Après Rimouski, Alma et La Malbaie, des centaines de tracteurs ont défilé en convoi dans les rues de Saint-Jean-sur-Richelieu vendredi. Au cœur du ras-le-bol des agriculteurs : la difficulté à joindre les deux bouts, l’ampleur de la paperasse exigée par le gouvernement et la concurrence avec les produits de l’étranger qui ne sont pas soumis aux mêmes normes sociales et environnementales.

« On en a plein notre casque », a lancé Jérémie Letellier, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie lors d’un discours.

« Ce qu’il se passe ici à Saint-Jean-sur-Richelieu, ce n’est pas une finalité, c’est un commencement. Les manifestations comme aujourd’hui, il va y en avoir partout sur le territoire au cours des prochaines semaines […] Et si, malgré tout, on n’est pas capables de se faire comprendre au cours des prochaines semaines, on va monter à Québec pour se faire comprendre », a-t-il prévenu.

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

  • PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Cette manifestation survient une semaine après que le premier ministre du Québec, François Legault, a admis qu’il y avait actuellement une « crise » en agriculture.

L’année 2023 a été très difficile pour les agriculteurs : l’industrie du porc traverse une tempête sans précédent, les producteurs maraîchers peinent à se relever des inondations survenues dans leurs champs et les producteurs de foin de l’Abitibi ont été affligés par une sécheresse.

Malgré des indemnisations historiques en assurance récolte, des associations de producteurs estiment que leurs membres ont reçu des sommes très en deçà de leurs pertes réelles.

La hausse des taux d’intérêt et celle du prix des intrants comme les engrais ou les carburants font aussi mal aux producteurs.

« On semble rendus à un point où si le gouvernement nous entend, il ne semble pas nous comprendre », a déploré Stéphanie Levasseur, deuxième vice-présidente de l’UPA.

« Même les gens au gouvernement mangent trois fois par jour et ils semblent souvent oublier que c’est grâce à nous. On a besoin d’un environnement d’affaires qui nous permet de nous développer, d’être résilients et de nous adapter aux changements climatiques. Tout ça sans qu’on ait besoin de passer 40 heures par semaine dans le bureau à remplir de la paperasse en plus de nos tâches dans le champ », a-t-elle ajouté.

« Conversation nationale »

Plusieurs politiciens ont pris part au rassemblement qui a suivi le défilé de tracteurs. La vice-première ministre Geneviève Guilbault est montée sur scène pour s’adresser au parterre de producteurs. Elle a souligné avoir annulé à la dernière minute une annonce prévue dans la région pour assister au rassemblement.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, et la députée d’Iberville, Audrey Bogemans, ont discuté avec des agriculteurs présents à la manifestation.

« La mobilisation qui s’organise ici, aujourd’hui, et qui s’est faite dans d’autres régions dans les autres semaines, on la salue. On comprend tout à fait qu’on a besoin d’avoir ce que j’appellerais une conversation nationale sur ce domaine-là, qui, oui, est un secteur économique, mais qui est un secteur littéralement identitaire pour nous au Québec. L’autonomie alimentaire, le secteur agricole, ça nous renvoie à notre identité comme nation, ça nous renvoie à notre terroir, donc c’est important pour nous d’être ici, de venir écouter », a-t-elle expliqué en mêlée de presse.

Le co-porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois et le député libéral André Fortin ont aussi pris le micro.

Dans la foule, plusieurs agriculteurs sondés ont dit avoir du mal à digérer que leurs revenus baissent alors que les grandes enseignes font des profits record. D’autres ont dit s’inquiéter pour l’avenir de la relève.

« Mon garçon étudie en agriculture et [les établissements d’enseignement] ont de la misère à avoir des inscriptions. Les jeunes sont découragés par la lourdeur bureaucratique et par le métier qui devient de moins en moins attrayant sur les plans économique et social », a expliqué le producteur Werner Van Hyfte.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Werner Van Hyfte (à droite) et son fils Denis

« Quand tu vois ton père qui ne s’en sort pas, ça ne te tente pas de continuer là-dedans, quand c’est des journées qui ne finissent plus tous les jours sans arrêt. Ça ne te tente pas de reprendre la ferme et d’aller t’investir là-dedans pour en fin de ligne avoir un gagne-pain qui n’en vaut pas la peine », a ajouté son fils Denis.

« Ça devient une vocation, c’est sûr qu’on ne le fait pas pour l’argent », a renchéri son père.

L’histoire jusqu’ici

Décembre 2023 : Environ un millier de producteurs agricoles manifestent devant l’hôtel du Parlement à Québec afin de réclamer un soutien gouvernemental accru.

Mars 2024 : Début mars, des agriculteurs inquiets du Bas-Saint-Laurent défilent en tracteur dans les rues de Rimouski. Le 15 mars, un autre convoi de tracteurs défile le long de la route 138 dans Charlevoix. Le 27 mars, c’est au tour des agriculteurs d’Alma de manifester.

28 mars 2024 : Le premier ministre François Legault déclare qu’il y a « une crise en agriculture présentement » tout en admettant que les normes imposées aux producteurs québécois sont plus strictes qu’ailleurs.