Des employés des nouveaux lieux de retour de contenants consignés sont chargés de transporter et manipuler eux-mêmes d’importantes sommes d’argent, ce qui leur fait courir un « risque énorme », en plus de provoquer des pannes des appareils remboursant la consigne aux usagers, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

Les employés des nouveaux lieux de retour de contenants consignés doivent transporter et manipuler d’importantes sommes d’argent.

Cette situation leur fait courir un « risque énorme », selon le Syndicat national des convoyeurs de fonds.

Les pannes d’appareils distribuant l’argent de la consigne aux usagers seraient liées à cette situation en raison de la qualité des billets utilisés.

Des dizaines de milliers de dollars ont été remboursés à des usagers ayant rapporté leurs contenants consignés au lieu de retour de Granby, depuis son ouverture, le 11 avril, dont une grande partie en espèces sonnantes et trébuchantes.

Mais l’Association québécoise de récupération des contenants de boissons (AQRCB), organisme créé par les embouteilleurs pour gérer le système de consigne, n’a pas retenu les services d’une firme de transport d’argent, reconnaît-elle, si bien que ce sont ses employés qui doivent s’en charger.

Et le remplissage du distributeur d’argent se fait pendant les heures d’ouverture, sans la présence d’agents de sécurité, a raconté à La Presse une personne ayant été témoin de la scène.

« Je ne commenterai pas », a répondu Maryse Taupier, directrice principale de l’exploitation du réseau à l’AQRCB, aux questions de La Presse.

« Ça fait partie des ajustements sur lesquels on travaille », s’est-elle contenté d’ajouter.

« Risque énorme »

Ces pratiques laissent « sans mot » Loïc Blanchard, président du Syndicat national des convoyeurs de fonds, principal syndicat du secteur au Québec comptant plus de 1000 membres.

« Le risque pris par ces employés-là est énorme », ainsi que pour toute autre personne présente dans le lieu de retour quand des sommes sont manipulées, a-t-il déclaré à La Presse.

Il semble y avoir « un vide au niveau de la procédure », estime M. Blanchard, expliquant que les professionnels du transport de fonds suivent, par exemple, un protocole particulier lors du remplissage d’un guichet automatique, estimant que cette vulnérabilité parviendra inévitablement aux oreilles de personnes mal intentionnées.

Ça fait assez longtemps que j’œuvre dans le domaine pour savoir que tout finit par se savoir par le bouche-à-oreille.

Loïc Blanchard, président du Syndicat national des convoyeurs de fonds

Le syndicaliste observe une recrudescence des actions criminelles visant le transport d’argent dans le contexte inflationniste actuel.

Son syndicat milite d’ailleurs pour améliorer la réglementation concernant le transport d’argent pour qu’il y ait un meilleur encadrement des pratiques, notamment dans les entreprises qui n’ont pas recours aux services de firmes spécialisées.

Il n’existe pas de montant à partir duquel le recours à une entreprise spécialisée est obligatoire ou recommandé, explique Finn Makela, professeur spécialisé en droit du travail à l’Université de Sherbrooke.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Il n’existe pas de montant à partir duquel le recours à une entreprise spécialisée est obligatoire ou recommandé.

En revanche, « à partir de 20 salariés, une entreprise est obligée d’avoir un comité de santé-sécurité et ce genre de sujet peut y être abordé », même si les employés ne sont pas syndiqués, explique-t-il.

Pannes de distributrice

Le transport d’argent par des employés de l’AQRCB serait aussi lié aux pannes ayant paralysé la distributrice d’argent du lieu de retour de Granby, où le seuil de 500 000 contenants retournés a été atteint lundi, 12 jours après l’ouverture.

À 10 cents par contenant, ce volume représente une somme de 50 000 $ en consigne à rembourser, mais la distributrice n’a pas suivi le rythme, étant tantôt vide, tantôt bloquée, ont rapporté des usagers qui ont été invités à revenir un autre jour pour être remboursés.

« Il y a effectivement des ajustements qu’on doit apporter à l’équipement », a déclaré Maryse Taupier, niant que le problème soit lié au transport d’argent par des employés et refusant de donner plus de détails sur le nombre de pannes et leur nature, « par respect pour les équipementiers ».

Or, l’appareil fabriqué par Tomra a bloqué en raison de la « mauvaise qualité » des billets de banque qui y ont été placés par l’AQRCB, a déclaré à La Presse le directeur général pour le Canada de la multinationale norvégienne, Alain Nault.

Les appareils distribuant de l’argent doivent être alimentés avec des billets dits dans le jargon bancaire « de qualité guichet », qui ne sont pas froissés, pliés ou abîmés.

Ce type de billets, que les transporteurs spécialisés distribuent, peuvent aussi être demandés par une entreprise directement dans une institution bancaire, mais ce n’est pas ce qui a été fait par l’AQRCB, a expliqué M. Nault.

« 99 % du problème est relié à ça », selon M. Nault, qui précise que la distribution de pièces de monnaie n’est pas touchée par le problème.

« Ensuite, le manque d’argent dans l’appareil, ça n’a rien à voir avec nous », a-t-il ajouté.

Ouverture d’un lieu de retour rue Beaubien

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Un deuxième lieu de retour destiné aux contenants consignés a ouvert ses portes vendredi, cette fois rue Beaubien, à Montréal.

Un deuxième lieu de retour destiné aux contenants consignés a ouvert ses portes vendredi, cette fois rue Beaubien, à Montréal. L’endroit n’est pas accessible aux personnes à mobilité réduite, en dépit des directives de Recyc-Québec, mais une rampe donnant accès à l’arrière-boutique sera aménagée « dans les prochaines semaines », assure Maryse Taupier, de l’AQRCB. L’organisme, qui veut établir un réseau de 200 lieux de retour du genre d’ici le 1er mars 2025, ne veut pas dévoiler les prochaines ouvertures « pour ne pas bousculer les opérations », mais affirme que 75 % des locaux requis ont été déterminés. « Tous les voyants sont au vert », assure Mme Taupier.