(Ottawa) Il y a eu l’Expo de Montréal en 1967 et l’Expo de Vancouver en 1986 – deux évènements marquants qui ont braqué les projecteurs sur le pays pendant au moins six mois. Mais le Canada ne caresse plus l’ambition d’accueillir la planète ainsi, du moins jusqu’à nouvel ordre, pour des raisons budgétaires. Ce faisant, il fait bande à part.

Le gouvernement Trudeau a en effet renoncé à l’idée de réintégrer le Bureau international des expositions (BIE) l’automne dernier, étape nécessaire afin de soumettre éventuellement la candidature d’une ville canadienne pour accueillir cet évènement international. La raison invoquée ? C’est une question d’argent, révèle un document obtenu par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

« Aucun financement n’a été accordé pour établir la politique à long terme ou pour payer les frais d’adhésion du Canada au BIE. À la lumière du contexte budgétaire actuel, le Ministère ne dispose pas des fonds à l’interne pour payer ces frais. Par conséquent, aucun groupe n’a été établi et les frais d’adhésion n’ont pas été payés », peut-on lire dans une note d’information rédigée à l’intention du sous-ministre des Affaires étrangères.

Dans le cadre de la lutte contre le déficit menée par le gouvernement Harper après la crise financière de 2008-2009, le Canada s’est retiré du BIE en 2012. À l’époque, les frais annuels pour être membre du BIE s’élevaient à 25 000 $. Le montant de l’adhésion n’est donc pas très élevé. Il est calculé proportionnellement aux sommes versées par les États aux Nations unies.

Cette décision avait semé la consternation à Toronto, où le conseil municipal avait l’intention de soumettre la candidature de la Ville Reine pour accueillir l’Expo de 2025.

Aujourd’hui, 183 pays sont membres du BIE. Le Canada est aujourd’hui le seul pays du G7 qui n’est pas membre de cette organisation.

En 1967, l’Expo de Montréal, qui coïncidait avec le centenaire de la Confédération, avait comme thème « Terre des Hommes » et comptait 90 pavillons. L’évènement a attiré plus de 50 millions de visiteurs en six mois. L’Expo de Vancouver, en 1986, avait comme thème « Un monde en mouvement – un monde en contact », et a vu quelque 20 millions de personnes visiter les 65 pavillons.

PHOTO FOURNIE PAR LE MONDE DES SCIENCES DE VANCOUVER, ARCHIVES LA PRESSE

Quelque 20 millions de personnes ont visité les 65 pavillons de l’Expo de Vancouver, en 1986.

« En tant que non-membre du BIE, le Canada continue de pouvoir participer aux expositions. Nous avons participé officiellement à Dubaï 2020 et nous participerons à la prochaine Expo 2025 à Osaka. Une participation future au BIE dépendra des priorités de la politique étrangère du Canada pour les années à venir », a indiqué Marilyne Guèvremont, porte-parole d’Affaires mondiales Canada, dans un courriel à La Presse.

« Mini-scène diplomatique »

Que le Canada brille par son absence du BIE est tout à fait déplorable, estime Romain Lecler, professeur au département de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et expert en la matière.

D’autant que presque tous les États du monde sont désormais représentés au sein de l’organisation et à l’assemblée générale.

C’est un lieu où il est possible de conduire de la diplomatie justement parce que les enjeux sont plutôt techniques. Le BIE peut jouer le rôle d’un forum de réconciliation, de rencontre et de discussion entre États rivaux ou ennemis par exemple, sur une scène beaucoup moins visible que l’ONU.

Romain Lecler, professeur au département de science politique de l’UQAM

Il a aussi rappelé l’historique du BIE, qui était à sa fondation en 1928 une petite organisation internationale, fondée entre les deux grandes guerres, avant la multiplication des organisations relevant du système onusien après 1945.

PHOTO KARIM SAHIB, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Canada a participé officiellement à l’Expo Dubaï 2020.

« Paradoxalement, le retrait du Canada s’est fait au moment même où le BIE est devenu véritablement une organisation internationale universelle, en passant d’une cinquantaine d’États membres à plus de 180 en deux décennies. En 2012, le Canada s’est retiré en même temps que les États-Unis, mais les États-Unis sont revenus très rapidement en 2017. L’Australie avait aussi mis fin à son adhésion et n’est pas revenue », a affirmé M. Lecler.

« Le signal est paradoxal au moment où on reproche à d’autres organisations internationales, notamment onusiennes, de ne pas faire assez de place aux pays émergents. En fait, il n’y a presque aucun État qui ne soit plus membre du BIE et le Canada fait désormais figure d’exception. Ne pas être au BIE, cela veut dire ne pas participer aux discussions et au vote sur le choix des villes qui vont accueillir les prochaines expositions. Mais c’est aussi s’exclure de cette mini-scène diplomatique et s’empêcher éventuellement de critiquer certains choix comme celui de l’Arabie saoudite », a-t-il aussi souligné.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse