Chaque semaine de l’été, nos journalistes partent à la rencontre de communautés québécoises d’adoption. Deuxième arrêt : une visite au sein de la communauté française.

Pas moins de 75 000 citoyens français* habitent au Canada. Selon les recensements de 2016 et de 2021, la France arrive en tête de liste en ce qui concerne le pays de naissance des nouveaux arrivants au Québec. On passe à table avec quelques-uns d’entre eux.

« Les Québécois qui viennent ici disent qu’ils ont l’impression de se trouver sur une terrasse à Bordeaux ou à Paris ! », lance Max Rosselin, propriétaire du Bar Mamie, dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.

Et pour cause : 50 % des clients de l’établissement sont français, tout comme la presque totalité du personnel.

Au menu : du fromage, du bon vin, des planches de charcuteries et aussi des plats typiques que la grand-mère du propriétaire ou que celles de ses employés cuisinaient.

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Au menu du Bar Mamie : du fromage, du bon vin, des planches de charcuteries...

Au gré des saisons, la carte peut inclure une flamiche au maroilles ou un welsh, des spécialités du nord de la France – une raclette ou du poulet rôti « comme celui du dimanche, en famille ».

Tel est le concept du Bar Mamie, explique Max Rosselin : rendre hommage aux grands-mères françaises et redonner « un petit bout de pays » aux clients.

Qui, pour certains, viennent deux ou trois fois par semaine.

Notre restaurant n’est pas trop, trop cher, alors on a nos fidèles.

Max Rosselin, propriétaire du Bar Mamie

Et de fait, on fait la file pour manger à son établissement.

Lisez le premier texte de notre série : « Bienvenue dans la Plaza San Huberto ! »

Une communauté tissée serré

« Étant à l’extérieur de notre pays, j’ai l’impression qu’on est beaucoup plus tissés serré, qu’on a besoin de se réunir beaucoup plus souvent entre amis que les Québécois le font entre eux en général », avance le propriétaire.

Max Rosselin est originaire du nord de la France. Ce Ch’ti a posé ses valises ici il y a 11 ans et assure n’avoir plus envie de les boucler de nouveau.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le propriétaire du Bar Mamie, Max Rosselin

J’aime trop l’état d’esprit au Québec, ce sentiment de liberté, ce sens de la communauté.

Max Rosselin, propriétaire du Bar Mamie

Il faut dire que son restaurant – qui devait ouvrir en mars 2020 – a été carrément adopté aussi bien par les Français d’ici que par Rosemont.

Confinement il y a ? Qu’importe, on se fera livrer la France à la maison ! « Les gens du quartier ont été hyper présents, ils nous ont aidés et ils sont venus nous supporter dès qu’on a ouvert. C’était vraiment génial. »

Parmi ceux-là : Julia Defossez, arrivée de Paris il y a quatre ans et qui a été séduite par le Québec. « Ici, j’ai toujours l’impression d’être en vacances, dit-elle. L’ambiance est vraiment conviviale. Il fait bon vivre au Québec, la vie me semble plus facile en général. »

C’est aussi ce qui a plu à Gaspard Carrey, également de Paris, qui est arrivé avec sa conjointe. Ils ont acheté un condo ici, « et on a fait une petite fille ».

Je ne sais pas si je vais y rester pour toujours, mais c’est sûr que nous serons au Québec encore au moins cinq ans. Ici, la vie est plus chill qu’à Paris, où il y a une certaine violence dans les rapports sociaux, sans doute liée au fait qu’il y a là-bas tellement plus de gens qui vivent entassés.

Gaspard Carrey

S’il a eu envie ce vendredi soir là d’une petite soirée chez Mamie avec la famille et les copains, à manger des plats typiques de son pays d’origine – car ça, oui, la cuisine française lui manque ! –, pas question pour lui de ne chercher que la compagnie de ses compatriotes.

« Je ne suis pas parti de France pour recréer un microcosme français », assure-t-il.

Sortir du Plateau

M. Carrey et sa conjointe se sont établis dans Hochelaga-Maisonneuve. Comme lui, de plus en plus de Français s’éloignent du Plateau Mont-Royal. Ils y sont encore nombreux – quelque 7000, selon les plus récentes données de la Ville de Montréal –, mais quelque 5000 ont choisi Rosemont–La Petite-Patrie, et Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce pour plus de 4000 autres.

Plusieurs, comme Hanna Parenti, sont venus au Québec pour les études et ont décidé de rester, sachant que l’emploi en France est difficile pour les jeunes.

Les opportunités professionnelles sont meilleures ici que là-bas. On obtient plus facilement des entretiens.

Hanna Parenti

Certains, comme le propriétaire du Bar Mamie, se voient rester au Québec pour de bon. Pour d’autres, c’est moins sûr. « Il y a toujours dans le fond de ma tête cette question : retournerai-je en France ? », se demande Maylis Balthazard.

« J’ai souvent eu envie de repartir », confie-t-elle.

La nourriture de là-bas lui manque, « les fruits et les légumes, aussi, sont moins chers qu’ici ». Le rythme de vie de Toulouse, aussi. « J’aime faire l’apéro à 14 h en terrasse, et pas seulement entre mai et septembre comme à Montréal. »

*Au dernier recensement canadien, 75 020 personnes ont uniquement mentionné la France comme pays de citoyenneté ; pas moins de 126 520 ont déclaré être entre autres des citoyens français.

Les Français en quelques chiffres

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Nombreux, les Français de Montréal ? Ici, au Palais des Congrès, des membres de la communauté attendent pour voter aux élections présidentielles de France.

1er rang

Les Français forment le plus gros contingent de personnes admises au Québec en 2021

Source : données du recensement de 2021

42 000

Nombre de personnes originaires de France qui vivent à Montréal

Source : Ville de Montréal

16,1 %

Proportion des nouveaux arrivants au Québec en 2022 qui viennent de la France

Source : Institut de la statistique du Québec

6730

Nombre de résidants d’origine française habitant le Plateau Mont-Royal

Source : données de la Ville de Montréal de 2016