Très populaire auprès des jeunes et fondée par des youtubeurs, la boisson énergisante PRIME pourrait bientôt faire l’objet d’une enquête aux États-Unis, en raison de sa teneur en caféine jugée potentiellement risquée. À Ottawa, on indique déjà que ce dossier sera suivi de très près.

« Une simple recherche de PRIME sur les réseaux sociaux génère une quantité impressionnante de contenus commandités, ce qui constitue de la publicité. Ce contenu et les affirmations qui y sont faites devraient faire l’objet d’une enquête, de même que les ingrédients et la teneur en caféine de la boisson », écrit le sénateur Chuck Schumer, chef de la majorité démocrate au Sénat des États-Unis, dans une lettre envoyée dimanche au Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA).

Lancée en janvier 2022, la boisson PRIME Hydration a engendré un engouement monstre. En mars, La Presse rapportait que des épiceries au Royaume-Uni ont même dû rationner les clients à quelques bouteilles par personne tellement sa popularité était forte. En ligne, les boissons ont aussi été rapidement en rupture de stock, entraînant même des marchés de revente dans les cours d’école au Québec et ailleurs dans le monde. Au Royaume-Uni, une bouteille a même été affichée sur eBay pour 10 000 livres.

Lisez l’article « La folie des boissons Prime »

Plus près de chez nous, au Québec et au Canada, les boissons sont vendues en ligne et se trouvent aussi dans certains magasins spécialisés et dépanneurs, même si elles se font parfois rares. Leurs prix varient entre 7 $ et 9 $ pour une bouteille de 500 ml. Pour le même format, on peut se procurer une boisson Gatorade pour moins de 2 $.

Sur son site web, on peut lire que PRIME a été développée « pour combler le vide où le bon goût rencontre la fonction ». « Avec des saveurs audacieuses et désaltérantes pour vous aider à vous rafraîchir, à vous réapprovisionner et à faire le plein, PRIME est le coup de pouce parfait pour tout effort. Nous sommes convaincus que vous l’aimerez autant que nous », y soutiennent ses deux créateurs.

Les youtubeurs Logan Paul et KSI, qui ont chacun plus de 20 millions d’abonnés, sont derrière le projet. Les deux hommes ne se gênent pas pour dire qu’ils veulent détrôner les autres boissons sportives, leur souhait avoué étant de « surpasser certaines des plus grandes entreprises de boissons au monde ».

PHOTO RITZAU SCANPIX, FOURNIE PAR REUTERS

Les youtubeurs KSI et Logan Paul, fondateurs des boissons Prime

La semaine dernière, le duo avait annoncé en grande pompe avoir conclu un partenariat avec le FC Barcelone pour devenir la boisson énergisante officielle du club de soccer espagnol.

Des enjeux de santé publique ?

Mais pour Chuck Schumer, il y a potentiellement un drapeau rouge. Selon lui, cette boisson pose en effet « un grave problème de santé pour les enfants qu’elle cible avec tant de fébrilité ». Il appelle d’ailleurs les acheteurs, et surtout les parents, à la vigilance dans le contexte.

C’est que PRIME s’affiche comme une boisson sans sucre et végétalienne, mais ses bouteilles de couleur néon font partie d’un nombre croissant de boissons énergisantes contenant des niveaux élevés de caféine. Dans le cas de PRIME, on compte environ 200 milligrammes de caféine par 12 onces (350 millilitres), soit l’équivalent d’une demi-douzaine de canettes de Coca-Cola ou de près de deux Red Bull.

L’entreprise défend pour le moment son produit, en rappelant qu’il est clairement étiqueté « déconseillé aux moins de 18 ans ». La société vend d’ailleurs une autre boisson sportive, appelée PRIME Hydration, qui ne contient pas de caféine.

Dans sa lettre à la FDA, M. Schumer écrit toutefois qu’il n’y a guère de différence notable dans le marketing en ligne des deux boissons – avec ou sans caféine –, ce qui conduit selon lui de nombreux parents à croire qu’ils achètent un jus de fruits pour leurs enfants, alors qu’ils se retrouvent avec un « chaudron de caféine ».

Ottawa suivra de près

Au cabinet du ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, on se fait pour l’instant prudent, même s’il n’est pas exclu que Santé Canada déclenche à son tour une enquête. « Nous prenons connaissance de la demande de la FDA aux États-Unis et nous suivons le dossier de près. La priorité est la sécurité des consommateurs canadiens », a soutenu dimanche le porte-parole du ministre, Guillaume Bertrand.

Santé Canada avait annoncé en juillet 2022 une nouvelle réglementation normalisant les tableaux de renseignements sur les produits supplémentés et préemballés qui contiennent entre autres de la caféine.

À travers le monde, les États-Unis et le Canada ne sont pas seuls à s’inquiéter de cette nouvelle boisson. Sa teneur élevée en caféine a en effet déjà conduit à l’interdiction de ce produit dans certaines écoles du Royaume-Uni et de l’Australie, où des pédiatres ont mis en garde contre les effets possibles sur la santé des jeunes, tels que les problèmes cardiaques, l’anxiété et les troubles digestifs.

Avec l’Associated Press et Florence Dancause, La Presse