En attendant d’être complètement reconstruit, le centre de réadaptation du Mont Saint-Antoine fera l’objet d’une « mise à niveau » majeure : le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal y consacrera le quart de son budget d’immobilisation, soit 15 millions, au cours des deux prochaines années.

La Presse a été invitée par la direction du CIUSSS à venir visiter l’établissement, qui a fait l’objet de nombreux reportages depuis près d’un an. Les médias ont diffusé plusieurs images de toits qui coulaient, de champignons qui poussaient à l’intérieur des murs, de dommages causés par l’infiltration d’eau. Une enquête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a été déclenchée en décembre. De plus, un état des lieux réalisé par le ministère de la Santé, rendu public au début de mars, attribuait la cote E – la pire – à sept des huit bâtiments du Mont Saint-Antoine, qui date de 1965.

Or, ces images ne reflètent pas la situation actuelle dans le centre de réadaptation, insiste la directrice de la protection de la jeunesse, Assunta Gallo.

« Oui, il y a eu des déluges. Mais il y a beaucoup de choses qui ont été faites depuis », dit Patrick Fortin, coordonnateur du site. « Quand je lis ou j’entends tout ce qui se dit sur le Mont Saint-Antoine, ça me dérange beaucoup. Il n’y a pas d’enfants en danger ici », renchérit Jason Champagne, directeur du programme jeunesse au CIUSSS.

La visite réalisée par La Presse, lors de laquelle on a arpenté la majorité des 15 unités de vie de l’immense site, montre que l’intérieur de certaines unités a été rénové, alors que d’autres attendent toujours leur cure de rajeunissement. Cependant, les « parapluies inversés », ces toiles suspendues au plafond munies d’un tuyau qui laissait l’eau s’écouler dans des seaux, sont chose du passé partout depuis environ deux mois, assure Daniel Neskovic, directeur adjoint des services techniques au CIUSSS.

  • Le Mont Saint-Antoine

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Le Mont Saint-Antoine

  • Certaines unités, comme celle qu’on voit ici, ont subi une cure de jouvence, notamment dans les cuisines et les salles de bains.

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    Certaines unités, comme celle qu’on voit ici, ont subi une cure de jouvence, notamment dans les cuisines et les salles de bains.

  • Un exemple d’une salle de bains refaite à neuf.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Un exemple d’une salle de bains refaite à neuf.

  • La salle commune de l’une des unités du Mont Saint-Antoine

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    La salle commune de l’une des unités du Mont Saint-Antoine

  • La chambre d’un jeune hébergé au Mont Saint-Antoine

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    La chambre d’un jeune hébergé au Mont Saint-Antoine

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Dans la salle de réunion de l’unité Nautilus, les intervenants ont vécu avec de tels parapluies inversés pendant plus de deux ans. Des employés du Mont Saint-Antoine nous ont indiqué que de tels dispositifs avaient parfois été installés dans des salles fréquentées par des jeunes, comme les salles de jeux et les salles de bain.

Non, ce n’était pas normal. Mais faute de remplacer la toiture, c’était la mesure d’accompagnement qu’on devait prendre. Le site est dû pour une reconstruction depuis longtemps.

Daniel Neskovic, directeur adjoint des services techniques au CIUSSS

Les travaux de toiture, qui étaient planifiés depuis des années, auraient dû en théorie être réalisés l’été dernier. Sauf que le plus bas soumissionnaire, le Groupe IBE, a si mal entamé les travaux que le CIUSSS a été contraint de résilier le contrat. « On a dû monter un dossier contre l’entrepreneur. Ç’a été six mois de bagarres et d’avocats », dit M. Neskovic.

Une entreprise de « réhabilitation majeure » se déploiera au cours des deux prochaines années, explique Daniel Neskovic. « On veut sécuriser la totalité du site pendant 15 ans. » Ensuite, espère-t-on, on obtiendra les budgets pour reconstruire complètement le site. Un plan en ce sens sera présenté au ministère de la Santé d’ici deux mois. Coût estimé : 150 millions.

Dans l’immédiat, dès le mois d’avril, on commencera à ériger un bâtiment modulaire sur le site. Il sera complété en août. Ce bâtiment accueillera, à tour de rôle, les jeunes hébergés et leurs intervenants pendant que leurs unités de vie seront complètement rénovées. On refera les toitures de toutes les unités, on révisera l’état de la brique et on dégarnira l’ensemble des murs des cuisines et des salles de bains pour les refaire en entier. À raison de trois mois par bâtiment, les travaux s’échelonneront de 2024 à 2026, tout comme ceux qui toucheront le bâtiment principal, où le toit et les systèmes de drainage seront complètement refaits.

« Patcher »

« Ce qui nous inquiète, c’est que jusqu’à maintenant, on a patché. Il y a eu de la peinture, du remplacement de tuiles, mais les toits n’ont jamais été refaits. S’il y a de grosses pluies ce printemps et cet été, qui nous dit que les parapluies inversés ne reviendront pas ? », observe Julie Houle, présidente de l’exécutif local de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, qui représente les intervenants du centre de réadaptation.

On parle de tous ces problèmes depuis l’été dernier. Et les rénovations comme telles ne commenceront qu’en août 2024…

Julie Houle, présidente de l’exécutif local de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux

De nombreux intervenants qui œuvrent au Mont Saint-Antoine ont contacté La Presse au fil des dernières semaines. Certains se sont dits « gênés » de présenter les lieux de vie aux parents qui viennent reconduire leur jeune sur place.

  • Les toiles bleues, installées sur les bâtiments au début de l’hiver pour prévenir les infiltrations d’eau, sont toujours là sur les murs de plusieurs unités.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Les toiles bleues, installées sur les bâtiments au début de l’hiver pour prévenir les infiltrations d’eau, sont toujours là sur les murs de plusieurs unités.

  • Certains des bâtiments qui hébergent les unités de vie sont clairement en piteux état. Le mortier s’effrite entre les briques. Le béton des balcons aussi.

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Certains des bâtiments qui hébergent les unités de vie sont clairement en piteux état. Le mortier s’effrite entre les briques. Le béton des balcons aussi.

  • Ces salles de bains n’ont pas été rénovées. Des intervenants nous ont dit qu’à certains moments, des douches, des lavabos et des toilettes avaient été condamnés. La direction assure que ce n’est plus le cas.

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    Ces salles de bains n’ont pas été rénovées. Des intervenants nous ont dit qu’à certains moments, des douches, des lavabos et des toilettes avaient été condamnés. La direction assure que ce n’est plus le cas.

  • Certaines unités attendent toujours les rénovations. Des intervenants nous ont indiqué que des travaux de peinture avaient eu lieu dans plusieurs endroits tout récemment.

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    Certaines unités attendent toujours les rénovations. Des intervenants nous ont indiqué que des travaux de peinture avaient eu lieu dans plusieurs endroits tout récemment.

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D’autres craignent les moisissures, qui auraient pu être causées par les infiltrations d’eau successives. « Ça fait des années que je vis des dégâts d’eau. J’ai des migraines épouvantables. Dès que je rentre dans mon unité, je commence à avoir mal à la tête », dit notamment une intervenante, qui œuvre depuis longtemps au centre de réadaptation.

« On fait régulièrement des tests de qualité de l’air, qui sont réalisés par un laboratoire externe, répond Daniel Neskovic. Il n’y a pas de spores ou de moisissures inquiétantes. » L’air est donc sain, dans toutes les unités ? « C’est ce que disent les analyses. » Cependant, il faut noter que certains espaces du bâtiment central, comme l’amphithéâtre, sont toujours condamnés à la suite des infiltrations d’eau.

De même, certains intervenants ont mentionné à La Presse que des toilettes et des douches ont été condamnées pendant de longs mois dans l’unité où ils œuvraient, ce qui compliquait sérieusement la vie des jeunes.

« Pendant plus d’un an, il n’y avait pas de salle de bains dans toutes les unités. Il y avait seulement une douche et une salle de bains, les lavabos étaient condamnés, relate une intervenante. Dans une unité avec plusieurs garçons et une seule toilette fonctionnelle, on a eu du caca sur les murs et des pipis dans des bouteilles. »

Encore là, cette situation n’a plus cours, assure Mme Gallo. Les toilettes et les douches sont presque toutes fonctionnelles ; certaines sont d’ailleurs flambant neuves.

Pourquoi autant d’intervenants contactent-ils les médias si le site est maintenant adéquat ? « Ça a commencé l’été dernier, avec les grosses pluies et les dégâts d’eau, répond Patrick Fortin. Les gens ont dit, OK, ça n’a pas d’allure. »