La campagne municipale, à Montréal, a été riche en rebondissements, en échanges musclés, en attaques, en promesses, en débats et en points de presse.

Il faut reconnaître une chose, les candidats ont travaillé très fort. Mes collègues qui ont suivi cette course seront d’accord avec moi : c’était impressionnant de voir cela.

Alors que nous sommes aux derniers mètres qui nous séparent du fil d’arrivée, voici quelques moments forts que je retiens de cette longue et épuisante campagne.

La chasse au scandale

Au début du mois de juin, à quelques heures d’intervalle, Denis Coderre et Valérie Plante ont été pris en défaut pour des raisons différentes : le premier avec un téléphone à la main en voiture, la seconde sur une terrasse en compagnie de quatre personnes n’habitant pas à la même adresse (alors que le règlement à ce moment-là permettait un maximum de deux personnes vivant à des adresses différentes). Si Denis Coderre a tardé à fournir des explications, Valérie Plante a immédiatement reconnu son erreur. Il faut retenir de ces « mini-scandales » que les photos ont été prises par des citoyens. Les deux candidats, s’ils en doutaient encore, ont appris que les personnalités publiques sont aujourd’hui traquées partout et en tout temps. Le Québec s’est toujours tenu loin du phénomène des paparazzis. Il se rattrape aujourd’hui d’une autre façon.

Le placard déborde

Toute bonne campagne électorale comporte son lot de squelettes que les médias, le public ou les parties adverses aiment brandir. Au terme de cette campagne, on a du mal à refermer la porte du placard tellement il est rempli. Si Ali Nestor (présenté comme un conseiller spécial de Denis Coderre), Joe Ortona et Dan Kraft ont été invités à quitter le navire d’Ensemble Montréal, le chef a toutefois défendu Antoine Richard et Dimitra Kostarides. De son côté, Valérie Plante a dû affronter la tempête quand a éclaté l’affaire Will Prosper. Elle a aussi perdu un fidèle conseiller, Craig Sauvé, en fin de parcours. Après tout cela, il y a lieu de s’interroger sur les processus de vérification des antécédents des candidats. Mais aussi sur la façon dont les gens qui s’engagent sur la voie de la politique municipale perçoivent ce qui est correct et ce qui ne l’est pas.

Répétition d’un scénario

Il sera intéressant de comparer les derniers sondages avec les résultats qu’obtiendront les candidats dimanche. Mais de façon générale, il est fascinant de voir que nous avons assisté au même scénario qu’en 2017. Partie loin derrière Denis Coderre en juin dernier (il y avait un écart de 16 points de pourcentage), Valérie Plante a effectué une remontée qui l’a placée au coude-à-coude avec son adversaire à la fin de septembre. On peut évidemment croire que les raisons qui expliquent ces deux remontées sont fort différentes. Mais voilà un formidable sujet pour les chercheurs universitaires.

Le mariage raté

La fusion des partis Ralliement pour Montréal et Mouvement Montréal, au début d’octobre, a été l’une des grandes surprises de cette campagne. La conférence de presse qui a marqué l’union de Balarama Holness et Marc-Antoine Desjardins avait tout pour laisser croire qu’une troisième voix (qui a cruellement manqué à cette campagne) se dessinait. Mais l’entente ratée sur la question du statut bilingue pour Montréal (prôné par Holness) a mené tout droit à une déconfiture. Il y a quelques jours, Marc-Antoine Desjardins a publié un message sur Facebook qui ne laisse planer aucun doute sur la manière dont celui qu’il qualifie de « monumenteur » l’a complètement berné. De son côté, Holness a recherché une visibilité auprès des médias durant toute la campagne. Il a au moins atteint cet objectif.

Je débats, tu débats, ils débattent…

La campagne qui s’achève a engendré un nombre record de débats. Une douzaine de rencontres ont réuni les principaux candidats, Valérie Plante et Denis Coderre, et, parfois, Balarama Holness. Ce « match revanche » avait évidemment tout pour séduire le public et rassasier les médias. Alors, pourquoi se priver de tels duels ? Le trop grand nombre de débats a toutefois fini par user les candidats qui répétaient inlassablement les mêmes choses. Quant aux électeurs, ils ont tiré peu de choses valables de ces échanges souvent composés de « Et vous, que ferez-vous ? » Vivement une réflexion sur la manière de contrôler ces trop nombreuses invitations.

Régis et Valérie

Quelle étonnante (et touchante) déclaration de la part du maire de Québec, Régis Labeaume, qui ne s’est pas gêné pour qualifier Valérie Plante d’« amie » alors qu’il s’apprête à tirer sa révérence. Rappelons que la mairesse de Montréal lui avait apporté son aide dans le projet de tramway à Québec (la mairesse avait consenti à ce que l’enveloppe de 800 millions réservée à Montréal par le fédéral soit transférée à Québec). « Au début, Valérie était très méfiante parce que Denis [Coderre] disait toujours qu’on couchait ensemble quasiment », a confié Régis Labeaume à mon collègue Gabriel Béland. « Cette femme-là, ce qu’elle a fait, elle l’a fait avec bon cœur et équité. Moi, je n’oublierai jamais ça. » Bon prince, ce Régis Labeaume !

***

Nous voilà donc enfin à l’étape du vote.

Il est difficile de prévoir le taux de participation de cette élection. Le week-end dernier, lors du vote par anticipation, il a été de 13 %, ce qui n’est pas mal du tout. Mais les citoyens avaient deux jours pour voter et disposaient d’un plus grand nombre de bureaux de vote que d’habitude.

Ça serait extraordinaire de dépasser les maigres 42 % de participation des dernières élections.

Mais après plusieurs mois de campagne, les citoyens de la plus grande ville du Québec se retrouvent dans une curieuse situation : ils sont en face de deux candidats vedettes qui ont des idées, somme toute, très ressemblantes.

À part la politique du logement, où les candidats ont des objectifs différents, ils proposent des mesures quasi jumelles. Manifestement, chacun des deux candidats a voulu stratégiquement jouer sur le terrain de l’autre.

Cela oblige les citoyens que nous sommes à faire un choix basé… sur la personnalité des candidats.

En ce sens, cette campagne électorale est résolument de son époque.

N.B. – On annonce du beau temps tout le week-end. Alors, trottez jusqu’à votre bureau de vote. On se reparle de tout cela lundi !