Les incendies de forêt ont rasé un nombre record d’hectares en 2023 et cette année, la « saison des feux » connaît un début particulièrement hâtif au Québec. Une situation « préoccupante », qui ne présage pas pour autant des mois à venir, mais qui devrait à tout le moins inciter à une très grande vigilance.

Ce qu’il faut savoir

  • La saison des incendies de forêt connaît un début hâtif en raison des faibles précipitations et du temps chaud des dernières semaines.
  • Déjà, la SOPFEU a recensé 20 brasiers, alors que la moyenne des 10 dernières années à pareille date était de 4.
  • Les conditions printanières sont propices à la formation d’incendies de forêt, et la vigilance est de mise, selon des experts.
  • Lors de l’année 2023, les brasiers qui ont fait rage au Québec ont rasé pas moins de 4 300 000 hectares de forêt, fracassant « tous les records ».

« Je m’attendais à un début hâtif, laisse tomber Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). On a un déficit de neige au sol presque partout au Québec et des températures anormalement chaudes. »

Le mois de mars, par exemple, a été « exceptionnellement chaud, beaucoup plus qu’à l’habitude », et l’hiver durant, les précipitations ont été plutôt faibles. Ces facteurs météo combinés, avance l’expert, sont particulièrement propices à la prolifération des incendies de forêt.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Niveau de danger d’incendie au Québec, en date du 9 avril

Tant et si bien que la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a prévenu mardi que le danger d’incendie variait d’« élevé » à « extrême » dans une bonne partie du sud du Québec et au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Déjà, l’organisation a recensé 20 brasiers, alors que la moyenne des 10 années précédentes à pareille date était de 4.

En raison du caractère prématuré de la « saison des feux » – celle-ci débute dès que fond la neige accumulée au sol –, la SOPFEU a également devancé l’ouverture de certaines stations de surveillance, notamment dans le sud de la province.

Lisez l’article « Incendies de forêt : la SOPFEU aux aguets plus tôt que jamais »

Stéphane Caron, porte-parole de la SOPFEU, constate lui aussi que le début de la saison est « certainement hâtif », mais il souligne que les incendies qui surviennent à cette période de l’année sont généralement d’une ampleur très modeste, bien souvent de « moins d’un hectare ». Pour preuve, les 20 incendies déjà répertoriés n’ont touché que 18,6 hectares de forêt.

Les premiers brasiers, dit M. Caron, ont été recensés cette année à la mi-mars : « C’est rare, mais ce n’est pas inédit, c’est une situation qui s’est déjà vue par le passé. » Du reste, le nombre élevé d’incendies tombe sous le sens, selon lui, puisqu’une « saison qui débute plus tôt va nécessairement entraîner un nombre de feux plus grand ».

Mais un tel cas de figure ne « présuppose » pas d’un scénario catastrophe. « C’est significatif, mais on n’est pas dans une hécatombe, dit-il. […] Ce sont surtout les précipitations qui vont tomber dans les prochaines semaines qui vont donner le tempo pour le reste de la saison. »

Le printemps, une saison « propice »

Bien souvent, les gens pensent qu’au printemps, le risque d’incendies de forêt est faible, voire nul. Pourtant, affirme M. Caron, il s’agit d’une saison « propice » à leur prolifération. Quand le couvert de neige s’efface, il laisse derrière lui des végétaux hautement inflammables. Couplé à l’insouciance de certains, « qui brûlent leurs rebuts ou jettent des mégots de cigarette », il y a un « réel danger ».

Philippe Gachon, de l’UQAM, estime lui aussi que la prudence est de mise. « Les épines et les herbes fraîches sont restées sous la neige pendant l’hiver, mais [au printemps], ça devient un combustible extrêmement inflammable. » « Au moindre orage, au moindre éclair », un incendie risque de se déclarer. M. Gachon estime également que les incendies « d’origine anthropique » – ceux causés par l’activité humaine – peuvent être « très problématiques, surtout en ce début de saison ».

L’année dernière, les brasiers qui ont fait rage au Québec ont rasé pas moins de 4 300 000 hectares de forêt, « un record de tous les temps jamais enregistré » dans la province, selon la SOPFEU. Une superficie supérieure, même, à la somme de celle des 20 dernières années. Seulement au chapitre des brasiers « de grande envergure », le Québec en a connu 48 en 2023, soit 30 fois plus que la moyenne.

À l’échelle du pays, quelque 18 500 000 hectares ont été incendiés, un chiffre nettement plus élevé que dans les 40 dernières années. Une « année de tous les records », en somme, où les sols durement touchés ne sont pas encore remis, et où la sécheresse demeure, « particulièrement dans le nord du Québec », selon Philippe Gachon. Même si l’exercice des prévisions météo à long terme est périlleux, dit-il, il ne voit pas « poindre pour les prochains mois un refroidissement ».

L’expert ne se veut pas alarmiste, mais il constate que la saison actuelle débute plus tôt encore que celle de l’année dernière et que le « contexte de réchauffement » est plus important qu’il ne l’était. « C’est préoccupant, et la SOPFEU a raison d’être vigilante. Il faut être vigilant. »