Atteints du même type de cancer du poumon, les patients du Nunavik ont un taux de mortalité 60 % plus élevé que ceux habitant le sud du Québec, révèle une nouvelle étude publiée mardi dans le Journal de l’Association médicale canadienne.

Une « disparité qui ne peut être expliquée par des enjeux génétiques, sociaux ou culturels », mais bien par le manque chronique de ressources et de financement des services de santé dans le Grand Nord québécois, explique l’un des coauteurs de l’étude, le DFaiz Ahmad Khan, pneumologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Une équipe regroupant des chercheurs du CUSM, des médecins travaillant au Nunavik et des intervenants inuits a analysé une cohorte de 185  patients montréalais et de 95 patients du Nunavik qui ont été atteints d’un cancer du poumon entre 2005 et 2017 et traités au CUSM.

Parce que les services de santé offerts dans les 14 villages du Grand Nord québécois sont limités, les patients inuits traités pour un cancer du poumon doivent franchir des milliers de kilomètres pour recevoir l’ensemble de leur traitement, incluant leur diagnostic, à Montréal.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

« Le temps d’attente peut être plus long en raison d’un manque d’infirmières », pouvait-on lire sur cette affiche au Centre de santé Inuulitsivik à Puvirnituq, au Nunavik, en 2022.

Le DKhan explique qu’il existe deux grandes catégories de cancers du poumon, soit ceux à petites cellules et ceux « non à petites cellules ». Dans les deux cas, les résidants montréalais présentent un temps de survie médian bien supérieur à celui des habitants du Nunavik.

Afin de pouvoir comparer équitablement les deux cohortes de patients, les données ont été ajustées pour tenir compte de différents facteurs, dont les comorbidités. L’étude note que les résultats « ne doivent pas être interprétés pour conclure que les Inuits ont une prédisposition génétique à développer des conséquences plus graves au cancer du poumon ».

On souligne que les radiographies pulmonaires, par exemple, « ne sont disponibles que dans deux villages » et que les services de cessation tabagique du gouvernement « ne sont pas disponibles en inuktitut ».

Pneumologue responsable du programme de dépistage du cancer du poumon au CUSM et coautrice de l’étude, la Dre Nicole Ezer estime que les résultats montrent « l’importance d’agir pour assurer une équité d’accès » au dépistage dans les communautés du Nunavik. « Il est aussi important que les solutions viennent des communautés elles-mêmes », dit-elle.

Refuser des soins pour rester près de sa famille

Les auteurs soulignent que la raison expliquant pourquoi la durée de vie des patients du Nunavik atteints d’un cancer du poumon est plus courte « n’est pas claire ». Ils notent toutefois que ces patients « sont moins enclins à subir des traitements agressifs ».

« Notre expérience clinique nous montre que certains Inuits avec un cancer du poumon avancé refusent la chimiothérapie, car ils estiment que ses avantages sont contrebalancés par le lourd fardeau que représente tout le temps passé loin de leur famille et de leur communauté », est-il écrit.

Une situation « qui ne relève pas des préférences culturelles, mais bien d’une iniquité structurelle », souligne l’étude.

Alors que le taux de tabagisme est particulièrement élevé chez les Inuits et qu’ils présentent « l’un des plus forts taux de cancer du poumon au monde », il est « inacceptable que toutes les étapes du processus de diagnostic et de gestion du cancer du poumon obligent les résidants de l’Inuit Nunangat [territoire ancestral inuit] à parcourir des milliers de kilomètres », écrivent les auteurs de l’étude.

Le DKhan souligne que les données sur lesquelles se base l’étude datent de 2017. « Nous croyons que depuis la pandémie, la situation a empiré », dit-il.