Les pirates qui ont attaqué la Commission des services électriques de Montréal disent avoir publié lundi certains des renseignements qu’ils ont détruits et volés.

« Le groupe criminel à l’œuvre dans cette affaire a rendu publique aujourd’hui une partie des données dérobées », mentionne un communiqué de la Commission (CSEM). L’organisme est chargé d’exploiter le réseau de 770 kilomètres de conduites souterraines où passent les câbles d’électricité et de télécommunications à Montréal.

« La CSEM dénonce ce geste illégal, tout en précisant que les données dévoilées représentent un risque faible tant pour la sécurité publique que pour les opérations menées par la CSEM. »

Lockbit en difficulté

Dans le web caché (dark web), le site des pirates du gang LockBit, qui a attaqué l’organisme le 3 août, présente un lien pour télécharger près de 44 gigaoctets de données. La Presse n’a toutefois pas été en mesure d’en vérifier la nature puisque le site ne répondait pas correctement.

Selon des experts du secteur, le gang éprouve d’ailleurs des difficultés et peine à publier les informations qu’il a volées à ses victimes, tel que le rapportait le site spécialisé Cybernews récemment. La Presse a pu confirmer les difficultés de diffusion qu’éprouve Lockbit en explorant son site.

Rançon de deux millions refusée

Dans son communiqué de lundi, la CSEM rappelle avoir « choisi de ne pas céder aux demandes des cybercriminels » en refusant de leur payer une rançon.

« En toute responsabilité et de concert avec le conseil d’administration de la CSEM, notre décision fut de refuser la rançon initiale de deux millions de dollars américains. Ceci, considérant le caractère public et la mission de la CSEM, en termes de gouvernance et de saine gestion des deniers publics », expliquait le président de l’organisme, Sid Zerbo, dans notre article du 9 août.

Dans des réponses fournies à La Presse, la Commission dit avoir porté plainte à la police de Montréal et contacté le Centre canadien de cybersécurité.

En réaction à l’attaque, l’organisme offre à ses employés un service de surveillance du crédit chez Équifax.

Données publiques

En tant qu’exploitant les conduites desservant à la fois la Ville de Montréal et ses services d’urgence, Hydro-Québec et Vidéotron, la CSEM s’est fait voler de nombreux documents précisant l’architecture détaillée du réseau.

« Il est à noter que tous les projets de la CSEM font l’objet d’appels d’offres publics, mentionne cependant la Commission. Par conséquent, tous ces plans d’ingénierie, de construction et de gestion sont déjà disponibles publiquement à travers les processus officiels d’appels d’offres au Québec. Cependant, force est de constater que l’acte en soi est criminel. »

Selon un courriel des ressources humaines aux employés de la CSEM qu’a obtenu La Presse, l’organisme a toutefois perdu d’importantes bases de données qu’elle doit reconstruire. Le greffe des ingénieurs, contenant les originaux de plans portant le sceau et la signature des ingénieurs, serait perdu.

L’organisme a refusé de confirmer ces informations, invoquant « une enquête policière actuellement en cours ».

De leur côté, les clients de la CSEM se font toutefois rassurants. La Ville de Montréal, qui l’utilise pour son réseau électrique, précise qu’elle ne partage « aucune information sensible » avec la Commission.

Quant au risque de perte de données, la Ville mentionne qu’elle a avec l’organisme « une entente sur le partage de données ». « De ce fait, toutes les informations cartographiques qu’aurait perdues la CSEM en lien avec des réseaux qui relèvent de la compétence de la Ville de Montréal pourront leur être transmises à nouveau », mentionne le porte-parole Hugo Bourgoin.

Chez Hydro-Québec, le directeur du contrôle du système énergétique Maxime Nadeau se réjouit d’avoir été « mis au courant rapidement » et dit n’avoir aucune raison de croire que des informations critiques ont été dérobées.

« La cartographie du réseau, ça ne permet pas de savoir quelle ligne dessert quel client, à partir de quel poste », dit-il en entretien avec La Presse.

De son côté, Vidéotron assure que les informations partagées avec la CSEM sont « importantes », mais « ne mettent aucunement à risque » son réseau.

« Nous prenons très au sérieux cet évènement et suivons l’évolution de la situation de près avec la CSEM », ajoute toutefois le câblodistributeur, dans un courriel non signé.