(Montréal) Un Canadien coincé dans la bande de Gaza affirme que les camions d’aide qui sont entrés dans l’enclave samedi, les premiers depuis le début de la dernière guerre entre Israël et le Hamas, ne feront pas grand-chose pour atténuer la crise humanitaire à laquelle les Palestiniens sont confrontés tout autour de lui.

Mahmoud Nasser, un homme de 30 ans qui a déménagé de Mississauga, en Ontario, pour s’installer dans la ville de Gaza en 2021 pour prendre soin de son père vieillissant, fait partie des habitants du territoire palestinien qui se trouvent sous les bombardements des frappes aériennes israéliennes depuis le déchaînement sanglant du Hamas dans le sud d’Israël, il y a deux semaines.

Alors qu’il se réfugie dans une maison avec 50 autres personnes dans la ville méridionale de Khan Yunès, M. Nasser a déclaré lors d’un entretien téléphonique que l’aide qui est arrivée à Gaza samedi pour la première fois depuis qu’Israël a coupé la région de la nourriture, de l’eau et de l’électricité, ne fait pas grand-chose pour aider les personnes qui meurent déjà de faim et qui recherchent désespérément de l’eau potable.

Il affirme que trouver une gorgée d’eau à Gaza continue d’être une mission de vie ou de mort pour beaucoup, même si des camions remplis de fournitures essentielles ont commencé à rentrer samedi pour la première fois depuis le début de la plus récente guerre entre Israël et le Hamas.

M. Nasser soutient que les 20 camions qui ont été autorisés à franchir le poste frontalier entre l’Égypte et Gaza n’ont pratiquement rien changé à la crise humanitaire que les habitants subissent tout autour d’eux.

Ces livraisons ne représentent qu’une fraction du flux habituel d’approvisionnement vers le territoire actuellement contrôlé par le Hamas, et plus de 200 camions transportant 3000 tonnes d’aide attendent à proximité depuis des jours. Israël a coupé la nourriture, le carburant et d’autres approvisionnements dans la région et a lancé de nombreuses frappes aériennes en réponse à l’invasion meurtrière des villes israéliennes par le Hamas, lancée le 7 octobre. La guerre qui a suivi – la dernière d’une série de cinq – est déjà le conflit de ce type le plus meurtrier pour les deux pays.

M. Nasser continue de voir des gens se battre ouvertement pour obtenir de l’eau et de la nourriture. « L’eau est le plus grand combat… nous sommes à la chasse tous les jours », a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique depuis la ville de Khan Yunès.

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des citoyens font la queue pour remplir des conteneurs d’eau potable dans la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Ma femme est enceinte de cinq mois et je m’inquiète beaucoup, car aujourd’hui nous n’avons plus d’eau en bouteille et elle boit de l’eau sale et je ne suis pas sûr que ce soit hygiénique… J’ai l’impression que personne ne s’en soucie.

Mahmoud Nasser, un Canadien coincé à Gaza

M. Nasser a déjà perdu plusieurs êtres chers depuis le début de cette guerre et il s’attend à voir bientôt de nombreuses personnes qui ne sont pas encore mortes à cause des frappes aériennes constantes mourir de faim et de déshydratation si aucune aide supplémentaire n’arrive.

« C’est une sensation très étrange », dit-il, ajoutant qu’il a eu le privilège de pouvoir acheter au moins une ou deux bouteilles d’eau chaque jour jusqu’à présent.

D’autres morts sans nouvelle aide

Un communiqué conjoint publié par diverses agences des Nations unies, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), indique que les camions qui sont entrés à Gaza samedi sont passés par la frontière sud avec l’Égypte. Les groupes ont souligné que les milliers de bouteilles d’eau potable, de nourriture et de fournitures médicales à bord sont « loin d’être suffisantes » pour les Palestiniens, dont environ un million ont fui leurs foyers.

« Compte tenu du grand nombre d’infrastructures civiles endommagées ou détruites à Gaza en près de deux semaines de bombardements incessants, notamment les abris, les centres de santé, l’eau, l’assainissement et les systèmes électriques, le temps presse avant que les taux de mortalité ne montent en flèche en raison des épidémies et du manque de capacités en matière de soins de santé », peut-on lire dans leur déclaration.

« La capacité de production d’eau est à 5 % des niveaux normaux. Les fournitures humanitaires prépositionnées ont déjà été épuisées. Les personnes vulnérables sont les plus exposées et les enfants meurent à un rythme alarmant et se voient refuser leur droit à la protection, à la nourriture, à l’eau et à la santé. »

Le couloir humanitaire a été ouvert après plus d’une semaine de diplomatie de haut niveau, notamment des visites dans la région du président américain Joe Biden et du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Israël avait insisté sur le fait que rien n’entrerait à Gaza jusqu’à ce que le Hamas libère tous les otages lors de son attaque du 7 octobre contre des villes du sud d’Israël.

Vendredi soir, le Hamas a libéré ses premiers otages : une Américaine et sa fille adolescente. Il n’était pas clair dans l’immédiat s’il existait un lien entre cette libération et les livraisons d’aide. Israël affirme que le Hamas détient toujours au moins 210 otages.

Reem Sultan, une résidante de London, en Ontario, âgée de 49 ans, a raconté que son cousin à Gaza avait pleuré lors d’un appel téléphonique samedi alors qu’il disait qu’il voulait juste donner de l’eau à ses enfants. Lui aussi a vu des bagarres éclater entre ceux qui cherchaient de la nourriture rare, a-t-elle ajouté.

PHOTO REEM SULTAN, FOURNIE PAR LA PRESSE CANADIENNE

Reem Sultan, résidante de London (Ontario), assise au centre et portant une veste bleue, est vue avec sa famille sur une plage de Gaza dans une photo non datée avant le déclenchement de la guerre entre le Hamas et Israël.

Les nuits ont également été très froides, et Mme Sultan a mentionné que sa cousine s’est aventurée pieds nus et a esquivé les bombes pour aller chercher des couvertures pour sa fille grelottante.

Je n’arrive pas à croire les choix que ma famille doit faire pour simplement survivre, qu’il s’agisse d’eau, d’un peu de nourriture de la maison ou simplement de les garder au chaud.

Reem Sultan, résidante de London, Ontario

« Cela ne devrait pas se produire sous notre surveillance. C’est de la folie. C’est plus qu’horrible. »

Les autorités de Gaza affirment que plus de 4300 personnes ont été tuées sur le territoire depuis le début de cette guerre. Plus de 1400 personnes sont mortes en Israël, pour la plupart des civils tués lors de l’incursion meurtrière du Hamas le 7 octobre.

Avec des informations de l’Associated Press