Imaginez si, aux dernières élections, un parti avait promis ceci : « Citoyens, citoyennes, fini le travail, on va vous payer à ne rien faire. Entrepreneuses, entrepreneurs, fermez vos commerces, on va les subventionner. Peace and love ! La société est à boutte, on va lui donner un break. Tout le monde va vivre sur le bras du gouvernement ! Avec le Parti En sabbatique, on tire la plogue ! Faites du pain et aimez-vous ! »

Oh que tous les observateurs auraient déchiqueté ce programme en mille morceaux. Irréaliste ! Utopique ! Hippie ! Les économistes auraient tous juré que l’État ne pouvait financer de telles mesures et qu’il courrait à sa perte. Bref, le Parti En sabbatique aurait été la risée des médias.

Eh bien, c’est pourtant ce qu’on a vécu. C’est cet agenda qui fut le nôtre. L’État a tout pris en charge, même les besoins de Fido. Durant la pandémie, l’argent n’était pas un problème. Le fédéral et le provincial en dépensaient allègrement. À côté d’eux, Kim Kardashian avait l’air de Donalda. Je n’ai toujours pas compris d’où venait tout ce cash. Comment ça se fait qu’en février 2020, on en n’avait pas assez pour réparer nos écoles, et que soudainement, en mars 2020, les milliards sortaient de tous bords, tous côtés ? Cela dit, nos écoles ne sont toujours pas réparées. Ça ne fait qu’épaissir le mystère.

J’étais convaincu que les finances du Québec en auraient pour des décennies à se remettre des coûts pharaoniques de la pandémie. Ben non, y paraît que ça va ben, toi !? On vient à peine de serrer nos masques qu’on peut aussitôt desserrer notre ceinture. En matière économique, je suis loin d’être un Gérald Fillion, mais il semble évident que, lorsque le gouvernement a vraiment besoin d’argent, il en trouve.

On a toujours cru que le manque de bidous était responsable de tous nos maux récurrents.

Pourquoi tout le monde n’a pas de médecin de famille ? C’est une question de cash.

Pourquoi tous les enfants n’ont pas de place dans les garderies ? C’est une question de cash.

Pourquoi tout le monde n’a pas accès à un logement ? C’est une question de cash.

Pourquoi on ne réussit pas à réduire le temps d’attente aux urgences ? C’est une question de cash.

Pourquoi les routes du Québec sont-elles dans un état lamentable ? C’est une question de cash.

Pourquoi on ne réussit pas à diminuer la violence dans nos rues ? C’est une question de cash.

Pourquoi le Québec n’est pas plus vert ? C’est une question de cash.

C’est faux ! Ce n’est pas une question de cash. C’est une question de volonté et de savoir-faire. Comprenez-moi bien, je ne mets pas en doute la bonne foi de tous les partis qui se sont succédé au pouvoir. Bien sûr, tous voulaient régler les grands dossiers. Mais il y a vouloir et vouloir.

Ces problèmes sont tellement gigantesques que ça prend une volonté encore plus immense pour les régler. Le manque de cash est une excuse pour masquer le manque de détermination et de solutions. Tous les abandons causés par le manque d’ambition sont, au bout du compte, beaucoup plus onéreux. Le savoir-faire naît du vouloir-faire.

Durant la pandémie, nos dirigeants avaient l’adrénaline dans le tapis. Ils étaient en mode solution. Ça opérait. Pas dans tous les domaines, bien sûr. Dans ceux qui leur semblaient prioritaires, aucun obstacle ne leur résistait. La question, ce n’était pas combien, c’était pour quand ? Et la réponse, c’était maintenant.

La pandémie est finie, ou pas. En tout cas, ça s’est calmé, on entend plus parler de la mycose des ongles que d’Omicron.

On ne ressent plus le sentiment d’urgence. La fin ne justifie plus les moyens. Il n’y a plus qu’une seule préoccupation. Il y en a huit millions.

La campagne électorale débute dimanche. Je sais, on dirait qu’elle est commencée depuis un mois, mais c’était juste l’échauffement. Demain, ça part en grand ! Tous les partis vont promettre un médecin de famille pour tous, une place dans les garderies pour tous les enfants, un logement pour tous, moins d’attente dans les urgences, de belles routes, moins de violence, un Québec plus vert et tout le reste. Aucun d’entre eux ne réussira tout ça. Selon l’enjeu le plus important pour vous, choisissez le parti qui semble le plus motivé à s’y attaquer.

C’est à ça que ça sert, une campagne électorale : repérer celles et ceux qui partagent nos rêves et nos réalités. Durant les prochaines semaines, tous les partis vont prétendre que tous les sujets leurs tiennent à cœur. C’est impossible. Ils disent ça parce qu’ils ne veulent pas perdre le moindre vote. De tous les engagements qu’ils vont prendre, seuls ceux à la base même de leur engagement politique auront toute leur attention, s’ils sont élus.

Bref, on va parler surtout d’argent durant le prochain mois. Ça se comprend. Pour chaque promesse, on voudra, comme toujours, savoir combien. Mais ce qu’il importe encore plus de connaître, pour chaque promesse, c’est la solidité de celui qui la tient.

Bonne campagne !