Trois ans après le début de la pandémie et malgré plusieurs campagnes de vaccination, le nombre de personnes en arrêt de travail dû à la COVID-19 longue continue d’augmenter dans la province, montrent de nouvelles données de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

En date du 3 septembre, 867 travailleurs étaient en effet couverts par la CNESST depuis plus de 90 jours en raison d’une lésion professionnelle liée à la COVID-19. La majorité d’entre eux proviennent du secteur de la santé. En août 2022, la CNESSST en dénombrait plutôt 733. La hausse sur une période d’un peu plus d’un an est donc d’environ 18 %.

Or, ces chiffres ne représentent qu’une partie des personnes touchées par la COVID-19 longue, puisqu’ils n’incluent que les infections dont il a été démontré qu’elles avaient été acquises en milieu de travail. « Imaginez tous les cas de COVID longue qui ont probablement un lien avec le travail, mais pour lesquels le travailleur n’est plus en mesure d’établir un lien », illustre la Dre Anne Bhéreur, médecin de famille, elle-même aux prises avec la COVID longue depuis décembre 2020.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

La Dre Anne Bhéreur

Selon le chercheur Simon Décary, professeur de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke, cette augmentation des cas n’est pas surprenante. « On sait qu’il y a des cas de COVID-19 longue qui passent par-dessus la vaccination. C’est un phénomène qui est vu dans tous les grands pays », avance-t-il.

Si la vaccination diminue le risque de COVID-19 longue, elle ne l’élimine pas pour autant, précise la Dre Bhéreur.

Les études disponibles montrent une diminution de 15 à 50 % du risque. Tant qu’on va continuer à avoir des cas de COVID-19, on va continuer à avoir des cas de COVID-19 longue.

La Dre Anne Bhéreur, médecin de famille atteinte de la COVID longue

Au total, 1565 travailleurs ont reçu une indemnité de la CNESST pendant plus de trois mois en raison de la COVID-19 depuis le début de la pandémie. Parmi ceux-ci, 698 sont depuis retournés au travail et la durée moyenne de leur arrêt a été de 230 jours. Puisqu’il s’agit de jours ouvrables, on peut estimer la durée de leur arrêt de travail à environ un an. « Ce délai est tout à fait logique, car les cas modérés de COVID-19 longue durent environ un à deux ans », note M. Décary.

« Je suis épuisée »

Manon Lapointe est une travailleuse indemnisée par la CNESST. L’infirmière de 58 ans a contracté la COVID-19 en janvier 2021 alors qu’elle travaillait aux urgences dans la région de la Capitale-Nationale.

Près de trois ans plus tard, Manon Lapointe vit toujours avec des symptômes persistants de la COVID-19 : maux de tête, essoufflements, acouphènes, démangeaisons et sensations de brûlures sur la peau, tachycardie, problèmes de déglutition et problèmes de mémoire. « Mes symptômes sont tellement intenses et j’en ai tellement. Je suis épuisée », souffle-t-elle à ce sujet.

La Québécoise se déplace en fauteuil roulant ou avec un déambulateur, par manque d’énergie. Sa fille l’aide dans les tâches quotidiennes, comme les repas et l’épicerie.

J’ai beau essayer tous les médicaments, toutes les vitamines possibles, mon état continue de se dégrader. Les médecins sont impuissants.

Manon Lapointe, infirmière atteinte de la COVID longue

« Je ne pensais pas vivre ça. J’étais une personne qui voyageait énormément, je faisais du camping sauvage, de la moto, du ski nautique. C’était mon quotidien, se remémore-t-elle. J’aimerais sortir, remarcher dehors. Je veux aller mieux. C’est l’espoir qui me tient. »

Dernièrement, plusieurs pistes ont été soulevées quant aux facteurs qui contribuent à la COVID longue. « Une étude parue il y a quelques semaines a clairement démontré que le virus affecte les mitochondries, qui créent l’énergie dans notre corps. Ça explique probablement les problèmes au niveau inflammatoire », dit le chercheur Simon Décary.

Ce dernier s’attend d’ailleurs à voir de grandes avancées dans les essais cliniques de pharmacologie, pour d’éventuels traitements, dans les prochains mois et les prochaines années.

Près de 1000 personnes hospitalisées

La vague de COVID-19 de la rentrée se fait de plus en plus sentir dans les hôpitaux. Tout près de 1000 patients hospitalisés sont positifs et le nombre de morts a bondi depuis une semaine. Le Québec compte en ce moment 995 personnes hospitalisées avec la COVID-19. De ce nombre, seulement 19 se trouvent aux soins intensifs. Depuis une semaine, près de la moitié des personnes positives ont été admises en raison de leur infection à la COVID-19 (48 %). La province observe aussi une forte hausse des morts. Le Québec rapporte 43 décès depuis une semaine, soit 6 par jour en moyenne. C’est nettement plus que la semaine précédente, où 26 décès ont été enregistrés, soit moins de 4 par jour. Comme depuis le début de la pandémie, les décès se concentrent chez les aînés, particulièrement dans le groupe des 80 ans et plus. La vague de COVID-19 touche d’ailleurs l’ensemble de la province, où le taux de positivité continue à augmenter rapidement.

Pierre-André Normandin, La Presse