qu’il en va « de la qualité de l’enseignement » et de « la pertinence du milieu universitaire en général ».

Néanmoins, la ministre reconnaît que pour les universités, « répondre à ces attentes est une responsabilité délicate qui peut exiger des arbitrages difficiles ». « Vous pouvez compter sur mon soutien total dans la poursuite de cet objectif », assure-t-elle aux dirigeants.

La prédécesseure de Mme Déry, Danielle McCann, avait déposé en avril dernier un projet de loi – qui a depuis été adopté – pour « protéger la liberté académique universitaire ». La loi impose notamment une définition à ce concept et oblige les universités à se doter d’une politique dont les paramètres sont dictés par Québec. L’Université de Montréal (UdeM) s’était notamment inquiétée que Québec établisse ainsi un « bien mauvais précédent ».