(Sherbrooke) Les personnes en perte d’autonomie vivant en résidence privée pour aînés (RPA) verront leur facture de soins de santé fondre. Québec lancera un programme visant à graduellement subventionner les services, dans l’espoir de mettre fin aux fermetures en série des RPA.

« La situation des RPA est extrêmement inquiétante, on le sait », a fait valoir mercredi la ministre déléguée à la Santé et responsable des Aînés, en marge du caucus présessionnel de la Coalition avenir Québec, à Sherbrooke.

« Dans les cinq dernières années, il y a plus de 500 RPA qui ont fermé au Québec », a-t-elle relaté.

La ministre réagissait à la compilation de La Presse qui révèle que 77 RPA ont changé de vocation en 2023. Cela s’est soldé par la perte de plus de 2700 places d’hébergement dans un contexte de pénurie.

Une récente étude de l’Association québécoise des retraités du secteur public et parapublic arrivait sensiblement aux mêmes chiffres, soit plus de 2500, avec des données qui chevauchaient 2022 et 2023.

La ministre Sonia Bélanger a annoncé qu’elle présentera au cours des prochains jours « une mesure plus structurante » qui viendra « pérenniser » le modèle d’affaires actuel des RPA.

« Je ne peux pas en parler parce que cette mesure-là doit être discutée au Conseil du trésor », a-t-elle dit en mêlée de presse.

Son cabinet a ensuite précisé qu’il s’agit d’un « nouveau programme » dont le financement a été prévu dans le dernier budget Girard.

Selon nos informations, le gouvernement Legault a l’intention de subventionner les RPA de catégorie 4, c’est-à-dire celles qui offrent des services d’assistance personnelle et des soins infirmiers à une clientèle en perte d’autonomie fonctionnelle physique ou cognitive.

Québec établira une gamme de soins et de services qui seront entièrement payés par l’État ainsi qu’une grille nationale d’allocation qui viendra uniformiser le coût des services à travers la province. C’est une demande de longue date des RPA alors que des disparités sont constatées sur le territoire.

Le programme est graduel. On débutera avec les plus petites RPA, pour ensuite l’étendre à d’autres catégories.

Cette mesure permettra de donner de l’air à la fois aux résidants et aux propriétaires.

La Presse rapportait mercredi que l’industrie a atteint « un point de rupture » avec la hausse du coût de la vie et l’augmentation des taux d’intérêt. La pénurie de main-d’œuvre vient également exercer une pression qui a fait bondir le coût des soins de santé offerts en RPA.

« Les coûts nécessaires pour donner les services dépassent les revenus qu’elles génèrent », déplorait le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) dans la cadre de notre reportage. Au fil des ans, des RPA ont d’ailleurs abandonné leur offre de soins de santé dans ce contexte.

Un million d’heures additionnelles

De façon plus précise, le nouveau programme du gouvernement prévoit la révision du « mécanisme d’allocation directe » des RPA. Dans le dernier budget, des sommes de 200 millions sur cinq ans ont été réservées pour procéder aux changements.

On écrit dans le plan budgétaire 2023-2024 que la mesure permettra notamment « le financement de plus de 1 million d’heures de services en RPA par année pour les résidants en perte d’autonomie ».

Il est déjà acquis que ces sommes seront insuffisantes pour couvrir l’ensemble des besoins. Des sommes supplémentaires pourraient être engagées dans les prochaines années.

Pour l’heure, un établissement de santé peut conclure une entente avec une RPA et « acheter » des services de santé, qui seront offerts à un résidant. Les services sont alors déterminés par le CISSS ou le CIUSSS après l’évaluation du niveau d’autonomie de l’aîné.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE

Le PDG du Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA), Marc Fortin

Or, cette façon de faire est dénoncée par le milieu des RPA. « Les CIUSSS n’avaient pas de budget et niaisaient les RPA en essayant de [prolonger les ententes] pour faire du cheap labor et ne pas acheter de soins », souligne le président-directeur général du RQRA, Marc Fortin. Il cite par exemple le cas d’aînés dont l’état de santé se détériore et qui ont besoin de soins additionnels.

Le nouveau programme du gouvernement ratissera beaucoup plus large et viendra élargir le service pour éviter ce genre de situations, nous a-t-on indiqué mercredi.

Dans le dernier budget, il est d’ailleurs écrit que « les améliorations apportées permettront aux RPA d’avoir une source de revenu stable et prévisible pour la prestation des services offerts aux aînés ».

« Les intentions sont bonnes au Ministère », reconnaît M. Fortin.

« On va les passer aux CIUSSS et c’est là qu’on va avoir des ajustements à faire. Normalement [les résidants] devraient voir leur facture baisser ou devraient voir au moins leurs soins être [subventionnés], ce qui n’était pas le cas avant », ajoute-t-il.

Les usagers du soutien à domicile pourraient avoir à payer

À la suggestion de la commissaire à la santé et au bien-être, la ministre Sonia Bélanger examinera la recommandation d’imposer une contribution financière aux usagers qui bénéficient de services de soutien à domicile en fonction de leurs moyens. Cela voudrait dire qu’une personne qui reçoit du soutien à domicile pourrait payer une partie du service. « Ce n’est pas un ticket modérateur », a nuancé Mme Bélanger. « On va regarder cette mesure-là comme l’ensemble des mesures. […] Mais, une chose est importante pour moi et pour le gouvernement, c’est de préserver nos services publics notamment en soutien à domicile dans un contexte de vieillissement de la population », a-t-elle ajouté. Mme Bélanger a souligné que certains usagers choisissent déjà de « s’acheter certains services », mais « que pour les personnes qui n’ont pas les moyens, c’est important que le gouvernement soit présent ». La commissaire Joanne Castonguay a livré mardi le tome final de sa vaste enquête sur les soins à domicile.