La valeur moyenne des chalets et résidences de villégiature a bondi de 73 % en 10 ans au Québec, tandis que le nombre de propriétés du genre a chuté de 11 %, montrent des données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) compilées par La Presse.

« La ruée des propriétés récréatives tire à sa fin », avait prédit le réseau de courtage immobilier Royal LePage à la fin mars, en annonçant que le Québec serait la province la plus durement touchée, avec une baisse de prix de 8 %, soit presque deux fois la moyenne canadienne (- 4,5 %).

« Force est de constater que les choses ne se passent pas exactement comme on l’avait prévu », a reconnu le courtier Éric Léger, de Royal LePage Humania, en entrevue téléphonique cette semaine.

Au lieu de dégringoler, les prix des propriétés récréatives ont plutôt continué à grimper, de 2 % par rapport à l’an dernier, estime-t-il.

La baisse de prix attendue au printemps reflétait un sondage réalisé durant les trois premières semaines de mars auprès de 202 courtiers actifs dans des régions récréatives au pays.

Auparavant, la propriété récréative était un luxe, donc, dès qu’il y avait un resserrement économique, c’était la première chose dont on se départait. Depuis la pandémie, les choses ont bien changé. L’autre chose, c’est la rareté des propriétés : il y a moins d’inventaire que prévu sur le marché.

Éric Léger, courtier, Royal LePage Humania

La demande, elle, a augmenté avec la pandémie. Des adeptes du télétravail se sont ajoutés aux baby-boomers retraités ou semi-retraités pour qui habiter dans une région récréative était « un rêve » de longue date.

« Aussi longtemps que l’offre de propriétés n’augmentera pas de façon significative, je crois qu’on va rester pas mal stable en matière de prix. »

Des régions plus touchées

Depuis 2014, la valeur imposable moyenne uniformisée* des chalets et résidences secondaires a explosé, passant de 101 225 $ à 175 023 $, un bond de 73 %, montrent les données de l’ISQ. Dans les 10 régions les plus effervescentes, on enregistre des hausses de 100 % à 200 %.

Sans surprise, ce palmarès inclut des MRC de l’Estrie, dont, en troisième position, Brome-Missisquoi (+ 151 %), qui englobe des municipalités comme Sutton et Bromont.

« Ça fait plus d’un an que la région de Bromont, entre autres, a des statistiques en dehors de l’échelle de Richter », confirme M. Léger.

Ce palmarès inclut aussi des régions de la Montérégie, dont, en première position, la MRC Les Jardins-de-Napierville (+ 207 %).

Dans cette MRC très agricole, « tous les terrains constructibles en zone non urbaine ont vu leur prix exploser », explique Norbert Legros, évaluateur agréé à la Fédération québécoise des municipalités (FQM). À Saint-Édouard, « des terrains qui s’étaient vendus à 10 000 $ trois à quatre ans auparavant se vendaient [désormais] 100 000 $ à 120 000 $ », témoigne M. Legros.

« Ce n’est pas seulement dans Jardins-de-Napierville, c’est dans l’ensemble du Québec. On voit la tendance partout ! »

De Brossard, il faut seulement 15 à 20 minutes pour se rendre à Saint-Édouard, souligne-t-il. « On l’a vu un peu partout depuis quelques années : les propriétés dans les secteurs autres que les villages ont commencé à se vendre plus cher. »

Même au Témiscamingue

La préfète de la MRC de Témiscamingue, Claire Bolduc, n’était pas surprise de voir son territoire sur la deuxième marche du podium, avec une hausse de la valeur moyenne des chalets de 158 % depuis 10 ans.

De Montréal, et encore plus de Québec, les gens nous trouvent loin. Mais on est à quatre heures de Toronto. Pour les populations très fortunées de Toronto et de Barrie, tout près de Toronto, le Témiscamingue est un lieu de villégiature de premier choix.

Claire Bolduc, préfète de la MRC de Témiscamingue

L’absence de canicule et le « milieu naturel très riche » avec ses « 7500 lacs et rivières » sont attractifs, et les terrains au bord de l’eau y sont moins chers qu’en Ontario, où ils sont devenus inabordables.

« Les gens se promènent et font des propositions sur des propriétés dont ils souhaiteraient se porter acquéreurs », même si celles-ci ne sont pas à vendre, témoigne la préfète. Elle cite le cas d’une maison de Saint-Édouard-de-Fabre, située dans un rang mais dont le terrain donnait sur un lac, qui est ainsi devenue une résidence de villégiature il y a quelques années.

Le risque d’embourgeoisement a même été un sujet de discussion dans un lac-à-l’épaule des élus de la MRC.

« Tant mieux pour ceux qui vendent [leur propriété], on ne peut pas condamner ni critiquer, mais une fois qu’on a dit ça, comment fait-on, tout le monde ensemble, pour que localement, les gens continuent à avoir accès à leur milieu de vie ? », soulève Mme Bolduc.

Où sont passés les chalets ?

La province compte presque 17 000 chalets et résidences de villégiature de moins qu’il y a 10 ans. Une tendance à contre-courant alors que le nombre de résidences unifamiliales, de condos et de multiplex, lui, a augmenté. En fait, les résidences secondaires n’ont pas disparu du paysage, mais changé de catégorie.

« Si vous avez un chalet qui devient une résidence permanente et qu’il est dans un secteur de résidences, il va devenir résidence et non chalet », résume l’évaluateur Norbert Legros.

« C’est ce qu’on vit énormément ces temps-ci », observe le président de la FQM, Jacques Demers. Préfet de la MRC de Memphrémagog et maire de Sainte-Catherine-de-Hatley, en Estrie, il voit des propriétaires de « résidences secondaires plus magnifiques, plus grandes [que leur résidence principale] et sur le bord d’un lac » décider d’y habiter à temps plein.

Dans sa MRC, où plus de la moitié des municipalités sont en train de refaire leur rôle, « les évaluations jouent entre 60 % et 80 % d’augmentation, c’est énorme ».

Une richesse foncière accrue représente une « force collective » pour une municipalité. Elle peut toutefois provoquer des débats, lorsque les propriétaires de résidences secondaires se retrouvent à fournir une plus grande part de revenus de taxation. « Quand on décide de construire une salle communautaire, une patinoire ou des investissements du genre, ils disent : “On aimerait mieux ne pas payer pour ça” », illustre le président de la FQM.

Des municipalités ont donc modifié le financement de certains services, comme la police, en les soustrayant de la taxation générale pour les facturer plutôt « par porte ». Chaque propriétaire paie alors le même prix pour ce service, peu importe la valeur de sa résidence.

« Quand il vient à y avoir des écarts très importants entre, disons, des bords de lac et d’autres résidences, il y a toutes sortes de formules. Il y a des municipalités qui ont des recettes différentes. »

* Les valeurs foncières uniformisées d’une municipalité pour un exercice financier donné reflètent les valeurs établies à son rôle d’évaluation multipliées par un facteur comparatif déterminé pour cet exercice. Source : compilation de l’Institut de la statistique du Québec, à partir de données du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (sommaires du rôle d’évaluation foncière des municipalités).

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