La bisbille interne au conseil de bande de Kanesatake a atteint un nouveau niveau, mercredi, après que le grand chef a fait adopter une motion de censure pour exclure cinq chefs appartenant à une faction opposée. La tension qui s’en est suivie devant l’édifice a mené à la fermeture d’une école secondaire voisine.

Le grand chef Victor Bonspille, isolé avec sa sœur jumelle Shirley Bonspille contre les cinq chefs dissidents, a fait adopter la motion par un vote tenu mardi soir, auquel moins d’une cinquantaine de membres de la communauté sur 2700 ont participé.

Il affirme que les cinq autres chefs ainsi expulsés ont « réagi en tentant d’instiguer une forme de violence ». M. Bonspille a alors renvoyé tous les employés du conseil de bande travailler à la maison et a cadenassé les portes de l’édifice, mercredi, pour que personne n’y entre.

La situation a provoqué un certain brouhaha devant l’immeuble. La Sûreté du Québec affirme s’être rendue sur place par mesure préventive, mercredi, mais n’est pas intervenue. Le territoire mohawk n’a pas plus de policiers Peacekeepers depuis la séquestration de ses agents en 2004, notamment par les frères Gary et Robert Gabriel, lors d’une crise qui a forcé l’exil de l’ancien grand chef James Gabriel, dont la maison a été incendiée.

L’ex-grand chef Serge Simon, visé par la motion de censure, affirme que la manœuvre de M. Bonspille était « tout à fait illégale ». « Ce n’était même pas un vote secret et seulement certains groupes de notre communauté ont participé », affirme-t-il.

La chicane entre les deux factions politiques n’est pas nouvelle en soi. L’ex-grand chef Serge Simon, écarté du Conseil de bande après que M. Bonspille a contesté son élection en janvier, s’est adressé à la Cour fédérale pour être réinstitué.

Depuis, les deux groupes s’affrontent ouvertement dans une querelle qui paralyse l’organe décisionnel. L’épineux enjeu du dépotoir illégal Recyclage G & R, appartenant aux frères Gabriel, et qui continue de rejeter des eaux toxiques et nauséabondes dans l’environnement selon une enquête de La Presse, est directement affecté par les hostilités. Les gouvernements fédéral et provincial veulent décontaminer le site, mais la faction de M. Simon refuse de rendre au Conseil de bande les titres de propriété du terrain appartenant aux frères Gabriel sans obtenir d’assurance écrite que des élus des membres de la communauté mohawk ne seront pas tenus responsables du désastre environnemental.

Devant l’impasse, le grand chef Bonspille a demandé à Ottawa, en juillet dernier, d’imposer un observateur tiers pour l’aider à naviguer à travers cette crise, mais cette demande de tutelle administrative prévue par la loi lui a été refusée puisque les services du Conseil de bande continuent néanmoins d’être donnés à la communauté.

Serge Simon veut maintenant lui-même tenir un vote de censure contre Victor Bonspille parce qu’il a fait cette demande de tutelle.

Selon nos informations, Ottawa a offert d’organiser une médiation en septembre entre les deux parties, mais cette solution a été refusée par certains chefs.

Le ministère des Affaires Autochtones et Nord Canada dit prendre acte des nouveaux développements, mais n’a pas voulu commenter. « Puisque le Conseil Mohawk de Kanesatake est autonome, il serait mieux positionné de répondre aux questions sur sa gouvernance », a déclaré sa porte-parole, Zarah Malik.