La dernière balade dans le bois de Christian Vézina avec son chien, Jazz, s’est terminée de la pire des façons lorsque l’animal a été tué par un piège installé dans un bois fréquenté par plusieurs promeneurs à Sainte-Anne-des-Lacs, dans les Laurentides. L’œuvre d’un braconnier qui « doit répondre de ses actes », affirme-t-il.

Christian Vézina avait l’habitude d’aller marcher dans le bois, derrière chez lui, avec son chien Jazz, un caniche âgé de deux ans et demi. C’est ce qu’il a fait, samedi dernier, profitant d’une belle journée de printemps pour une autre balade dans la nature, où il croise à l’occasion des voisins promenant leurs chiens. Des familles avec des enfants habitent aussi à proximité.

Le terrain en question appartient à une communauté religieuse, explique M. Vézina en entrevue avec La Presse. On y retrouve le camp Olier, un camp de vacances pour des jeunes de 8 à 16 ans fondé en 1954. Les propriétaires acceptaient qu’on s’y promène, précise-t-il, ajoutant qu’il y avait des pancartes sur lesquelles il est écrit « Merci aux propriétaires » ou encore « Soyez respectueux des lieux ».

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Jazz n’était pas un chien facile, indique-t-il, mentionnant que les caniches ont la réputation d’être têtus. « On a mis beaucoup d’efforts pour le dresser, et ce jour-là, justement, voyant qu’il revenait vers moi chaque fois que je l’appelais, je me suis dit : calvasse, on dirait bien qu’on commence à l’avoir… »

Samedi dernier, Christian Vézina se tenait près du lac Côme-Lalande, où il observait les bernaches, quand il a entendu un drôle de bruit, suivi d’un cri. Le cri de son chien Jazz qui venait de se prendre la tête dans un piège, probablement destiné à un castor. Sur sa page Facebook, l’homme de 65 ans a écrit qu’il ne décrirait pas la scène à laquelle il a assisté, trop difficile à raconter. « Un bruit, un cri. Atroces. Je ne décrirai pas. Mais je vivrai, à partir de cet instant-là, parmi les pires moments de toute mon existence. Je ne les souhaite à personne. Personne. Jamais. Jazz a la tête dans un piège. Le cou brisé. »

« Horreur absolue »

Au téléphone, la voix brisée par l’émotion, M. Vézina n’a pas voulu en dire plus, mais il a qualifié le piège qui a tué son chien d’« horreur absolue ». « Si c’était moi qui avais mis un pied dessus, c’est clair que je n’aurais plus de jambe aujourd’hui. » Le piège était installé tout près d’un sentier autour du lac, à moins de 200 pieds de la route, précise-t-il. « Il n’y avait rien, aucune pancarte pour nous prévenir qu’on avait installé un piège là. »

Pour Christian Vézina, il est clair que le piège a été installé par un braconnier, qui cherchait à capturer un castor. Il dit avoir vérifié auprès des propriétaires, qui n’étaient pas informés qu’un tel piège avait été installé sur leur terrain.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE CHRISTIAN VÉZINA

Christian Vézina

Dans un courriel transmis à La Presse, la directrice générale du camp Olier, Anne Dupuis, a précisé que des administrateurs et des bénévoles du camp, propriétaires de chiens, « ont toujours pu profiter des nombreux sentiers du camp, et ce, en toute sécurité. Nous sommes bouleversés d’entendre qu’un tel incident a pu survenir sur notre terrain ». Le terrain sera fermé jusqu’à avis contraire, précise-t-elle.

Christian Vézina a porté plainte à la police et au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, mais on lui a laissé entendre qu’il serait difficile d’attraper le responsable avec aussi peu d’informations.

Présence de castors

Dans un message publié sur son site web, le 24 novembre dernier, la municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs indiquait par ailleurs avoir reçu plusieurs appels concernant la présence de castors sur son territoire. « Dans les cas extrêmes et si les efforts de cohabitation ne sont pas suffisants, vous devez contacter un trappeur détenteur d’un permis de piégeage professionnel qui vous guidera dans vos démarches », précise-t-on.

Or, la période pour le piégeage au Québec est présentement terminée, explique Gaétan Fournier, directeur général de la Fédération des trappeurs gestionnaires du Québec. « On peut piéger légalement entre le 15 octobre et le 15 mars. La seule exception, ce sont les cas urgents ou les problèmes majeurs où on peut procéder sans permis. »

Dans tous les cas, il est prévu d’installer des pancartes pour informer le public, mentionne-t-il. « Pour le castor, on utilise très souvent un piège létal et non une cage. On recommande aussi le piégeage sous-marin, pour éviter justement des accidents comme celui que vous me décrivez. Il y a aussi des techniques pour éviter ce genre de situation, comme ne pas mettre de leurre qui pourrait attirer un chien », signale Gaétan Fournier.

Si la façon dont son chien a été tué laisse croire qu’il a pu être attiré par un appât, Christian Vézina avoue qu’il n’en a aucune idée. Il reconnaît être en état de choc, d’une certaine façon, depuis le tragique accident. « Avec deux autres personnes, ça nous a pris 15 minutes pour sortir la tête de Jazz de ce piège. Il était déjà mort, évidemment. »

« Beau grand fou tout en cœur, grande joie bondissante… Merci d’avoir sauvé ma jambe et ma vieillesse », conclut-il.