Taux horaires inférieurs au salaire minimum, non-respect des règles entourant les congés et les heures travaillées, la CNESST réclame plus de 370 000 $ supplémentaires à Finex, un manufacturier de fibrociment de Salaberry-de-Valleyfield, au nom de trois travailleurs étrangers temporaires. L’employeur nie les allégations en bloc et les causes iront devant les tribunaux.

Ces réclamations s’ajoutent à celles de 33 000 $ d’un autre travailleur, dont La Presse a fait état l’été dernier. Elles portent toutes sur des taux horaires de 10 $, bien inférieurs au salaire minimum, et sur le non-respect des règles entourant les congés, les vacances et les heures travaillées.

Ces quatre travailleurs avaient un permis de travail fermé, lié à l’entreprise Finex. À la mi-août, La Presse a rapporté qu’ils avaient dénoncé ce qu’ils qualifient de « traitement abusif ».

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Deux d’entre eux, Juan Barahona Madrid, 29 ans, et son frère Carlos, 39 ans, sont du Honduras. Les deux autres, David Davalos, 35 ans, et Daniel Morales, 36 ans, viennent du Mexique.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Les quatre travailleurs sont Daniel Morales, Juan Barahona Madrid, David Davalos et Carlos Barahona Madrid.

Ils affirment qu’ils devaient travailler jusqu’à 80 heures par semaine, sept jours sur sept, sans aucun jour de congé, et qu’ils étaient payés autour de 10 $ de l’heure, bien en dessous de ce qui leur avait été promis. Selon eux, l’employeur avait mis en place un stratagème qui consistait à payer le salaire convenu, avant d’exiger un remboursement d’une partie de la somme en argent comptant.

De 33 000 $ à 183 000 $

Dans ses quatre avis de réclamation, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) retient leur version, indiquant que les heures travaillées dépassaient largement les horaires fournis par Finex, et réclame au nom des travailleurs, après avoir enquêté sur leurs cas, des sommes de 33 000 $ à 183 000 $, pour un total de 404 450 $.

Ces sommes comprennent des heures travaillées, des heures supplémentaires, des jours fériés, des vacances et des frais reliés au recrutement. La première décision a été rendue le 21 juin. Les trois autres ont suivi le 5 septembre.

Il est toutefois important de mentionner qu’une réclamation de la CNESST ne constitue pas une décision exécutoire à l’encontre de l’employeur.

Le propriétaire conteste

Le propriétaire de l’entreprise, Helios Munoz, 67 ans, nie « fortement ces allégations » et conteste les réclamations.

C’est la Cour du Québec (pour les réclamations de moins de 70 000 $) ou la Cour supérieure (pour les réclamations de plus de 70 000 $) qui, ultimement, déterminera si une indemnité doit être versée, et son montant, nous a expliqué l’avocat de Finex, MJean-François Lépine.

« C’est complètement ridicule, a réagi le propriétaire, M. Munoz. Pour Juan Barahona Madrid, j’ai payé quelque chose comme 45 000 $ pour l’année 2022. Maintenant, la CNESST me réclame 170 000 $ pour lui tout seul. Ça ne tient pas debout ! Il a travaillé moins de deux ans avec nous. »

La CNESST a visité Finex le 22 février 2023, précise-t-il. « Tous les documents qu’ils m’ont demandés, les feuilles de paie, les poinçons, tout, tout, tout ce qu’ils m’ont demandé, je leur ai montré et ils sont partis avec pendant quatre mois. Malgré ça, la seule communication que j’ai eue avec eux, c’est le 22 février 2023. Ils n’ont pas écouté ma version. »

L’entreprise emploie 21 personnes, dont cinq travailleurs étrangers temporaires.

Que risque l’employeur ?

En plus de la CNESST, Immigration Canada et la Gendarmerie royale du Canada ont ouvert des enquêtes.

Si M. Munoz est jugé non conforme, ce qui signifie qu’il n’a pas respecté ses responsabilités envers ses travailleurs, il s’expose notamment à des sanctions pécuniaires de la part d’Immigration Canada. Le montant des pénalités est basé sur la taille de l’entreprise et le type de violation. Pour une entreprise de moins de 100 employés, comme Finex, les sanctions vont de 500 $ à 15 000 $.

Les employeurs ainsi sanctionnés peuvent aussi se voir interdire d’embaucher de nouveaux travailleurs étrangers pour une période déterminée ou pour toujours.

De nouveaux emplois

De leur côté, les plaignants ont trouvé un nouvel employeur.

Ils ont obtenu, le 1er août, un permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables, accordé par le fédéral à des travailleurs migrants qui sont victimes de violence ou qui risquent de l’être dans le cadre de leur emploi au Canada.

David Davalos, Juan Barahona Madrid et son frère Carlos travaillent pour Béton Brunet, à Salaberry-de-Valleyfield. Daniel Morales, lui, a trouvé un emploi dans un restaurant.

« Je suis super heureux, lance Juan. Béton Brunet nous traite bien. Nous travaillons généralement 42, 43 heures par semaine et nous pouvons passer le week-end avec nos familles. Avec ce nouvel emploi, nous avons aussi le temps d’apprendre le français, ce que nous n’avions pas avec Finex ». « Dire la vérité a changé ma vie. »

L’entreprise Finex ne doit pas être confondue avec un installateur de revêtements extérieurs de la région de Lanaudière qui porte le même nom.

En savoir plus
  • 35 215
    Nombre de travailleurs étrangers temporaires au Québec au 31 décembre 2022
    Source : Ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec