Si les turbulences sont un phénomène relativement fréquent en aviation, elles provoquent rarement des accidents comme celui du vol de Singapore Airlines dans lequel un passager est mort et 104 autres ont été blessés, mardi. L’enseignant en régulation de vol au Centre de formation en transport de Charlesbourg (CFTC) Pierre Gauthier a répondu à nos questions sur les turbulences pour mieux comprendre ce phénomène atmosphérique.

Comment se produisent les turbulences ?

Les turbulences peuvent être associées à un courant-jet. C’est une accumulation de particules d’air qui va se faire à haute altitude, à la jonction entre de l’air froid et de l’air chaud. Là où les deux masses d’air se rencontrent, le vent peut monter jusqu’à plus de 300 km/h.

Cela peut déstabiliser grandement les appareils qui volent à proximité. Quand on croise perpendiculairement un courant-jet, ça peut causer une augmentation ou une diminution soudaine et instantanée de la vitesse d’un avion.

Est-ce qu’il y a des zones géographiques ou des périodes de l’année où l’on en voit plus que d’autres ?

Pendant les changements de saison, quand on passe de l’été à l’hiver ou vice-versa, on observe beaucoup plus souvent des courants-jets très forts qui vont survoler les régions entre le 30e et le 60e parallèle.

Les turbulences peuvent aussi être causées par des reliefs montagneux à proximité, comme les Rocheuses ou la cordillère des Andes. Ces chaînes de montagnes vont produire un peu le même effet que des roches à la surface de l’eau dans une rivière : les vents vont frapper ces chaînes de montagnes et créer des courants ascendants et descendants très puissants qui vont, à l’occasion, causer de très fortes turbulences.

Peut-on les prévoir ou les éviter ?

On a des outils qui nous aident à prévoir les zones où il pourrait y avoir des turbulences. On peut faire des prévisions jusqu’à 24 heures à l’avance, mais ce n’est pas infaillible. Un simple nuage peut avoir un effet sur le réchauffement du sol qui va, à son tour, réchauffer l’atmosphère. Et ça peut influencer les couches de l’atmosphère sur plusieurs milliers de pieds.

Il y a aussi les turbulences qui sont associées aux orages. Les orages, c’est comme une cheminée d’air chaud qui monte en altitude. Donc on enseigne aux pilotes et aux régulateurs de vol la nécessité de planifier les vols en dehors de ces grandes cheminées que sont les cumulonimbus. Mais malheureusement, il se peut qu’à l’occasion, on ait mal évalué la proximité de ces grandes cellules orageuses, et ça peut causer des turbulences.

Avec les changements climatiques, s’attend-on à voir plus de turbulences qu’auparavant ? Ou d’une plus forte intensité ?

Les changements climatiques amènent des masses d’air tropicales à monter vers les latitudes nord, donc il y a plus de chances que l’affrontement de ces masses d’air cause des turbulences plus intenses.

On voit aussi de plus en plus de secteurs qui sont touchés par des perturbations atmosphériques qu’on ne voyait pas il y a encore 10 ou 15 ans. Par exemple, dans la région de Kuujjuaq, il n’y avait pratiquement pas d’orages auparavant. Maintenant on en voit, qui peuvent atteindre 35 ou 40 000 pieds. Je ne suis pas météorologue, mais il y a fort à parier que c’est dû aux changements climatiques.

Où ressent-on le plus les turbulences dans l’avion ?

Si les gens ne sont pas attachés lors de fortes turbulences, ils peuvent se cogner la tête contre le plafond et se blesser.

Dans un avion, l’endroit le plus confortable, c’est le cockpit, mais il n’est pas accessible à tout le monde. Je dirais qu’au niveau des ailes ou devant, c’est préférable.

La queue de l’avion, c’est là où l’amplitude des mouvements est la plus grande. C’est un peu comme un effet de levier : plus on est loin du pivot, plus les effets prennent de l’amplitude.