(Ottawa) Israël est « ravi » que le Canada se joigne aux États-Unis et à la France pour affirmer que l’explosion survenue la semaine dernière dans un hôpital de la ville de Gaza a été causée par une roquette errante tirée depuis la bande de Gaza, a soutenu dimanche l’ambassadeur d’Israël à Ottawa.

Samedi, le Canada est devenu le troisième allié occidental à soutenir l’affirmation d’Israël selon laquelle l’armée israélienne n’a joué aucun rôle dans l’explosion qui a eu lieu à l’hôpital al-Ahli le 17 octobre.

« L’analyse réalisée de manière indépendante par le commandement du renseignement des Forces canadiennes indique, avec un haut degré de certitude, qu’Israël n’a pas attaqué l’hôpital le 17 octobre 2023 », a déclaré le ministre de la Défense nationale, Bill Blair, dans un communiqué publié samedi soir.

« Le scénario le plus vraisemblable est que la frappe venait d’une roquette errante tirée depuis Gaza », a-t-il ajouté, faisant écho aux conclusions auxquelles sont parvenus les États-Unis et la France dans les derniers jours.

Dimanche, l’ambassadeur d’Israël au Canada, Iddo Moed, a salué la conclusion du Canada.

« La perte de vies humaines à l’hôpital al-Ahli est une tragédie qui devrait horrifier tout être humain. Elle rappelle les crimes de guerre contre les Palestiniens et les Israéliens commis par le Hamas et d’autres groupes terroristes à Gaza », a écrit M. Moed.

Le Conseil national des musulmans canadiens a déclaré dimanche avoir contacté le ministre Blair pour obtenir plus d’informations sur ce qui avait conduit le Canada à tirer cette conclusion.

Dans une déclaration publiée dimanche soir, le conseil a indiqué que de nombreuses questions restaient en suspens et a également demandé au Canada de reconnaître la compétence de la Cour pénale internationale pour procéder à une évaluation indépendante sur le terrain.

Le conseil a également souligné qu’il ne s’agissait que du seul bâtiment d’utilité publique à avoir été touché depuis le début du « siège de Gaza ». Des églises et des écoles ont aussi été endommagées ou détruites.

« Nous nous concentrons donc sur la nécessité d’un cessez-le-feu immédiat », a indiqué le conseil.

L’explosion est devenue un nouveau point de controverse dans le conflit qui s’est amorcé il y a plus de deux semaines, lorsque des centaines de militants du Hamas ont lancé une attaque sur plusieurs fronts contre Israël.

Le Hamas, un groupe que le Canada qualifie d’organisation terroriste depuis 2002, a lancé des tirs de roquettes et une attaque terrestre sur plusieurs sites, notamment lors d’un festival de musique et dans plusieurs communautés collectives agricoles.

Au moins 1400 Israéliens ont été tués, plusieurs milliers blessés et plus de 200 personnes – dont des enfants – ont été prises en otage par le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 16 ans. Six Canadiens sont morts dans l’attaque, tandis que deux autres sont toujours portés disparus.

Israël a répondu à cette attaque en coupant l’électricité et l’approvisionnement de la bande de Gaza et en lançant ses propres tirs de roquettes dans la zone. Il se prépare également à un assaut terrestre.

Dimanche, les plus récentes estimations suggéraient qu’environ 4600 Palestiniens ont perdu la vie dans le conflit, et l’impact humanitaire de la réplique israélienne a de graves conséquences sur les près de deux millions de personnes qui habitent à Gaza.

Le premier ministre Justin Trudeau a affirmé sans équivoque que le Canada soutenait le droit d’Israël à se défendre, mais que toutes les parties devaient respecter la loi et que les civils devaient être protégés.

Le Canada a demandé au Hamas de libérer tous les otages et à Israël et à l’Égypte et de faciliter la livraison de l’aide à Gaza.

M. Trudeau a réitéré ces positions dimanche lors d’un appel téléphonique avec le président israélien Isaac Herzog.

Le premier ministre avait subi des pressions peu après l’explosion de l’hôpital pour en attribuer la responsabilité. Interrogé par un journaliste sur la « frappe israélienne » contre l’hôpital, avant qu’Israël n’en nie la responsabilité, M. Trudeau avait qualifié l’attaque d’« horrible » et d’« inacceptable ».

Quelques heures plus tard, après qu’Israël a affirmé que la roquette n’était pas la leur, M. Trudeau a appelé au respect du droit international, mais n’a pas pointé de coupable du doigt.

« Ensemble, nous devons déterminer ce qui s’est passé, avait-il déclaré. Il doit y avoir des responsabilités. »

Le même jour, il a chargé le ministre Blair de demander à l’armée d’entreprendre un examen et une analyse des preuves disponibles afin que le Canada puisse tirer ses propres conclusions.

L’analyse canadienne a été achevée le 21 octobre et, après que M. Blair ait été mis au courant, il a informé le premier ministre, puis a rendu publiques les conclusions générales juste avant 22 heures samedi. Le Canada n’a pas précisé quels éléments de preuve ont conduit à sa conclusion.

Pas assez pour faire changer d’idée

Selon le professeur d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa Peter Jones, il est « assez normal » que le Canada analyse de manière indépendante certains incidents survenus à l’étranger. Il est cependant moins courant qu’il publie une déclaration sur ses conclusions.

« Compte tenu de l’énorme attention médiatique et de l’intérêt public, je suppose que le gouvernement du Canada a tout simplement senti qu’il ne pouvait pas rester silencieux », a-t-il mentionné en entrevue avec La Presse Canadienne.

M. Jones a passé sept ans à travailler dans l’analyse du renseignement et a lui-même analysé des incidents ayant le potentiel d’intéresser le Canada.

« Dans la plupart des évènements majeurs dans le monde où le gouvernement canadien souhaite avoir son propre point de vue, la communauté canadienne du renseignement va mener sa propre analyse », a expliqué le professeur.

Toutefois, M. Jones ne croit pas que les personnes qui souhaitent imputer à Israël la responsabilité de l’attaque seront déstabilisées par la déclaration du ministre Blair.

« Dans de nombreux pays du Moyen-Orient, les gens ont déjà forgé leur opinion en se basant sur ce que le Hamas dit et sur leur propre colère par rapport à ce qui se passe », a observé M. Jones.

Les sentiments l’emportent

De son côté, l’ancien diplomate canadien Colin Robertson a noté que les faits peuvent peut-être étayer la conclusion du Canada, mais que dans le monde actuel, les faits n’ont pas toujours d’importance.

« Malheureusement, nous vivons dans un monde où les sentiments l’emportent sur les faits, donc cela ne changera pas grand-chose », a affirmé celui qui est aujourd’hui chercheur principal à l’Institut canadien des affaires mondiales.

On ne sait pas encore exactement combien de personnes ont été tuées lorsque la roquette a frappé l’hôpital. L’Autorité palestinienne de la santé a indiqué que près de 500 personnes étaient mortes, tandis que des sources du renseignement américain ont été citées disant que ce nombre se situe entre plutôt entre 100 et 300.

Israël a pointé du doigt le Djihad islamique palestinien comme étant à l’origine de la roquette. Il s’agit du deuxième groupe armé à Gaza, dont le seul objectif est une victoire militaire sur Israël afin d’établir un État islamique sur tout Israël, ainsi qu’en Cisjordanie et à Gaza.

Le Canada n’a pas encore attribué de responsabilité précise quant à l’origine de la roquette.

« Alors que le Canada fournit de nouvelles mises à jour, Israël est convaincu que d’autres découvertes par les Forces de défense israéliennes, y compris la culpabilité du Djihad islamique palestinien, seront identifiées par le Canada comme la source de ce crime de guerre », a fait valoir l’ambassadeur Moed.