(Ottawa) Des défenseurs des droits des LGBTQ ne sont pas encore rassurés par les modifications au Code criminel interdisant les thérapies de conversion au Canada.

Ils disent que les idéologies sous-tendant ces méthodes demeurent toujours présentes au Canada.

Selon la définition du gouvernement canadien, une thérapie de conversion est « une pratique qui vise à changer l’orientation sexuelle d’une personne pour la rendre hétérosexuelle, à changer son identité de genre pour la rendre cisgenre ou à changer son expression de genre pour qu’elle corresponde au sexe qui lui a été attribué à la naissance ».

Personne n’a été accusé ou cité à procès depuis les modifications à la loi qui sont entrées en vigueur en janvier 2022.

Nick Schiavo, directeur général de No Conversion Canada, s’inquiète que ceux qui prônent ces thérapies tentent d’utiliser un « langage codé » pour éviter de tomber sous le coup de la loi.

Florence Ashley, une professeure adjointe de la faculté de droit de l’Université de l’Alberta, dit qu’il est habituel pour les organisations d’employer des termes plus vagues.

« [Elles vont dire] qu’elles ne changent pas l’orientation sexuelle d’une personne. Nous faisons un genre de guérison. Nous soignons le traumatisme sous-jacent qui rend les personnes gaies. Nous ne faisons que laisser cette personne explorer qui est elle vraiment. »

Il n’existe aucune véritable répercussion pour ceux qui tiennent ce genre de discours, ajoute la Pre Ashley.

L’entrée en vigueur de l’interdiction a eu des effets immédiats. Par exemple : Exodus Alliance Globale, l’une des plus grandes organisations mondiales qui offrent des thérapies de conversion, a annoncé qu’elle cessait ses activités au Canada.

Sur son site internet, elle écrit que la nouvelle loi a clairement démontré que le gouvernement fédéral « tentait d’empêcher l’aide que les évangiles et les chrétiens peuvent apporter aux membres de communauté LGBT ».

Certaines organisations chrétiennes établies au Canada semblent se servir de documents qui sont conformes avec les principes derrière les thérapies de conversion. Cela soulève l’inquiétude des défenseurs des droits des membres de la communauté LBGTQ+ qui soutiennent que la loi a finalement eu peu de conséquences.

Le ministre fédéral de la Justice David Lametti qualifie les thérapies de conversion de pratique « horribles ».

« Cela me préoccupe évidemment que cette pratique continue d’exister. Je voulais l’éliminer. C’est la raison que nous l’avons rendue illégale », a-t-il souligné lors d’une entrevue à La Presse Canadienne.

Leur interdiction pourrait prendre un certain temps à s’implanter dans la mesure où la police doit apprendre à mener des enquêtes sur le sujet. Ils doivent notamment apprendre à analyser des programmes qui pourraient être dissimulés par un langage codé.

« On doit être capable de former des gens qui décryptent ce code caché ou les programmes dissimulant des thérapies de conversion, avance-t-il. Cela demande du temps. Je comprends que cela nécessite du temps. Et cela demande encore plus de temps pour que la police, non seulement comprenne, mais aussi enquête. »

Dans ses considérations relatives à la Charte des droits et des libertés, le gouvernement indique que la loi « ne criminaliserait pas les conversations dans lesquelles une personne exprime une opinion sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre, à moins que cette conversation ne fasse partie d’une intervention visant à rendre une personne hétérosexuelle ou cisgenre ».

Il ajoute que « les interventions qui soutiennent l’exploration et le développement de l’identité d’une personne ne seraient pas interdites, à condition qu’elles ne soient pas fondées sur l’hypothèse qu’une orientation sexuelle, une identité de genre ou une expression de genre particulière doit être privilégiée par rapport à une autre ».

Le professeur Travis Salway, de l’Université Simon-Fraser, dit que les groupes utilisent souvent un langage différent pour parler des thérapies de conversion afin de contourner la loi.

« L’expression “thérapie de conversion” peut avoir une signification différente selon les personnes qui l’emploient. Je crois que certaines pratiques dépassent l’étendue de l’interdiction visée par le fédéral, soutient-il. Nous devons arriver à comprendre qu’il existe un nombre plus étendu de pratiques qui ne tombent pas sous le coup de la loi fédérale. »

L’Institute of Biblical Counselling International, qui est en activité en Colombie-Britannique, en Ontario, au Manitoba et dans plusieurs communautés autochtones, offre ce qu’il appelle un programme fondé sur la Bible.

Le contenu du programme, affiché sur le site internet de l’organisation, comprend un cours sur « les problèmes psychologiques communs que les gens doivent affronter ». La bibliographie compte des livres écrits par des partisans des thérapies de conversion, dont ceux de Joe Dallas, un pasteur auprès du prétendu mouvement des « anciens gais ».

L’un de ses livres, The Complete Christian Guide to Understanding Homosexuality : A Biblical and Compassionate Response to Same-Sex Attraction, prétend que personne ne naît en étant homosexuel. M. Dallas dit offrir des outils pour aider les gens à s’abstenir de tout comportement homosexuel de manière permanente.

Le président de l’institut, Geoff Clarke, confirme que l’existence de ce cours. Toutefois, il ajoute que l’établissement n’enseigne pas les thérapies de conversions et que l’accent n’est pas placé sur l’orientation sexuelle,

« Ce n’est pas notre rôle, ce n’est pas une pratique à l’intérieur de notre programme. C’est à l’individu de faire un choix. On ne s’oriente pas dans cette direction », se défend-il.

M. Clarke souligne que le programme traite des traumatismes ou des problèmes d’accoutumance. Même s’il est au courant de l’existence d’un cours portant sur les « troubles sexuels », il maintient qu’il ne s’agit pas d’une thérapie de conversion.

« Nous pouvons faire référence à un livre ou un auteur que pourra lire un participant. C’est à lui d’en tirer ses propres conclusions. Il n’a aucun mal à citer une série de livres qu’une personne peut consulter. »