La Food and Drug Administration (FDA) américaine a donné le feu vert, jeudi, à un nouveau médicament contre la maladie d’Alzheimer, le Leqembi. Selon les experts, il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Mais pas d’un pas de géant.

Comment le médicament agit-il ?

Conçu par les entreprises pharmaceutiques japonaise Eisai et américaine Biogen, le Leqembi est composé d’une molécule appelée lécanémab. « C’est comme le Tylenol et l’acétaminophène », précise Étienne Aumont, chercheur en neurosciences à l’UQAM. On peut décrire le lécanémab comme un anticorps monoclonal, soit une grosse molécule qui possède deux extrémités. L’une de ces extrémités se lie à une protéine spécifique, en l’occurrence l’amyloïde bêta, et l’autre extrémité signale au système immunitaire qu’il y a quelque chose à nettoyer. « L’anticorps monoclonal va donc permettre au système immunitaire de se débarrasser de la protéine amyloïde bêta, qui contribue à la progression initiale de la maladie d’Alzheimer. » Le Leqembi est administré toutes les deux semaines, sous forme de solution intraveineuse.

Quelle est l’efficacité du Leqembi ?

Le Leqembi permet de ralentir, dans une certaine mesure, le déclin cognitif des patients à un stade précoce de la maladie d’Alzheimer. Il peut être administré aux personnes qui présentent des symptômes légers de déclin cognitif. L’étude ayant mené à l’approbation du Leqembi par la FDA a été publiée en janvier dernier dans la revue The New England Journal of Medicine.

Selon les résultats de l’essai clinique Clarity AD, auquel ont participé 1795 patients, le Leqembi ralentit de 27 % le déclin cognitif sur une période de 18 mois.

« C’est un bon début, mais ce n’est pas phénoménal, explique Étienne Aumont en entrevue. Il ne faut pas non plus oublier que c’est un essai clinique de 18 mois. Il serait intéressant de savoir si le médicament ralentit la progression pendant trois, quatre, cinq, six ans. » Et c’est sans parler des effets secondaires, qui sont non négligeables, selon le chercheur.

Quels sont les effets secondaires du Leqembi ?

La FDA a accordé une approbation complète du Leqembi. D’après l’agence, la preuve scientifique est solide quant à ses bienfaits potentiels. Or, l’étiquette sur le produit contient un black-box warning, soit le niveau d’avertissement le plus élevé, selon la FDA. En effet, dans de rares cas, le Leqembi peut avoir des effets très sérieux, pouvant même être fatals.

Durant l’essai clinique, près de 13 % des patients ayant reçu le Leqembi ont présenté un gonflement du cerveau, le plus souvent léger ou modéré. En comparaison, moins de 2 % des patients qui avaient reçu le placebo ont présenté un tel gonflement.

La plupart des gonflements du cerveau n’ont provoqué aucun symptôme. Ils sont généralement apparus peu après le début de l’utilisation et se sont résorbés en l’espace de quelques mois. Environ 17 % des patients auxquels on a administré le Leqembi ont présenté des hémorragies cérébrales, contre 9 % des patients ayant reçu le placebo.

Selon Étienne Aumont, ces effets secondaires soulignent l’importance de suivre de près les patients traités. « Il faut faire de l’imagerie médicale pour vérifier qu’il n’y a pas trop de débuts d’hémorragie, de petites hémorragies dans le cerveau. Ça peut arriver quand on se débarrasse de l’amyloïde. »

Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

« Il faut bien peser les risques et les bénéfices », explique Frédéric Calon, professeur à la faculté de pharmacie de l’Université Laval et chercheur en neurosciences du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval. Bien qu’ils ne soient pas révolutionnaires, les effets positifs sont significatifs d’un point de vue statistique, selon le chercheur. Quant aux effets indésirables, les effets les plus graves sont plutôt rares, indique Frédéric Calon. « Au final, ce n’est pas un médicament si dangereux que ça. »

Un autre facteur pèse toutefois dans la balance : le prix du médicament, qui s’élève à 26 500 $ US par patient, par année, soit environ 35 000 $ CAN.

Sans compter le suivi médical étroit par imagerie, qui doit être exercé pour prévenir les effets les plus graves. « Tout ça représente des coûts énormes, qui devront en partie être remboursés, note le chercheur. C’est beaucoup d’argent des gouvernements qui va payer les médicaments et qui ne va pas vers la recherche. » Frédéric Calon et Étienne Aumont espèrent qu’on réussira à négocier le prix du médicament à la baisse, dans l’optique de son homologation éventuelle par Santé Canada.

Et le Canada, dans tout ça ?

À la lumière des résultats de l’étude Clarity AD, la FDA a approuvé le lécanémab en janvier, selon une procédure accélérée. Au pays, le médicament est en cours d’examen, a confirmé Santé Canada en mai dernier. Pour le moment, l’agence publique ne peut commenter son statut ni fournir de délai.

« D’après moi, Santé Canada va devoir l’approuver, parce qu’il y a quand même des études qui démontrent son efficacité au niveau de la cognition », note Frédéric Calon. La Société Alzheimer de l’Ontario a salué jeudi l’approbation du Leqembi par la FDA.