Les vacances n'auront pas eu raison de la mobilisation étudiante. Cent jours après la première manifestation nocturne contre la hausse des droits de scolarité et moins de 12 heures après le déclenchement officiel de la campagne électorale, des milliers de casseroles et de manifestants ont défilé mercredi soir dans les rues de Montréal. Un avis de dispersion a été lancé vers 22h30 par le SPVM, mais le mouvement ne s'est tari que vers minuit.

Même le célèbre Anarchopanda a montré le bout du nez. Il a reçu une véritable ovation à son arrivée, qui a galvanisé une foule déjà fébrile sous un ciel orageux.

Masques, carré rouge géant, mascottes, drapeaux, pétard, sifflets, foulards... il y a eu de tout et il y en a eu beaucoup.

Les protestataires ont affirmé ne pas avoir l'intention de se laisser décourager par la stratégie politique de Jean Charest, qui compte faire des élections un véritable référendum sur la question étudiante. «Ses arguments sont basés sur les préjugés et l'individualisme. J'ose croire que les gens ne sont pas nombreux à l'appuyer», dit Julie Bergeron, étudiante à l'Université de Montréal.

Même si plusieurs sondages montrent que la majorité de Québécois appuient la position du gouvernement sur la hausse des droits de scolarité et ne veulent pas qu'il cède devant les étudiants, et même si le premier ministre sortant a clairement montré son intention de faire du conflit le principal enjeu électoral, les manifestants ne comptent pas cesser de faire du bruit. «Notre combat est idéologique bien plus que politique, affirme Sebastian, un étudiant du conservatoire de musique. Ce n'est pas parce qu'il y a une campagne que je vais m'empêcher de parler.»

«On ne se laissera pas prendre au jeu politique», ajoute Léo, inscrit en sciences humaines au cégep du Vieux-Montréal.

Fidèles à leur habitude, les manifestants ont quitté leur lieu de rassemblement, le parc Émilie-Gamelin, vers 21h. Le Service de police de Montréal, présent depuis le premier jour, avait gonflé ses effectifs pour l'occasion. Les rassemblements de soir des deux derniers mois n'ayant regroupé que quelques dizaines de marcheurs, la présence policière était moins nécessaire. Mercredi soir, les choses ont été différentes. Même le groupe d'intervention était sur place.

Le début de la marche a été assombri par un accident. À l'angle des rues St-Denis et Laurier, un véhicule a percuté un manifestant qui faisait partie d'un groupe en route vers le point de rendez-vous. L'automobiliste s'est enfui.

Après quelques confrontations entre manifestants masqués et policiers en début de marche, des projectiles ont été lancés sur le quartier général du SPVM. Un peloton de l'escouade a ensuite été encerclé durant de longues minutes sous le martèlement des casseroles.

Dans la riposte, plusieurs personnes ont été bousculées par la foule, faisant au moins un blessé. D'autres manifestants, armés de pétards, s'en sont ensuite pris de nouveau aux policiers. La situation s'est tendue.

Un avis de dispersion a été lancé vers 22h30 «étant donné les infractions criminelles commises», selon le SPVM. «Cette manifestation est considérée comme un attroupement illégal», a indiqué le service de police sur son compte Twitter.

Toutefois, les manifestants ont continué à déambuler dans les rues du centre-ville jusqu'à minuit, la quasi totalité de façon pacifique. Les policiers ont dû notamment intervenir après que des manifestants eurent tenté de construire une barricade de fortune sur la rue Sainte-Catherine.

Au moins une dizaine d'arrestations ont été effectuées, pour utilisation de pièces pyrotechniques, pour méfaits ou pour jet de projectiles aux policiers, a indiqué le SPVM.



Photo Robert Skinner, La Presse

Cent manifestations depuis avril

Rappelons que la première manifestation nocturne a eu lieu le 24 avril alors que la ministre de l'Éducation de l'époque, Line Beauchamp, avait pourtant signé une trêve de 48 heures avec la CLASSE et les fédérations étudiantes, qui devait les empêcher de mener des actions de perturbation.

Quelques centaines de personnes étaient tout de même descendues dans la rue en criant des slogans comme «négocier, c'est se faire fourrer». Un petit groupe d'entre eux avait également fracassé les vitres d'une banque, faisant expulser la CLASSE de la table de négociations et menant à l'échec des pourparlers. Par la suite, si quelques-unes des 100 marches ont dégénéré dans la violence et parfois mené à des centaines d'arrestations à la fois, la majorité d'entre elles se sont déroulées dans le calme.

Au lendemain de l'adoption par le gouvernement de la loi spéciale 78, en mai dernier, ce sont 10 000 personnes qui avaient bravé l'interdiction de manifester à plus de 50 à la fois. À peine une heure après le début de la marche, le rassemblement avait été déclaré illégal parce que les policiers disaient avoir reçu des projectiles, dont des cocktails Molotov.

Photo Robert Skinner, La Presse