Aux Fêtes, nous sommes allés à New York.

Avant les Fêtes, après la réservation de l’hôtel, ma blonde m’a demandé :

« On y va en avion ? »

Je l’ai regardée comme si elle avait acheté des pailles en plastique.

« Ben quoi ?

— Ben quoi ? La planète, voilà quoi. On va y aller en char. »

Nous sommes donc allés à NYC en char, en char électrique, parce que j’ai fait le virage vert ces derniers mois. Je fais ce que je peux pour notre Mère la Terre.

Je dois dire que c’est formidable, un char électrique. Pour la même mensualité que mon ancien modèle à essence (je loue), j’ai à peu près le même véhicule, sauf que je ne verse plus 200 $ par mois (je roule surtout en ville) à Shell, Petro-Canada, Ultramar, Esso ou autres mamelles de l’oligopole dont nous sommes les prisonniers.

Formidable pour mes besoins, je le précise. Si vous avez une blonde à Ottawa ou un chum à Québec et que vous allez les visiter chaque week-end, l’histoire est différente. Si vous travaillez sur la route, c’est tout aussi différent.

New York, par temps clair, sans trop s’arrêter (et ma blonde n’est pas une arrêteuse, comme elle le dit dans son patois saguenéen), c’est généralement six heures, six heures et demie de route, avec un véhicule à essence.

Mais j’ai fait le virage vert, je vous le rappelle : disons que ça nous a pris pas mal plus de temps. À Lacolle, j’étais déjà passé de 100 % à 60 % d’autonomie. Je savais que nous devions traverser le no man’s land du nord de l’État de New York, mais monsieur Google indiquait une borne près de Lake George…

Nous étions à 20 % d’autonomie en arrivant à la station Sunoco. Comme je disais : la voiture a grosso merdo 200 km d’autonomie, en hiver. Le Sunoco était une station-service classique : des pompes à essence sous une structure qui protège de la pluie et de la neige. Rentre ta VISA dans la fente, pompe l’essence, iglou-iglou, et quatre minutes après, paf, t’es reparti, à moins d’avoir envie de chips, vendues au dépanneur adjacent.

Les trois bornes électriques, elles, étaient au bout du stationnement. Deux voitures étaient en recharge. Pour payer, il fallait escalader un banc de neige parce que l’espace autour des bornes n’était pas déneigé. Pas de structure anti-pluie-neige.

Pendant 10 minutes, rien à faire : la machine refusait ma carte de crédit. Ou alors elle me disait de commencer à recharger le véhicule…

Et ça ne chargeait pas.

Je commençais à m’impatienter (c’est mon seul défaut, je suis impatient), en équilibre précaire dans le banc de neige durcie quand une dame qui chargeait sa voiture m’a avisé :

« Ça vous prend l’application !

— Ah, OK, merci… »

Je télécharge donc l’application de Shell, j’y verse 20 $ US et j’essaie encore de payer ma recharge…

Marche pas.

Ça a fini par fonctionner… Avec ma carte de crédit !

Toutes les recharges du reste du voyage ont été à l’avenant : compliquées. Parfois, ma carte de crédit était acceptée, mais le courant ne passait pas. Remonte dans l’auto, change de borne : la carte est refusée. Remets le pistolet électrique dans le chargeur, recommence avec la même carte de crédit…

Et là, mystérieusement, ça marche !

Bref, le mot « aléatoire » vient à l’esprit pour décrire l’efficacité des bornes de recharge électrique rencontrées dans les États de New York et du New Jersey.

Tenez, un exemple…

Je finis d’installer le pistolet dans le flanc du char et nous nous apprêtons à aller nous restaurer dans ce haut lieu de la gastronomie américaine du nom de Chipotle quand je constate que le jeune homme stationné à côté de nous regarde le terminal de paiement de sa borne avec l’air interloqué d’un écolier qui découvre les merveilles de l’algèbre.

Il tient sa carte de crédit dans le vide, la colle contre le terminal…

Recommence.

Et recommence encore. Et encore.

Je comprenais sa frustration : la borne refusait d’alimenter son véhicule. J’ai essayé de l’aider, sans succès. J’ai dit au gars : écoute, on s’en va manger, tu prendras ma borne quand je vais partir, si tu n’y arrives pas…

À notre retour, 40 minutes plus tard, le jeune homme essayait encore de lancer l’opération de recharge de sa Nissan : ça ne marchait toujours pas. Le pauvre, il n’avait plus l’air d’avoir perdu son combat contre l’algèbre, non : il avait l’air d’un enfant qui vient de voir son chien se faire frapper par le camion du laitier.

« OK, prends ma borne, ça va marcher… »

Mais ça ne fonctionnait pas davantage. La machine refusait de prendre le paiement avec une carte de crédit qu’il venait pourtant d’utiliser dans le dépanneur.

J’ai donc tenté de payer pour lui avec ma carte de crédit, la même que je venais d’utiliser sur la même borne pour ma voiture, en me disant : « Même borne, même carte, c’est sûr que ça va marcher… »

Nope, marchait pas.

Un type est arrivé dans un pick-up électrique flambant neuf, un Rivian, et il a tenté de nous aider… Sans succès : « Les terminaux sont très pointilleux », a opiné le propriétaire du Rivian en commençant à recharger son véhicule sans problème dans la borne qui avait frustré le gars de la Nissan.

Le propriétaire de la Nissan s’en est allé, son chien était mort, il espérait avoir assez d’autonomie pour se rendre à une autre borne, à quelques kilomètres de là…

Score des courses : par temps clair, sans intempéries, nous avons mis 10 heures pour aller à New York, neuf pour en revenir. Même sans les caprices des bornes, il faut quand même compter 30, 40 minutes de recharge tous les 200 kilomètres, selon les véhicules.

Je vous raconte tout ça au cas où, en ces jours de Salon du char, vous étiez en train de jongler avec l’idée de passer à l’électrique. C’est formidable, le char électrique, mais pas pour tout le monde et pas dans toutes les situations.

Pour les longs trajets, je fais le constat que le char électrique est parfait pour une chose…

Travailler sa patience.