Nous sommes très heureux d’accueillir dans nos pages l’ancien maire de Gatineau Maxime Pedneaud-Jobin. Titulaire d’une maîtrise en développement régional, il a su se distinguer par son leadership sur la scène municipale. Auteur de Passer de la ville à la cité, il s’intéresse tout particulièrement aux questions municipales, à l’avenir des régions et aux enjeux nationalistes et identitaires. – François Cardinal, éditeur adjoint

Je serai dorénavant collaborateur à La Presse. C’est tout un changement.

J’ai passé les 15 dernières années, dans mon Outaouais natal, à faire ce qu’on pourrait appeler de l’action collective. Cet engagement a commencé par ma participation à la relance de la Laiterie de l’Outaouais. L’industrie du lait, comme bien d’autres, faisait l’objet d’une centralisation à outrance et ma région a lancé avec succès un immense « C’est assez ! ».

J’ai ensuite participé à la fondation de Projet Gatineau, un groupe de réflexion sur la politique municipale. Des observateurs accusaient Gatineau de manquer de vision et, plutôt que de critiquer à son tour, un groupe de citoyennes et de citoyens a décidé de se mobiliser pour proposer sa propre vision d’avenir. Entre-temps, je suis devenu conseiller municipal et la mobilisation de Projet Gatineau a mené à la création du premier parti politique municipal gatinois, puis à la rédaction d’un programme que j’ai tenté de mettre en place durant mes huit années à la mairie de la quatrième ville du Québec.

J’écris donc maintenant dans un quotidien… et j’en suis le premier étonné. Il y a dans les médias une certaine cacophonie d’opinions et une vitesse d’exécution qui ne m’attirent guère. Il y a aussi bon nombre d’anciens politiciens, d’anciennes politiciennes qui y prennent déjà beaucoup de place. Alors pourquoi ce choix ?

D’abord parce que j’aime profondément le Québec et que La Presse est un des véhicules les plus puissants pour qui veut contribuer à le bâtir en exprimant des idées. Camille Laurin aimait à répéter que ce n’est pas l’argent qui mène le monde, mais les idées. Véronique Côté, dans le superbe essai intitulé La vie habitable, exprimait la même chose avec un peu plus de poésie : « Notre parole est peut-être l’instrument le plus puissant dont nous disposions, l’outil le plus créatif, la munition la plus menaçante. Bien utilisée, elle peut tout. » Pour bien l’utiliser, je tenterai de parler au nous, non pas le nous de majesté, mais ce nous collectif québécois encore fragile, encore à définir, qui peut générer tant de force.

Je veux aussi contribuer à expliquer le monde municipal, à le faire connaître, même à le vanter un peu. Paradoxalement, alors que notre avenir se construit localement, c’est le palier politique qui est le plus négligé. Je suis convaincu que c’est dans notre intérêt à tous de mieux le comprendre et de le consolider.

Finalement, les médias me donnent souvent l’impression de parler d’un Québec qui n’est pas le mien. Il y a une montréalisation, parfois même une américanisation, des débats publics que je veux contribuer à diluer par une réflexion qui part de toute notre réalité, de notre histoire, de nos défis à nous. Vaste programme !

Mais je tenterai surtout de partager avec vous des propositions de solutions à nos problèmes collectifs, des nuances utiles à nos débats et, peut-être avant tout, mon enthousiasme pour l’action collective.

Mais j’ai une petite crainte.

Un des plus grands bonheurs politiques qui vient avec le poste de maire ou de mairesse est que le nom de notre ville est l’étiquette première qui nous définit. J’avais beau être un maire souverainiste dans un Gatineau fédéraliste, les fédéralistes étaient ouverts à ce que j’avais à dire parce que j’étais maire de leur ville. La maladie des étiquettes me fait donc peur, car elle limite la capacité d’être écouté, elle tue le dialogue. Pour paraphraser Jean-Patrick Manchette, un écrivain français, je dirais que les étiquettes de droite ou de gauche, identitaire ou pas, progressiste ou conservateur, etc., sont trop souvent « les deux mâchoires du même piège à cons ». On étiquette l’autre, on ne le lit plus, on reste avec ses certitudes et rien ne bouge. J’espère qu’il restera dans l’inévitable étiquette dont je serai un jour affublé un peu de ce préjugé favorable, un peu de cette écoute dont bénéficient les maires et les mairesses.

La Presse me donne la chance de m’adresser à une grande partie de ma nation. Je lui en suis profondément reconnaissant et je tenterai de faire bon usage de cette tribune. À lundi !

Écrivez à notre collaboration