Des élus municipaux de la région métropolitaine craignent que l’offre de services en transport collectif soit de nouveau mise à risque en raison de l’absence d’un cadre financier prévisible dans le budget 2024 de Québec. À leurs inquiétudes s’ajoutent celles des sociétés de transport, qui déplorent le manque « d’engagement » du gouvernement.

« Les villes ne veulent pas rejouer dans le même film que l’année dernière », lance d’emblée la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui représente 82 municipalités dans le Grand Montréal, dans un communiqué publié mardi, peu après le dépôt du nouveau budget.

Depuis quelques mois déjà, les échanges entre Québec et les sociétés de transport sont pour le moins acrimonieux. L’an dernier, les discussions pour boucler les budgets des transporteurs sur l’année fiscale 2024 s’étaient terminées assez abruptement après des semaines de négociations sur la place publique.

L’aide gouvernementale finale avait alors été fixée à 265 millions, dont 238 millions pour le Grand Montréal, un montant qui avait été jugé largement insuffisant par les villes. Ce faisant, les sociétés de transport avaient été contraintes d’allouer des sommes non récurrentes pour combler le déficit qui les guettait.

Or, « ces sommes ne sont plus disponibles et ne pourront pas servir à boucler le budget 2025, ce qui rend la situation encore plus critique et pourrait mettre l’offre de services à risque », prévient la CMM, qui estime le déficit du transport collectif à 560 millions pour 2025.

Cette année encore, un nouveau choc sur le transport collectif semblait télégraphié. Dès février, le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, avait averti que le gouvernement devrait « être responsable et respecter la capacité de payer des Québécois ».

Dans le budget du gouvernement publié ce mardi, les sommes prévues sur 10 ans dans le Plan québécois des infrastructures (PQI) n’ont pas bougé pour les transports en commun, demeurant à 13,8 milliards, au même niveau que l’an dernier. La manière dont cette somme sera ventilée demeure toutefois méconnue.

Incertitudes pour la suite

En raison de la contribution « plus que floue » du gouvernement, la CMM craint encore une fois que les villes et les organismes publics de transport collectif se retrouvent « face à des choix difficiles », une partie de la facture risquant d’être refilée aux citoyens.

Il faut dire que les besoins sont immenses. À l’échelle du Québec, l’Association du transport urbain (ATUQ) a réclamé en février à Québec une aide de 622 millions pour 2025 « afin de préserver l’offre de service ». Dans le Grand Montréal, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), elle, a révélé avoir besoin d’une aide gouvernementale de 421 millions l’an prochain.

En disant craindre de devoir faire des « choix difficiles », l’ARTM a d’ailleurs dit mardi avoir convoqué la tenue d’une séance spéciale de son conseil d’administration « afin d’évaluer les différentes options ».

À la Société de transport de Montréal (STM), on affirme aussi « constater une absence d’engagement du gouvernement envers la crise du financement de l’exploitation du transport collectif ». Le transporteur regrette en somme que le gouvernement « repousse la question à plus tard ».

Questionné à ce sujet, le ministre des Finances, Eric Girard, a assuré que le gouvernement ferait connaître ses engagements financiers une fois que les audits de performance dont font l’objet les organismes publics de transport collectif seraient publiés. Ces audits, visant surtout la performance financière des sociétés, ont été lancés en février et doivent s’échelonner sur plusieurs semaines.

« Il est regrettable que le gouvernement utilise les audits de performance en cours pour repousser la question, même si nous sommes en action depuis plusieurs années sur la gestion de nos dépenses », a réagi le président du conseil d’administration de la STM, Éric Alan Caldwell.

« Peu de marge de manœuvre »

Tout cela survient alors que cette année, de nouvelles négociations auront lieu pour espérer trouver une nouvelle solution, en vue de la mise sur pied d’un cadre de financement « récurrent et prévisible » sur cinq ans dans le transport collectif.

« L’attente d’une solution durable se fait toujours attendre », a d’ailleurs noté l’ATUQ dans une déclaration, en se montrant aussi préoccupée par « la réduction de 400 millions dans le maintien des actifs ».

À Montréal, la mairesse Valérie Plante a de son côté invité Québec à mettre fin à l’« incertitude sur le financement » du transport collectif. « Nous devons établir un cadre financier stable, récurrent et pérenne », a-t-elle persisté.

Son homologue de Longueuil, Catherine Fournier, a quant à elle estimé qu’« il reste bien peu de marge de manœuvre sans qu’il y ait des répercussions sur le niveau et la qualité du service offert à la population ».

Même son de cloche du côté de Laval, où le maire Stéphane Boyer affirme qu’il en va de l’« offre de services efficaces et [de] la qualité de vie qui l’accompagne ». Le contexte financier dans lequel opère le gouvernement est « difficile », a-t-il toutefois reconnu.