Un convoi de secours surpris par les flammes, deux combattants auxiliaires pris de panique et subissant des brûlures, dont un gravement : la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a évité le pire plus tôt cette semaine dans le Nord-du-Québec, lors du premier évènement majeur du genre en près de 30 ans, a appris La Presse.

Ce qu’il faut savoir

• La situation des incendies de forêt est jugée « préoccupante » dans le Nord-du-Québec, où 87 incendies étaient toujours en activité vendredi.

• La SOPFEU ne lutte pas activement contre les incendies dans la « zone nordique », mais s’efforce plutôt de protéger les infrastructures essentielles et les communautés.

• Deux routes importantes qui desservent la région, la Billy Diamond et la Transtaïga, ont été fermées en partie et des communautés ont commencé à évacuer par les airs leurs résidants.

Les évènements se sont produits lundi dernier sur la route Transtaïga, lorsqu’un convoi composé de quatre véhicules, dont un d’Hydro-Québec, a tenté de secourir une équipe de 11 travailleurs de la SOPFEU coincés à la centrale La Grande-3, à quelque 200 km plus à l’est.

Ces derniers ne pouvaient décoller en hélicoptère en raison des conditions de fumée extrême dégagée par l’incendie 218 qu’ils combattaient à proximité et dont la superficie s’étend maintenant sur plus d’un million d’hectares, soit près de la superficie de la Montérégie.

Selon nos informations, un vol de reconnaissance avait eu lieu afin d’analyser les environs et l’autorisation avait été donnée au convoi de se rendre sur place.

« On était dans une situation où il y avait beaucoup de fumée. Ils avaient probablement comme indice que c’était prudent de le faire », a expliqué en entrevue, vendredi, un porte-parole de la SOPFEU, Stéphane Caron.

Or, en route, l’équipe s’est rapidement rendu compte que le feu progressait vite. Trop vite. Elle a alors pris la décision de rebrousser chemin. Dans la panique du moment, deux des véhicules se sont retrouvés dans le fossé.

Rester dans le véhicule

C’est alors que l’incendie a « traversé la route » alors que le convoi s’y trouvait, a indiqué Stéphane Caron.

Les procédures de la SOPFEU prévoient de rester dans le véhicule dans ce genre de situation, poursuit-il.

Le passage du feu, ce n’est pas très long. On parle de deux ou trois minutes au plus. Donc, la chose sécuritaire à faire, c’est de rester dans le véhicule.

Stéphane Caron, porte-parole de la SOPFEU

Pris de panique, deux des combattants auxiliaires ont toutefois pris leurs jambes à leur cou, malgré les consignes du pompier qui les accompagnait, décrit-il.

Fait à noter, les combattants auxiliaires ne sont pas des employés de la SOPFEU ni des pompiers forestiers puisqu’ils n’ont pas reçu de formation en ce sens. Il s’agit plutôt de travailleurs sylvicoles, par exemple, qui sont appelés en renfort par la SOPFEU chaque été de façon sporadique pour combattre les incendies de forêt.

« Un, le pompier a été capable de le rattraper et de le réintégrer dans son véhicule », décrit Stéphane Caron. L’autre a finalement été récupéré par des agents de la Société de développement de la Baie-James chargés du barrage routier vers l’est sur la Transtaïga après avoir « couru un bout ».

« C’est la raison pour laquelle ils ont eu des brûlures », précise Stéphane Caron. « Sans que les flammes te touchent directement, tu reçois des tisons », explique-t-il, sans se prononcer sur la cause exacte des brûlures.

La troupe a finalement été secourue par la brigade incendie de Radisson venue en renfort à la Sûreté du Québec.

Quant au groupe qui se trouvait à La Grande-3, il a finalement pu décoller en soirée lorsque la fumée s’est dissipée et puisque deux pilotes d’hélicoptère se trouvaient parmi eux.

Évènement majeur

Les brûlures de l’un des combattants ont été jugées « superficielles ». L’autre a été évacué grâce à Airmedic vers l’hôpital Charles-Le Moyne, à Longueuil, pour y traiter des brûlures plus graves aux bras et aux mains. On ne craint toutefois pas pour sa vie.

La SOPFEU refuse de rejeter la faute sur l’inexpérience des combattants auxiliaires. « Dans une situation comme ça, ça peut être très contre-intuitif de rester dans le véhicule, insiste Stéphane Caron. Mais quelqu’un qui connaît le comportement d’un incendie sait que le feu avance à une certaine vitesse et que le véhicule ne prendra pas feu. »

Lui-même employé par la SOPFEU depuis 30 ans, Stéphane Caron affirme n’avoir jamais vécu un évènement aussi majeur. Une enquête a été ouverte par l’organisation, qui tentera de déterminer comment le convoi a pu se retrouver dans cette fâcheuse position.

Un programme d’aide aux employés a été mis en place aux bases de Val-d’Or et de Maniwaki.

Le caractère historique des incendies de forêt cette année explique en partie ce genre d’évènement, estime Stéphane Caron. « C’est propice à ce que ça survienne, à un moment donné, avec la fatigue et le nombre d’intervenants, dont le nombre d’intervenants inexpérimentés. […] C’est une situation à risque. »

Une situation « très préoccupante »

Ces évènements sont survenus quelques jours à peine avant qu’une pompière forestière perde la vie jeudi en Colombie-Britannique, où les autorités en ont également plein les bras avec une saison des incendies de forêt historique.

La pompière de 19 ans intervenait lors d’un incendie de forêt près de Revelstoke. Elle a été identifiée par son frère comme étant Devyn Gale, vendredi. La GRC de Revelstoke a indiqué que son équipe l’a trouvée coincé sous un arbre tombé et a commencé les premiers soins, mais qu’elle a succombé à ses blessures après avoir été transportée par avion vers un hôpital de la région.

La SOPFEU considère actuellement la situation dans le Nord-du-Québec comme « très préoccupante » tandis que les deux routes principales qui desservent le territoire, la Billy Diamond et la Transtaïga, sont actuellement fermées.

Radisson, Eastmain ainsi que des communautés autochtones du secteur ont commencé à évacuer par voie aérienne. Des rangers locaux ont été déployés sur le terrain par le gouvernement fédéral afin d’aider dans cette opération.

Vendredi, Hydro-Québec a indiqué être aussi en train d’évacuer ses travailleurs des barrages La Grande-1 (LG1) et La Grande-2 (LG2), ce dernier étant situé à environ 7 km du village de Radisson où nombre de leurs résidences saisonnières sont installées.

« On doit assurer la sécurité de nos installations, mais on va essayer de sortir la majorité de nos travailleurs », a indiqué la responsable des mesures d’urgence chez Hydro-Québec, Maryse Dalpé, en ajoutant vouloir travailler « de concert » avec les municipalités du secteur.

Les panaches de fumée déclenchent dans ce secteur des mécanismes de défense sur les lignes de transport d’électricité qui ont privé de courant momentanément, jeudi, près de 500 000 clients dans la région métropolitaine.

Avec La Presse Canadienne