(Québec) Des militants pro-israéliens ont manifesté jeudi à proximité de l’Université McGill, où campent des étudiants propalestiniens depuis près d’une semaine. Un campement « illégal », a déclaré le premier ministre François Legault, qui a demandé à la police de déloger les manifestants.

Des dizaines de policiers à cheval et à vélo tenaient à distance les deux camps, qui scandaient leurs slogans dans une cacophonie ambiante.

D’un côté, des drapeaux israéliens et des chants en hébreu. De l’autre, des tambours et des keffiehs en abondance.

« On ne va pas les laisser nous déranger, a plaidé une manifestante propalestinienne, croisée à l’entrée du campement. On ne va rien engager. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Elle faisait allusion à la centaine de manifestants pro-israéliens, plantés sur le trottoir devant l’Université McGill. Derrière eux, un écran géant projetait en boucle un documentaire sur l’attaque du 7 octobre du Hamas.

« On veut que la direction dénonce la haine envers les Juifs. On est en train de vivre les pires cas d’antisémitisme », a affirmé Michael Eshaik, qui étudie à l’Université Concordia.

Plus loin, Jamie Fabian prenait le micro sous des slogans revendicateurs.

« La communauté juive a investi dans cette université. C’est le temps d’appliquer les politiques et de protéger les étudiants de l’antisémitisme. », a scandé l’étudiant en droit à l’Université McGill.

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D’autres manifestants ont plaidé pour le démantèlement du campement. « C’est le temps de défaire le campement. Le premier ministre Legault l’a dit », a estimé une femme qui n’a pas voulu se nommer.

Un campement « illégal »

Quelques heures plus tôt, le premier ministre François Legault avait effectivement demandé au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) de déloger les manifestants qui campent sur le terrain de l’université depuis près d’une semaine.

Le campement est « illégal » dans la mesure où il est installé sur les terrains de l’université sans autorisation, a-t-il plaidé à la sortie de la période des questions à l’Assemblée nationale.

« La loi doit être respectée. Moi, je m’attends à ce que les policiers défassent ces campements-là, qui sont illégaux. Et c’est ce que McGill a demandé », a-t-il affirmé à la sortie de la période des questions à l’Assemblée nationale.

Il a répondu par l’affirmative lorsqu’on l’a questionné pour savoir s’il s’agit d’une « demande » qu’il fait au SPVM.

« Je vais laisser quand même les policiers décider comment et quand ils font ça. Mais les campements doivent être démantelés », a-t-il dit.

« Nous sommes tous inquiets de ce qui arrive à Gaza. Je peux comprendre. Les gens peuvent exprimer leur position dans une manifestation. C’est permis et légal. Mais ils ne peuvent avoir un campement sur le site d’une université », a-t-il ajouté.

Appelée à réagir, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ne semblait pas partager la même vision.

« La priorité de notre administration et du SPVM en ce moment, c’est de protéger les droits fondamentaux de notre société, d’assurer la sécurité de tous et d’éviter une escalade de tension comme on observe aux États-Unis », a-t-elle déclaré.

Dans un communiqué, jeudi, le SPVM s’est contenté de souligner la décision de la Cour supérieure de refuser la demande d’injonction déposée par deux étudiants de McGill, qui demandaient notamment le démantèlement du campement. « Nous demeurons à l’affût de l’évolution de la situation, en maintenant la communication avec l’Université McGill et les manifestants », pouvait-on lire.

Un campement fortifié

De nouvelles barricades ont été installées autour du campement propalestinien devant la menace d’un démantèlement imminent.

Palettes de bois, tables de pique-nique : le campement a été considérablement fortifié depuis la veille, a constaté La Presse.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

« Je pense que les étudiants ont tout à fait le droit de protester », a plaidé Vanessa Barbiero, qui soutient la cause palestinienne.

« Ça fait sept mois que je regarde des enfants mourir sur mon téléphone », a laissé tomber la jeune mère.

Répondant à un appel lancé à la dernière minute sur les réseaux sociaux, des centaines de personnes ont afflué vers le campement. Parmi elles, des professeurs, de jeunes familles, des étudiants juifs et arabes…

« Nous ne sommes pas d’accord avec le génocide en cours », a dénoncé Marc. De confession juive, le jeune père manifestait en famille.

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« Je trouve ça important d’être ici », a souligné sa conjointe Zoya, qui reprochait à la direction de l’université d’« attiser les tensions ».

Devant l’absence d’une résolution, l’administration a lancé mercredi un dernier appel à quitter le campement.

« Le campement doit être démantelé rapidement, et ce n’est pas négociable », a prévenu le président et vice-chancelier, Deep Saini, dans un courriel adressé aux étudiants.

Il promettait la mise sur pied d’un « forum » de discussion avec les manifestants s’ils quittaient « immédiatement » le campement.

Loin de partir, les manifestants ont appelé le public à venir porter de la corde, des sacs de couchage et des palettes de bois.

« Nous n’arrêterons pas tant qu’on n’aura pas répondu à nos demandes », a plaidé Alia, un porte-voix dans les mains.

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Selon l’étudiante, il s’agit d’une « tactique » employée par la direction pour déloger les manifestants. « Nous avons demandé une date précise [pour le forum], qui ne nous a pas été communiquée », a-t-elle soutenu.