Le prédicateur Adil Charkaoui « a posé un geste criminel » en lançant un appel à la haine et à la violence envers les Juifs lors d’une manifestation tenue à Montréal la semaine dernière, affirme le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

Le chef bloquiste a interpellé le premier ministre Justin Trudeau à ce sujet mercredi durant la période de questions après avoir réclamé un cessez-le-feu à Gaza.

« Je vous le dis d’emblée. Ma lecture à moi, c’est criminel et ça commande une réaction qui répond à un geste criminel », a statué M. Blanchet, qui a invité le premier ministre à se prononcer sur cette question après avoir répété les propos du prédicateur à la Chambre des communes.

« Monsieur le président, les prochaines secondes vont être très difficiles. Je vais citer le prédicateur Adil Charkaoui », a dit M. Blanchet avant de reprendre les propos du prédicateur qui ont été condamnés par le premier ministre du Québec, François Legault.

Mais M. Trudeau n’a pas voulu dire si M. Charkaoui avait posé un geste criminel, comme l’invitait à le faire le chef bloquiste.

« Ces paroles sont inacceptables. Ces paroles sont antisémites. Ces paroles sont une insulte à la vie et aux espoirs de millions de personnes à travers le monde, incluant des personnes qui ont péri durant l’Holocauste à cause de leur religion juive. Nous allons toujours se tenir debout contre l’antisémitisme. Nous allons toujours être là pour promouvoir la paix et la compassion entre peuples à travers le monde », a dit M. Trudeau.

Cette réponse a laissé le chef du Bloc québécois sur sa faim. « J’ai publiquement averti le premier ministre trois heures à l’avance que j’allais poser cette question pour qu’il puisse avoir une réponse claire et précise. Est-ce que c’est criminel ou est-ce que ce n’est pas criminel. Je vous le dis d’emblée. Ma lecture à moi, c’est criminel et ça commande une réaction qui répond à un geste criminel », a-t-il dit.

Prudent, M. Trudeau a répondu « qu’il y a des personnes qui disent des choses inacceptables à travers le monde y compris ici au Canada. » Il a par la suite conclu en disant le dépôt d’accusations criminelles, « ça c’est la police et le service des poursuites pénales qui vont prendre les décisions. Je compte sur eux pour prendre les bonnes décisions ».

Plus tôt en journée, le ministre des Transports et lieutenant politique de Justin Trudeau au Québec, Pablo Rodriguez, a joint sa voix à ceux qui ont condamné les propos d’Adil Charkaoui. « Ça n’a aucune place dans notre société. C’est un discours haineux et dangereux », a-t-il dit sur un ton sans appel avant la réunion hebdomadaire du caucus libéral.

Charkaoui se défend

Adil Charkaoui s’est quant à lui défendu, mercredi en matinée, d’avoir fait un appel à la haine et à la violence envers les Juifs. Il s’agissait en fait d’un appel à Dieu et jamais il n’a prononcé le mot « Juif », a-t-il expliqué dans une vidéo diffusée en direct sur un réseau social.

« C’est vrai. J’ai appelé Dieu, j’ai prié Dieu. J’ai le droit de le faire en tant qu’imam, en tant que musulman pour que Gaza soit débarrassé de ses agresseurs », a fait savoir le personnage controversé dans une vidéo où il était impossible de lui poser des questions.

C’est que le 31 octobre, Adil Charkaoui a pris la parole lors d’une manifestation propalestinienne. « Allah, charge-toi de ces agresseurs sionistes. Allah, charge-toi des ennemis du peuple de Gaza. Allah, recense-les tous, puis extermine-les. Et n’épargne aucun d’entre eux ! », a-t-il imploré en arabe au micro, suscitant des « amen » parmi la foule.

Il n’y a pas eu le mot « juif » qui a été prononcé ni dans mon discours ni dans ma prière.

Adil Charkaoui

Le premier ministre François Legault n’a pas hésité à qualifier les propos de l’imam d’incitation à la haine et à la violence, mardi. « Je compte sur les policiers pour faire leur travail. […] Ce n’est pas moi à leur dire comment faire leur travail, mais inciter à la violence, ce n’est pas permis », a-t-il dit en mêlée de presse.

Poursuite en diffamation

Dans sa vidéo diffusée sur Facebook, Adil Charkaoui a indiqué qu’il compte poursuivre en diffamation le Centre des affaires israéliennes et juives (CIJA), car l’organisme a relayé la vidéo de la prière et a déclaré que l’imam y tient des propos haineux et incitant à la haine. Le chef religieux a assuré que sa prière était tirée d’un texte religieux et qu’elle ne comportait ni haine ni d’appel à la violence. « J’invoquais Allah pour arrêter le génocide », a-t-il plaidé.

Adil Charkaoui veut aussi déposer une plainte au Conseil de presse contre la chroniqueuse Isabelle Hachey, de La Presse, puisqu’elle a « détourné » ses propos dans un texte sur son discours controversé, mardi.

Rappelons qu’Adil Charkaoui a un long parcours médiatique et judiciaire au Québec : il a été soupçonné d’être un membre d’Al-Qaïda en 2003. Il a été détenu 21 mois et a dû porter un bracelet électronique pendant plusieurs années. En 2015, des jeunes qui fréquentaient sa mosquée et ses cours au Collège de Maisonneuve ont aussi rejoint les rangs du djihad, en Syrie.

Le 7 octobre, il s’est réjoui du massacre perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël en partageant une vidéo de jeunes fuyant le festival de musique Supernova, dans le désert. « Les colons ont fui comme des rats », s’est-il félicité dans une publication qui est toujours disponible sur le réseau X.

Avec Joël-Denis Bellavance, La Presse