Plus de deux ans après le déversement de plus de 100 000 litres de pétrole dans la rivière Chaudière qui a suivi le déraillement du train au centre-ville de Lac-Mégantic, l'ampleur de la contamination des eaux du secteur, en 2015, demeure incertaine, selon Daniel Green, coprésident de la Société pour vaincre la pollution (SVP). Ce dernier juge que le rapport du comité expert publié discrètement par le ministère de l'Environnement vendredi n'apporte que très peu de réponses.

«Beaucoup d'informations dans ce rapport reposent sur de vieilles données de 2014, déplore M. Green, qui suit de près le dossier de la contamination des eaux à Lac-Mégantic depuis plus de deux ans. On s'attendrait à ce qu'un rapport publié à la fin de l'année 2015 fasse le point sur la situation des derniers mois.»

Ce rapport analyse effectivement des échantillonnages de 2014 et conclut que, même si la contamination aux hydrocarbures des sédiments de la rivière Chaudière a diminué de façon «marquée» de 2013 à 2014, les 15 premiers kilomètres demeurent contaminés, et ce, «de façon préoccupante».

Selon M. Green, les polluants qui se trouvent dans la rivière sont notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). «Ce qui reste est la fraction plus toxique du pétrole, et c'est ce qui pose un risque accru pour la rivière Chaudière et le lac Mégantic.»

Le comité expert indique que les poissons de la rivière Chaudière présentent des taux élevés d'anomalies physiques, notamment des déformations aux nageoires. «Dans une communauté normale, le taux d'anomalies se situe en deçà de 5 %, ce qui était le cas à la plupart des stations d'échantillonnage de la Chaudière en 1994. En 2014, les taux dépassaient largement cette valeur à presque toutes les stations d'échantillonnage, atteignant par endroits 35 % et 47 %», peut-on lire.

Le rapport conclut également que des sédiments du lac Mégantic devant le parc des Vétérans et près de la marina sont contaminés par des hydrocarbures pétroliers.

Par ailleurs, la société World Fuel Services, qui était propriétaire du pétrole qui a brûlé à Lac-Mégantic, au moment de l'accident, devait exécuter des travaux de remise en état des lieux et de végétalisation, selon le rapport, au printemps et à l'été 2015.

Opacité

«Je demande au ministre Heurtel de rendre tous les échantillonnages de 2015 publics, et ce, rapidement», martèle-t-il

La SVP conteste d'ailleurs devant la commission d'accès à l'information une décision du ministère de l'Environnement, qui exige un paiement de 1500 $ pour partager certaines données sur la rivière Chaudière et sur le travail du comité expert.

Ni World Fuel Services ni le ministère de l'Environnement n'ont été en mesure de rappeler La Presse samedi soir. Le ministre de l'Environnement David Heurtel se trouve en France, où il doit assister à la conférence de Paris 2015 sur le climat. Son attachée n'a pas répondu à nos appels.

«Le gouvernement Couillard avait promis de la transparence, mais le ministre Heurtel se montre opaque, insiste M. Green. Il partage l'information au compte-gouttes, avec beaucoup de retard. Le rapport a été publié discrètement un vendredi. C'est évident qu'il ne veut pas qu'on en parle. Mais si un dossier mérite de la transparence, c'est bien celui-là.»

En chiffres

• Le 6 juillet 2013, un train de 72 wagons transportant 7,68 millions de litres de pétrole brut a déraillé dans le centre-ville de Lac-Mégantic

• Environ 6 millions de litres de pétrole se sont déversés ou ont brûlé

• Environ 100 000 litres se sont déversés dans la rivière Chaudière